Une équipe internationale de chercheurs canadiens, italiens et français dont le Professeur Erick Denamur, spécialiste de la génétique des populations d’E. coli et directeur de l’unité 1137 Infection, Antimicrobials, Modelling, Evolution (Université Paris Cité, Université Sorbonne Paris Nord, Inserm), a reconstitué le premier génome ancien d’E. coli, à l’aide de fragments extraits d’un cacul biliaire d’une momie italienne du XVIe siècle.
Alors qu’E. coli reste aujourd’hui un problème de santé publique, causant une mortalité et une morbidité importantes, il n’existait jusqu’à présent aucune preuve physique de son existence avant le XIXe siècle, et l’on savait très peu de choses sur son histoire évolutive.
Contrairement aux pandémies bien documentées dues à des pathogènes obligatoires telles que la peste noire, qui a duré des siècles et tué jusqu’à 200 millions de personnes dans le monde, il n’existe aucune trace historique de décès causés par des pathogènes opportunistes tels que E. coli, bien que leur impact sur la santé humaine et la mortalité ait probablement été énorme.
E. coli est un commensal qui réside dans les intestins des personnes et des animaux en bonne santé. Si la plupart des formes sont inoffensives, certaines souches sont responsables d’intoxications alimentaires et d’infections sanguines graves, parfois mortelles. Cette bactérie adaptable à de nombreux modes de vie différents devient de plus en plus résistante aux antibiotiques. La façon dont elle a évolué, avec acquisition de nouveaux gènes isolés ou groupés sur des plasmides lui conférant résistance aux antibiotiques et pathogénicité, reste à élucider.
En 1983, une équipe d’archéologues italiens de l’université de Pise ont mis au jour les restes momifiés de plusieurs nobles italiens retrouvés dans l’abbaye de Saint Domenico Maggiore à Naples (Italie). Un examen paléopathologique et histologique minutieux de l’un des individus, noble napolitain décédé en 1586 à l’âge de 48 ans, a été réalisé. Cet examen a révélé, entre autres, la présence de plusieurs calculs biliaires intacts qui suggéraient que cet individu pouvait avoir souffert de cholécystite chronique. Le professeur Hendrik Poinar, généticien évolutionniste, directeur de l’Ancient DNA Centre de l’Université McMaster et chercheur principal au Michael G. DeGroote Institute for Infectious Disease Research de l’université, a découvert dans ces calculs biliaires la présence d’E. coli vieux de cinq siècles.
Spécialiste de la génétique des populations d’E. coli, le professeur Erick Denamur (PU-PH Université Paris Cité) a été sollicité et a intégré l’équipe internationale de chercheurs pour reconstituer et analyser le premier génome ancien d’E. coli. « C’était tellement émouvant de typer cet ancien E. coli et de découvrir qu’il était presque unique mais qu’il s’inscrivait dans une lignée phylogénétique caractéristique des commensaux humains qui causent aujourd’hui des cholécystites », déclare Erick Denamur.
La prouesse technologique est d’autant plus remarquable que E. coli ubiquitaire, vit non seulement dans le sol mais aussi dans nos propres microbiomes. Les chercheurs ont dû isoler méticuleusement des fragments de la bactérie cible, qui avaient été dégradés par une contamination environnementale provenant de nombreuses sources. Le matériel récupéré leur a permis de reconstruire le génome.
Le fait de disposer du génome d’un ancêtre, vieux de 500 ans, de la bactérie moderne, offre aux chercheurs un point de comparaison pour étudier son évolution et son adaptation depuis cette époque. Cette plongée dans le passé pourrait aussi aider à prédire ses évolutions futures en terme de virulence et de résistance et peut être aussi celles d’autres pathogènes opportunistes.
Référence : A 16th century Escherichia coli draft genome associated with an opportunistic bile infection –
George S. Long, Jennifer Klunk, Ana T. Duggan, Madeline Tapson, Valentina Giuffra,Lavinia Gazzè, Antonio
Fornaciari, Sebastian Duchene , Gino Fornaciari, Olivier Clermont, Erick Denamur , G. Brian Golding1 & Hendrik
Poinar (https://doi.org/10.1038/s42003-022-03527-1)
Photo : DR
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Une réponse à “Une momie italienne du XVIe siècle révèle l’existence très ancienne d’Escherichia coli”
merci pour cette info intéressante