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Irancy, l’étoile du Nord de la Bourgogne

En Bourgogne plus qu’ailleurs, la règle d’or est d’aller chasser sur des appellations de second rang aux sonorités moins sonnantes et trébuchantes, ceci, afin d’y dénicher les talents qui valorisent au mieux les terroirs délaissés.

Ainsi en retrait du grand escarpement   de la Côte d’Or, les Hautes-Côtes de Nuits offrent une zone de replis non dénuée d’intérêt, au même titre que la myriade d’appellations gravitant autour du grand cru de Corton-Charlemagne :  Ladoix-Serrigny, Savigny-lès beaune, Pernand-Vergelesses, Chorey-lès-Beaune.  Ces terroirs de moindre renom sont néanmoins la source  de pinots de belle étoffe aux prix encore accessibles.

On peut également fureter dans les marges sudistes de la Bourgogne, qui dans ses confins les plus extrêmes, comme dans le Couchois, parviennent à faire tomber les prix au plus bas sans démériter en qualité.

Mais c’est assurément au cœur de la galaxie chablisienne que se nichent les filons les plus prometteurs de bourgognes abordables, produits dans des appellations de faible audience, à l’image d’Epineuil, Tonnerre, Chitry, Coulanges-la-vineuse, Saint-Bris, et même dans les très confidentiels coteaux du Tannay.

Parmi ce conglomérat de vignobles confetti, le terroir d’Irancy s’impose comme le « premier de cordée » grâce à une spécialisation dans le pinot noir, pouvant apparaître comme contre-nature. En effet, cette sentinelle du nord de la Bourgogne a fait le choix majoritaire du chardonnay, à l’exception de quelques terroirs périphériques, notamment Epineuil.

Être vigneron sur les terres chablisiennes, régulièrement affrontées aux calamités climatiques (les gels printaniers en particulier) invite le bon sens rural à ne pas mettre toutes ses vendanges dans la même hotte… Guère étonnant dans ces conditions de culture très aléatoires, de voir toute la fine fleur vigneronne du Chablisien, se presser dans l’acquisition de terres ou guigner le précieux raisin d’Irancy par le biais de petits négoces.

La nouvelle donne du réchauffement climatique

Le temps ou le rustique pinot noir d’Irancy avait du mal à atteindre une pleine maturité n’est pas si lointain. Dans les années 80 et 90, la proximité de Paris va faire les beaux jours de ce petit vignoble, qui se verra confier l’approvisionnement en bourgognes rouges bon marchés écoulés en gros volume par les brasseries parisiennes.

Depuis le XVIIIème siècle, le précieux marché captif de la capitale desservi par la voie fluviale a fait naître une viticulture de masse dans toute l’Yonne et la cote des Bars.

Rétif de la Bretonne dépeint avec son talent littéraire, les mécanismes de ce marché d’aubaine associé à une mentalité du moindre coût qu’encourage un débouché facile et proche. Une rente de situation guère de nature à inciter les vignerons de la région à la production d’un pinot noir plus affable et mature, et le vin d’Irancy de traîner à juste titre une fâcheuse réputation de verdeur et de dureté, dont beaucoup de consommateurs s’accommoderont en raison de son prix attractif…

Loin de tous ces errements, une petite élite vigneronne a toujours pris le contrepied de   la médiocrité ambiante, livrant des vins, certes assez abruptes dans leur prime jeunesse, mais aptes à se refaire la cerise (comme on dit là-bas) sur une bonne décennie.

Bon an mal an, les meilleurs réussissent contre la rigueur du climat, à mettre en valeur un fruité plutôt timoré à ses débuts, qui délie  la  fibre  racée d’un pinot noir solide et rustique  capable de s’abonnir sur le temps long.

Aujourd’hui, les maturités sont moins poussives et le pinot noir d’Irancy se pare plus facilement de francs arômes de fruits rouges, les textures sont devenues plus policées et la richesse des vins est manifeste, avec d’ailleurs un alcool plus marqué que dans le passé.

La nouveauté réside dans ce curieux clivage entre une nouvelle génération de vignerons souvent d’origine extérieure (produisant par le biais de négoces de vignerons), et la vieille garde de la tradition à l’endogamie villageoise légendaire.

Une dualité à l’origine de vins bien distincts.  Aux premiers, revient le mérite de tirer parti d’une approche vinicole résolument moderne destinée à rompre avec l’austérité historique des vins d’Irancy, quant aux traditionalistes, charge à eux de se remettre en cause sur leur lecture bornée et passéiste des « usages loyaux et constants », incapable de tirer vers le haut, le niveau général des vins.

L’amphithéâtre d’Irancy

Le terroir d’Irancy n’a rien de banal, le cirque qui enserre le village lové au milieu d’une sorte de fer à cheval, représente sans doute l’un des plus beaux sites viticoles de la Bourgogne.  Comme un vaste éventail déployé en forme de corolle autour du village, les parcelles de vigne  encadrent de part en part les limites du finage d’Irancy.

Si bien que le point de vue offert sur le vignoble environnant se trouve immédiatement happé par le déploiement panoramique d’une vigne hégémonique. Seule une cerisaie éparse s’intercale tant bien que mal entre les parcelles, une arboriculture ancestrale, pourvoyeuse pendant les heures sombres du vignoble, d’une précieuse source auxiliaire de revenus.

Sur un plan strictement géologique, les pentes abruptes d’Irancy représentent un détachement érosif de la cuesta de la côte des Bars, terminaison méridionale de la Champagne viticole. Le pinot noir mais aussi le confidentiel césar, se complaisent à merveille sur les marnes du kimméridgien. Ce dernier est loin d’avoir bonne presse, car si son adjonction au pinot noir garantit un surcroit de tanin et de coloration, il ajoute parfois une rugosité malvenue en cas de maturité imparfaite. Toujours est-il que cette disposition en fer à cheval offre à la vigne un magnifique écran protecteur face aux vents du nord, et la prémunit en conséquence davantage des risques de gel, en comparaison du vignoble chablisien, notoirement exposé à ce risque.

Irancy reconnu tardivement comme une AOP de Bourgogne ne profite pas de la classification interne qui distingue les meilleurs terroirs en premier cru ou en grand cru. En revanche, on y retrouve les fameux « climats », ces lieux-dits référencés par le cadastre, distinguent les singularités de certaines unités selon leur composition géologique, leur exposition, leur situation sur les pentes etc… Or la mémoire collective a su consacrer des qualités particulières et établir   une véritable renommée locale pour les « Mazelots » ou « Vaupessiot », « Palotte », qui pourraient facilement prétendre au statut de premier cru.

Si la vue du paysage des vignes mérite le détour, en contrepoint, le village d’Irancy à la vie commerciale atone, semble lui appesanti par l’atmosphère morne d’une mono-activité vigneronne omnipotente. Sur Irancy le seul lieu de vie et d’agrément semble être le restaurant éponyme de l’artère principale qu’est la rue Soufflot (l’architecte du Panthéon était natif d’Irancy). Quelle impression déroutante de pénétrer dans les ruelles de cet isolat vigneron ou cohabitent avec une grande proximité plus d’une quinzaine de domaines se livrant une concurrence feutrée mais réelle…

Nos coups de cœur 

Les valeurs sûres : Ici le style est sans surprise et quasi immuable, fidèle à la typicité de l’irancy traditionnel avec son fruit brut de décoffrage qui tarde à se défaire de l’élevage, pour enfin finir par   dévoiler ses notes appuyées de cerise à l’eau de vie.  Dans cette ligne classique, les domaines Richoux, Clothilde Davenne, Colinot, Cantin, s’affirment comme les gardiens d’un irancy authentique,  dont les aspérités du début cachent souvent de très jolis pinots après 7 à 8 ans de garde.

Les nouveaux talents :  Parmi les nouveaux talents en pleine émergence, le domaine Ferrari commence à conquérir une certaine cote d’amour auprès des cavistes avertis. Les pinots y sont plus accessibles qu’ailleurs, avec une disponibilité du fruit peu commune, les textures sont douces et policées, même si les puristes de la vieille école pourront leur reprocher un manque de solidité. Le domaine Guéguen, en pleine ascension pour ses chablis, s’inscrit également dans cette ligne moderne et déliée.

La pépite : David Renaud. Sans conteste ce domaine discret mais connu des initiés, est l’un des rares à pouvoir faire vibrer le pinot noir d’Irancy avec autant de profondeur. Sur les cuvées parcellaires : « les Mazelots », « Vaupessiot », les vins prennent des tons forestiers ou l’humus se mêle aux saveurs kirchées dans une complexité d’ensemble digne des plus grands standards de la Côte-de-Nuits. L’intégration judicieuse et maitrisée du césar dans des proportions inusuelles, impriment une touche virile et en fait l’un des irancy les plus concentrés et colorés de toute l’appellation.

 Raphno

Crédit photos : DR
[cc] Breizh-info.com, 2022, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine

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6 réponses à “Irancy, l’étoile du Nord de la Bourgogne”

  1. Jean Bidel dit :

    Vous prêchez pour un converti depuis plusieurs années : j’ai fait le pélerinage d’Irancy et j’en suis revenu convaincu ; pas la peine de vouloir épater ses invités en mettant sur sa table de coûteuses appellations de la Côte « .D’or  » .
    Chablis est commune voisine ; pour les bretons sur le retour , Sancerre se trouve sur l’itinéraire ; au nord de Tours ne manquez pas Jasnières : si vous appréciez le blanc sec – pas trop – et fruité , vous serez agréablement surpris .

  2. Émie dit :

    Le nom même me replonge dans une jeunesse pleine des fruits de l’amitié et d’une saine jouissance  » des fruits de la terre et du travail des hommes ».
    Ceux qui sont dans mon cœur se reconnaîtront sûrement sur le chemin qui mène à Irancy depuis Senan.

  3. Khaldi dit :

    Que de circonvolutions et de phrases alambiquées… Mais le style, c’est toujours personnel et donc subjectif, n’est-ce pas ?
    En revanche le propos est fabuleusement classique, sans parler de la touche « virile » finale… Dommage de ne (toujours) pas aborder avec plus de modernité un sujet si patrimonial.

    • Raphno dit :

      Oh…mais je crois reconnaître la réponse cachée de la bergère au berger ( miss JaJa je présume) c’est de bonne guerre , oui viril pour 1 féministe enragée ce n’était pas le bon qualificatif à employer.Nos deux approches du vin sont sans doute irréconciliables mais moi je ne demanderai pas la suppression de votre critique, bon joueur que je suis , j’ai effectivement dégainé le premier😉

      • Khaldi dit :

        Votre commentaire est bien en cours de publication et j’en ai pourtant été avertie. La vérité vous importe peu, il semble.
        Délit de sale plume ? Même pas. Je vous cite : « bobo », « féministe enragée »… Cela ferait sourire beaucoup de monde.
        Je vous souhaite de former des opinions mieux renseignées, plus matures et pourquoi pas amoureuses de notre belle langue.

        Deux personnes/visions ne sont jamais irréconciliables, sauf à en cultiver la volonté acharnée ;)

    • Raphno dit :

      Mais bien sûr Miss JaJa de votre vrai nom d’auteur… Il ne faut pas laisser le vin aux idéologistes du nature radicalisé , c’est pourquoi je m’inscris en faux avec votre vision « moderne » du vin.Si mon traitement « classique » qui s’intéresse aux aspects historiques et géogeaphiques vous rebute , c’est peut être aussi lié au fait qu’il vous ai moins accessible…Moi au moins je ne demande pas à ce que l’on supprime les commenraires contrariants😉

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