Une superbe bande dessinée maritime retrace la méconnue guerre de Tripoli. Pour protéger ses navires de commerce et mettre fin à la traite musulmane, la jeune nation américaine envoya en 1803 une flotte de guerre en Méditerranée.
Après la guerre d’indépendance américaine, la flotte commerciale des Etats-Unis ne bénéficie plus, en Méditerranée, des escortes de la Royal Navy anglaise. La Méditerranée n’est plus sûre. Les navires de commerce américains sont pillés et coulés par les pirates Barbaresques. Le sort des marins capturés est terrible : les femmes sont vendues par les musulmans sur des marchés d’esclaves, les hommes doivent abjurer la religion chrétienne.
C’est pour protéger son commerce maritime en Méditerranée que le congrès de la jeune Amérique indépendante autorise, en 1794, la construction de six frégates. Ainsi nait l’US Navy. En août 1803, l’USS Constitution, imposante frégate à trois-mâts sous les ordres du Commodore Preble, s’apprête à lever l’ancre dans le port de Boston. Sa destination est la mer Méditerranée, afin d’éradiquer les pirates barbaresques.
Pierre-Mary Corbières, jeune aspirant de 16 ans qui sort juste de l’école navale, ne se mêle pas aux autres élèves officiers, préférant la compagnie des matelots. La promiscuité à bord est grande. Ce frêle blondinet se lie d’amitié avec un canonnier, Nicholas. Il lui révèle que sa mère était une prostituée irlandaise, avant d’épouser Édouard Corbières, fils d’un riche armateur français. En novembre 1804, la frégate Constitution trouve escale à Syracuse, en Sicile, son port d’attache pour lutter contre les barbaresques. Plusieurs de ses matelots montent sur un navire maquillé, en direction de Tripoli. Leur mission : mettre le feu à l’USS Philadelphia, capturé avec son équipage, pour que les musulmans ne s’en servent pas contre eux. Nicholas découvre alors que Pierre-Mary est en réalité une femme, dont il tombe amoureux. Puis la frégate Constitution se rend au port de La Valette, à Malte, afin de subir d’importantes réparations. S’y trouve le riche consul Louis Corbières, l’oncle de Pierre-Mary Corbières, assassin de sa mère. Pierre-Mary découvre que celui-ci continue de torturer les prostituées dans un bordel réservé à la haute société. Pierre-Mary descend seule à terre, décidée à l’éliminer…
Le scénariste-dessinateur Franck Bonnet tient la barre de cette nouvelle série d’aventures maritimes. Il venait d’achever le douzième et dernier tome des Pirates de Barataria, en duo avec le scénariste Marc Bourgne, imaginant les aventures de la belle Artemis Delambre, fille cachée de Napoléon et compagne des corsaires de Louisiane.
Pour cette nouvelle grande saga maritime, Franck Bonnet signe le scenario et le dessin. Son intrigue bien construite, basée sur des faits historiques, insère une partie romancée. Il évoque un épisode méconnu de l’histoire de la Méditerranée : la volonté de la jeune nation américaine d’éradiquer les pirates barbaresques. A cette fin, le président Jefferson décide de construite une importante flotte de frégates. En 1799, les premières sont en chantier. Six seront construites, les USS Constitution, Constellation, President, United States, Progress et America. On découvre ainsi le bombardement maritime de Tripoli. Basée sur des faits réels, la série USS Constitution passionnera les amateurs de récits maritimes.
Le travail de reconstitution est impressionnant. La vie quotidienne à bord (exercices, manœuvres…) est évoquée avec une grande précision. Les informations sur la marche de ces frégates sont d’une authenticité surprenante. Le vocabulaire marin est si précis que la lecture du glossaire en fin d’album s’avère souvent nécessaire.
Franck Bonnet imagine une héroïne attachante qui reste hantée par une enfance traumatisante. Elle ne manque pas de panache. On espère que ses aventures se poursuivront encore longtemps à bord de l’USS Constitution.
L’USS Constitution, frégate à trois-mâts lancée à Boston en 1797, est le plus vieux navire de guerre encore à flot dans le monde. Lors de sa première mission, elle lutta contre les pirates barbaresques. Les pirates barbaresques d’Alger, de Tunis, de Tripoli, et du Maroc étaient les fléaux de la méditerranée, capturant les navires marchands pour réduire en esclavage leurs équipages. C’est par ces razzias sur les navires et villes côtières d’Europe du sud que les marchés d’esclaves maghrébins pouvaient faire le commerce d’esclaves chrétiens. Par la suite, lors de la guerre anglo-américaine de 1812, l’USS Constitution détruisit cinq navires britanniques. Navire-école pendant la guerre de Sécession, elle devint un navire-musée en 1907. Restaurée en 1995, elle navigue à nouveau à la voile.
Les planches sont superbes, qu’elles représentent les ruelles austères de Syracuse et de la Valette, ou les scènes de mer. Les navires voguant sur les océans font rêver. Les batailles navales sont magnifiques. On avait rarement vu vaisseaux de guerre aussi fidèlement représentés. Avec cette nouvelle série, Franck Bonnet se hisse au niveau des meilleurs dessinateurs d’aventures maritimes : François Bourgeon (Les Passagers du vent), Patrice Pellerin (L’épervier) et Jean-Yves Delitte (Les Grandes batailles navales). Son art est traditionnel, dessinant à l’encre sur du papier. On reste admiratif de son souci du détail. La mise en couleurs d’Isabelle Charly est somptueuse.
Kristol Séhec
USS Constitution – t. 1 La justice à terre est souvent pire qu’en mer, t. 2 Il y a deux justices en mer, celle des gradés et celle des sans-grade, t. 3 À terre comme en mer, justice sera faite, 64 pages chacun, 15,5 euros chaque tome. Editions Glénat.
Illustrations : DR
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Une réponse à “« USS Constitution », chef d’œuvre de la bande dessinée maritime”
Superbe …..!!!