Gastronomie italienne. Le baba au rhum

Dans cette chronique hebdomadaire, je vous proposerai des recettes originales et historiques, réconciliant ainsi deux aspects de ma personne, celle d’historien et celle patron de bistrot. Elles seront faciles à réaliser mais surtout liées à l’histoire d’un territoire ou de grands hommes. La gastronomie traditionnelle raconte une terre, des traditions, elle s’inscrit donc dans l’idée d’un combat identitaire, soulignant les diversités qui nous sont chères d’une région à une autre, écologique, travaillant des produits locaux et de saison, et éthique, réduisant au maximum le gaspillage et s’opposant au modèle uniformisé du fast food.

L’histoire du baba au rhum

Dans les rues de Naples mille parfums de cuisine se répandent, la capitale du Mezzogiorno est sans nul doute l’endroit en Italie où la cuisine prend le plus de place dans la vie de ses habitants. Les Napolitains passent leur temps à manger ou à en parler, bien avant l’heure, ils furent les inventeurs du « street food » avec leurs saltimbocca (sandwichs farcis à ne pas confondre avec l’homonyme romain ), leurs mozzarella in carozza (mozzarella frite), la masardona (pizza farcie), la pizza a portafoglio (pizza margheritta pliée en quatre), le cuoppi di mare (friture de poissons, crustacés et mollusques servies dans un cône de papier) et pour les desserts les sfogliatelle (pate feuilletée farcie de ricotta) et surtout le Baba au rhum… La liste pourrait continuer mais arrêtons nous sur ce dessert familier qu’est le Baba.

A en croire les Napolitains, le baba au rhum est clairement un des piliers de leur tradition gastronomique. Si il est vrai qu’il est impossible d’y échapper, son origine en revanche est à rechercher plus au Nord car c’est bien en Lorraine qu’il fut inventé et n’arrivera dans la capitale Parthénopéenne qu’à la fin du XVIIIème siècle. En 1725, le jeune roi Louis XV, alors âgé de 15 ans épouse la belle Marie Leszczynska de 7 ans son ainée. Fille du roi déchu de Pologne exilé en Lorraine, son mariage avec le plus puissant des souverains européens est inattendu. En effet, enfant, le roi avait été promis en mariage à l’infante d’Espagne qui n’était encore qu’une petite fille mais l’urgence pour les Bourbons d’avoir un héritier au trône poussera, après mille intrigue, à la répudiation de l’espagnole, provoquant au passage la rupture des relations diplomatiques entre les deux royaumes. Il faut alors trouver une future épouse catholique, de sang royal et surtout en âge d’enfanter. C’est ainsi qu’un jour le roi Stanislas recevra la demande en mariage pour sa fille Marie qui donnera pas moins de dix enfants en dix ans au roi de France. Vous direz alors quel lien avec Naples et son Baba.

La légende narre que le roi Stanislas, exilé en Lorraine dont il était le Duc, n’appréciait guère une des spécialité locale, le Kougelhopf, qu’il jugeait trop sec. Il aurait d’abord demandé qu’il soit trempé dans du vin qui sera bientôt remplacé par du Rhum par son pâtissier personnel Nicolas Stohrer. Pourtant un doute demeure sur l’origine du nom. Certains affirment qu’il viendrait du polonais Babka, qui signifie « grand-mère », d’autres affirment que Stanislas l’aurait nommé ainsi en l’honneur d’Ali Baba, personnage des Mille et une nuits dont les folles aventures le passionnaient. Toujours est-il que Stanislas et sa fille Reine de France débarquèrent à la cour avec ce dessert et son inventeur Nicolas Strohrer qui peu à peu en modifia la recette pour lui donner sa forme actuelle en montgolfière ou de savarin. Le pâtissier fut mis au service du roi et de la reine et plus tard ouvrit sa propre boutique au 51 rue Montorgueil où elle existe encore de nos jours. Crée en 1730, cette pâtisserie peut se vanter d’être la plus ancienne de la capitale.

Et Naples dans tout ça me direz-vous ? Le Baba continua à régaler la cour pendant tout le règne de Louis XV. Puis vint Louis XVI et sa jeunes épouse autrichienne, Marie-Antoinette. Sa sœur, Marie-Caroline d’Autriche était elle-même l’épouse de Ferdinand IV de Bourbon, roi de Naples. C’est donc Marie-Caroline, enchantée par ce dessert connu grâce à sa sœur qui l’apportera dans la capitale du Mezzogiorno. Le dessert se diffusera d’abord à la cour puis dans la bourgeoisie avant de devenir un des symboles du street food, consommé en marchant dans les ruelles des « quartieri spagnoli ». En 1863, on en trouve la recette dans le livre de cuisine de Vincenzo Agnoletti, témoignant ainsi de sa diffusion et surtout de son adoption comme recette traditionnelle napolitaine.

La recette du baba au rhum napolitain

La recette… pour un baba dans un moule à savarin ou 10 petits baba

Pour le baba : 400gr de farine, 8 œufs, 70gr de beurre, 2 cuillères à café de levure de bière sèche ou 12 gr de levure de bière fraiche, 30 gr de sucre, 10 gr de sel, vanille

Pour le sirop : 500ml d’eau, 250 ml de rhum, 250gr de sucre, zestes de citron (optionnel)

Pour la garniture (optionnel): chantilly ou fruits secs

Outils : mélangeur planétaire ou…. Huile de coude

Dans le bol de votre mixeur placez la farine, le sucre et la levure diluée dans une cuillère d’eau tiède. Mélangez et ajoutez en trois fois vos œufs au préalable battus. Attendre l’absorption totale des œufs entre chaque étape. Le mélange sera assez collant ce qui est normal, continuez à le mélanger quelques minutes puis ajoutez le beurre fondu et enfin le sel. Après quelques minutes encore le mélange deviendra élastique. Transférez-le dans un saladier, couvrez le et laissez-le pousser pendant quatre heures à température ambiante. Le volume devrait quadrupler. Transférez-le alors dans votre moule à Savarin au préalable beurré ou dans vos moules individuels en prenant soin de les remplir qu’à la moitié. Laissez de nouveau agir la levure à température ambiante, votre mélange devrait pousser jusqu’à remplir vos moules. Enfournez à 200 degrés pour 10 minutes puis 7 minutes à 180 degrés. Laissez les refroidir pour deux heures.

Pendant que cuisent vos Babas, préparez le sirop. Portez à ébullition l’eau et le sucre, mélangez bien pour faire fondre le sucre. Puis à feu éteint ajoutez le rhum et laissez refroidir.

Une fois vos babas et votre sirop refroidis, trempés vos babas dans le sirop n’hésitez pas à les écraser légèrement comme on le ferait pour une éponge qui se gonfle dans l’eau. Ils doivent être imprégnés jusqu’à cœur.

Dégustez les tels quels ou avec une chantilly, des fruits rouges ou des fruits confits.

Pierre d’Her

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Crédit photo : DR
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2 réponses à “Gastronomie italienne. Le baba au rhum”

  1. FRANCHETTI Patrice dit :

    Merci Pierre d’Her pour cette page délicieusement historique. Il se pourrait bien qu’aujourd’hui je prépare un dessert!

  2. René Le Honzec dit :

    Fan de baba je vous remercie pour cet historique, bien que trop fainéant pour mettre en pratique votre recette, veuillez m’en excuser!

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