Le numéro de mai du mensuel « Le Peuple breton » portait le numéro 700. C’est effectivement en 1964 que les fondateurs de l’UDB lancèrent ce journal qui faisait pauvre – voire feuille de chou – comparé à la formule magazine actuelle. Tout a démarré avec Joseph Martray. Après la Libération, deux anciens militants du PNB (Parti national breton) encouragèrent vivement – en paroles et en argent – Joseph Martray à lancer une revue dénommée « Le Peuple breton ». Avantage formidable de ce dernier : il était « nickel chrome » ayant appartenu pendant l’Occupation à un réseau de résistance. En tant que rédacteur en chef du quotidien « La Dépêche » – dénommé aujourd’hui « Le Télégramme » -, il avait reçu, en particulier, la mission d’empêcher que les résistants recherchés par la police allemande puissent être identifiés – il s’arrangeait pour ne jamais publier leur photo et comme le censeur allemand s’était réfugié à Quimper, il avait les mains libres. Bien sûr à la Libération, il eut le droit de rendre visite au juge d’instruction mais l’affaire se termina immédiatement par un non-lieu, sa qualité de résistant étant indiscutable. Le directeur général du quotidien brestois, Marcel Coudurier, fut également convoqué par le juge d’instruction. Quant au directeur politique, Yann Fouéré, il se réfugia d’abord au Pays de Galles puis en Irlande où il se lança dans l’élevage et le commerce de la langouste.
De 1947 à 1950, Martray publie donc « Le Peuple breton ». Mais le réalisme l’emportant, ce dernier fut bien obligé de reconnaître que l’affaire ressemblait fort à une impasse puisque le nombre des abonnés tournait autour de cinq cents – le noyau dur du Mouvement breton. Mais toujours soucieux de relancer l’idée bretonne, il passe à autre chose. D’où la création du Célib (Comité d’étude et de liaison des intérêts bretons) ; la réunion constitutive eut lieu le 22 juillet 1950 dans une petite salle de l’hôtel de ville de Quimper. La première année, la présidence fut assurée par Joseph Halléguen (RPF), député-maire de Quimper. Mais Martray voyait grand ; il voulait à tout prix que la « star » politique de l’époque, René Pleven, en prit la direction ; ce fut fait en juillet 1951. Car, pendant la IVe République, Pleven était soit président du conseil, soit ministre de quelque chose ; on le trouve même ministre de la Défense nationale lors du désastre de Diên Biên Phù (Indochine).
Joseph Martray cède le titre
Dans ce numéro de mai 2022 – numéro 700 -, le rédacteur en chef du mensuel de l’UDB Gael Briand a l’élégance de reproduire le document dans lequel Joseph Martray cède le titre « Le Peuple breton » à Jean-Yves Veillard. En effet, plusieur créateurs de l’UDB – sans doute il y avait-il Ronan Leprohon dans la délégation – avaient rendu visite à Martray dans les bureaux du Célib, installés à l’époque place de Bretagne à Rennes, afin d’obtenir l’autorisation de récupérer le titre. On ne retrouva pas la même élégance chez les dirigeants du « Télégramme » puisque le nom de Martray y était interdit de séjour ; on écrivait le « secrétaire général du Célib».
Dans le premier numéro du « Peuple breton », en 1964, on donnait une définition du « peuple breton ». D’après Gael Briand, c’était une « définition civique » ; elle se limitait aux traminots de Nantes, aux ouvriers de Saint-Nazaire, aux ouvriers d’Hennebont, aux jeunes qui s’exilent, aux professeurs et instituteurs et aux agriculteurs ; c’était un peu court. Aujourd’hui, Briand enrichirait volontiers cette liste avec les immigrés, les migrants, les sans-papiers – les clients de la gauche sociétale. Mais Jean-Yves Veillard n’y avait pas songé. Autre époque.
Bernard Morvan
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