La bande dessinée Les pionniers : la machine du diable nous fait découvrir les débuts du cinéma, à la fin du XIXème siècle. Mais cet art, né en France, va connaître son essor aux Etats-Unis.
A la suite d’une mauvaise affaire en Argentine, Charles Pathé revient en France. Espérant enfin créer une entreprise viable, il ouvre un café à Vincennes. Puis il tente de vendre un nouveau produit venu d’Angleterre, le phonographe de Thomas Edison. A Londres, il découvre le kinétoscope d’Edison, permettant de visualiser des œuvres photographiques donnant l’illusion du mouvement. Le 28 décembre 1895 a lieu la première projection payante du Cinématographe des frères Louis et Auguste Lumière : on peut y voir La Sortie de l’usine Lumière à Lyon et L’Arroseur arrosé. Ils considèrent alors qu’il ne s’agit que d’une simple invention technique. Dans le prolongement de l’Exposition universelle de Paris (1890) et de son symbole, la tour Eiffel, les inventions techniques sont en effet innombrables.
Mais Charles Pathé, comprenant que ce nouveau spectacle va rapidement quitter la simple attraction de foire, se concentre sur la distribution. Léon Gaumont, pensant que le cinéma ne doit pas bénéficier aux seuls spectateurs de la haute société, imagine de montrer les films dans de grandes salles. Mais la « machine du diable » des frères Lumière est la cause d’une tragédie, l’incendie du Bazar de la Charité, le 5 mai 1897. Plus de cent femmes y sont mortes. Le procès aurait pu faire disparaître le cinéma… Mais celui-ci survit à cette tragédie et se développe rapidement. Georges Méliès, véritable artiste, invente les trucages et développe le montage. En 1902 sort Le Voyage dans la Lune. Alice Guy, secrétaire puis productrice, comprend que le cinéma doit s’orienter vers des superproductions à gros budget, comme La Vie du Christ (1906).
Cet album retrace l’histoire des Pionniers du cinéma, ces inventeurs et industriels à l’origine du 7ème art.
Après des années de recherche sur ce sujet, Damien Maric pensait en faire une série TV. Mais pour des raisons budgétaires, son travail a donné naissance à une bande dessinée.
Le scénariste Guillaume Dorison révèle ainsi le parcours de Charles Pathé, Léon Gaumont, Alice Guy, Georges Méliès, des frères Lumière… Ceux-ci ont contribué à la fin du XIXème siècle aux innovations techniques et à la commercialisation du cinéma. Ils étaient peu à deviner que cette invention deviendrait l’art le plus populaire quelques décennies plus tard. On découvre leur personnalité, grâce au travail de documentation de Damien Maric. Ces personnages deviennent attachants, à l’image de Charles Pathé qui se lance trop souvent dans des entreprises hasardeuses…
Le scénario fourmille d’anecdotes. Par exemple, tournant La Fée aux choux dans la forêt de Fontainebleau, Alice Guy subit les récriminations de Léon Gaumont. Cette scène révèle l’incompréhension entre artistes et industriels.
Mais malgré ce travail de recherche, cette bande dessinée reste une fiction. De nombreux faits, même s’ils sont plausibles, restent inventés. Dans ce récit, la première projection des frères Lumière au Salon Indien du Grand Café à Paris, en 1895, ou encore l’Exposition universelle de 1900, permettent de faire dialoguer entre eux ces pionniers du cinéma. Guillaume Dorison exagère sans doute la rivalité entre les industriels concurrents Charles Pathé et Léon Gaumont.
Le dessin réaliste de Jean-Baptiste Hostache, tracé sur un magnifique papier mat, un peu gaufré, est raffiné. La colorisation de Jean-Baptiste Merle est réussie.
Ce premier tome sur l’invention du cinéma en France, passionnant, sera suivi par un second sur ses débuts aux États-Unis. Sans doute découvrira-t-on pourquoi les Français, qui dominaient l’industrie cinématographique au tournant du siècle, ont été dépassés par les Américains…
Kristol Séhec
Les Pionniers, La Machine du diable, 152 pages, 25 euros. Editions Rue de Sèvres.
Illustrations : DR
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