« Contrairement à ce que certains pouvaient sous-entendre avant le remaniement, Jean-Yves Le Drian ne souhaitait pas prolonger son engagement dans un nouveau mandat. A 75 ans, le ministre dont la carrière n’a pas d’égal dans la cinquième République, avait déjà prévenu, il ya quelques mois, que la fin de ce premier mandat du président Macron marquerait aussi la fin de sa mission au sein d‘un gouvernement », pouvait-on lire dans Ouest-France (Bretagne, 21-22 mai 2022). Ces explications ont peut-être un petit côté « version officielle »… En effet, on trouvait un autre son de cloche ailleurs : « Je suis complètement mobilisé par ma tâche dans la crise dramatique que traverse l’Ukraine ». « Honnêtement, ma propre personne, mon propre avenir n’a pas grand-chose à voir là-dedans » (BFMTV, mardi 10 mai 2022), a-t-il répondu lorsqu’il fut interrogé sur son éventuelle présence dans le prochain gouvernement ; c’était une façon de botter en touche. Bref, il semblait disponible pour poursuivre sa mission.
Car, « en privé, Le Drian s’est démené comme un beau diable pour arracher un peu de rab au ministère des Affaires étrangères. Il a fait valoir auprès de Macron le « besoin de continuité dans les fonctions régaliennes ». Et, histoire de renforcer ses chances, il a embarqué dans son combat sa collègue des Armées, Florence Parly (beaucoup moins motivée que lui), soutenant qu’elle aussi devait rester en place « à cause de la guerre en Ukraine » (Le Canard enchaîné, 18 mai 2022).
Venir respirer en Bretagne était sans doute la meilleure des solutions pour Jean-Yves Le Drian. En effet des ennuis l’attendent au Mali. L’affaire remonte à 2015, à l’époque où le socialiste Ibrahim Boubacar Keïta était le président du pays. Selon le Mouvement Maliko, proche de la junte au pouvoir, « la société française Oberthur Technologies a obtenu pour une dizaine d’années le marché de fabrication des passeports biométriques maliens. Une procédure de gré à gré avec ce fleuron de l’industrie bretonne qui violerait, toujours selon l’association, le code des marchés publics du pays. Cette dernière demande à la justice d’enquêter sur le rôle de Jean-Yves Le Drian, qui était à l’époque ministre de la Défense, et de son fils, Thomas Le Drian, pour obtenir ce marché » (L’Opinion, 13 et 14 mai 2022). « L’ancien ministre, ainsi que son fils Thomas sont convoqués le 20 juin par la justice, accusés de « complicité de prise illégale d’intérêt et favoritisme » dans l’attribution en 2015 du marché de fabrication des passeports biométriques à la société Oberthur Technologie » (Le Monde, dimanche 22-lundi 23 mai 2022). Le juge malien Mahamoudou Bello Dicko veut donc entendre Le Drian le 20 juin à Bamako… L’ancien ministre acceptera-t-il de se rendre à cette convocation ?
Le Drian aimait bien décorer
Pendant ces dix années passées à la Défense et aux Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian avait la réputation d’arroser généreusement la Bretagne – et tout particulièrement le Morbihan – en décorations : Légion d’honneur (rouge) et Mérite national (bleu). A tel point qu’une plaisanterie circulait parmi les élus. A l’un qui n’avait ni l’une ni l’autre, on demandait : « Tu es fâché avec Le Drian ? ». Jusqu’au dernier moment, il a remis cette fameuse Légion d’honneur. Vendredi 20 mai, encore ministre des Affaires étrangères à ce moment-là, il décore Clémentine Gallet, PDG de Coriolis composites ; cette entreprise de Queven est l’un des leaders mondiaux de la conception de robots destinés notamment à l’industrie aéronautique.
Samedi 21 mai, au Quai d’Orsay, Jean-Yves Le Drian a terminé son discours d’adieu en beauté : « Vive la Bretagne ! Vive la République ! ». Il a oublié la France … A coup sûr, la Bretagne lui doit beaucoup. Et les responsables de l’ordre de l’Hermine seraient bien inspirés en le distinguant. En effet on ne répétera jamais assez que si la Bretagne a échappé à la fusion avec les Pays de la Loire, c’est grâce à Le Drian. « Cette chose sans âme et sans histoire, Jean-Yves Le Drian la nomme « Grand Ouest mou ». Il va devoir batailler pour éviter son avènement. Alors que François Hollande doit présenter le nouveau découpage le lundi 3 juin 2014, une course contre la montre s’engage. Les ministres et grands élus font pression auprès du Président, dont le téléphone ne cesse de carillonner. Le vendredi, Jean-Yves Le Drian suit l’affaire depuis Singapour, où il est en déplacement. Le lundi, quelques heures avant que l’Elysée ne dévoile la carte finale des régions, il s’entretient avec Hollande en tête-à-tête. A ce moment, le Président penche pour une fusion entre la Bretagne et les Pays de la Loire. Finalement l’ex-maire de Lorient obtient gain de cause. Il n’y aura pas de mariage entre les deux régions, chacune demeurant « célibataire ».
« Jean-Yves bloque »
Le ministre de la Défense a fait savoir que si la Bretagne était « diluée dans la réforme territoriale », il ne pourrait pas rester au gouvernement. « Je n’ai pas fait de chantage, assure-t-il. Je n’ai pas dit à Hollande : « Si tu fais ça, je m’en vais ». Ce n’est pas mon genre. Mais je tire les conclusions des situations : la Bretagne intégrée dans un Grand Ouest, ce n’est pas mon histoire. Si ça avait été le cas, je serais parti sans faire de drame, sans doute pas le lendemain matin mais au remaniement suivant. Pour être en accord avec moi-même. » (Le phénomène Le Drian. Enquête sur le plus influent des Bretons. Benjamin Keltz et Nicolas Legendre. Les Editions du coin de la rue)
Sur cet épisode, Hubert Coudurier apporte quelques compléments d’information. « Le ministre de la Défense s’oppose à l’ensemble des barons bretons, le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, les maires de Brest (François Cuillandre) et de Rennes (Nathalie Appéré), le président du conseil régional des Pays de la Loire (Jacques Auxiette) – lequel est d’ailleurs d’accord, pour que son successeur passe son tour au profit de Le Drian à la présidence des deux régions réunies.
Le lundi où le président de la République doit annoncer une nouvelle carte des régions qui fera date, il confirme à Valls et Lebranchu son accord pour la fusion, puis s’absente quelques instants dans son bureau pour téléphoner à Le Drian. A son retour, il indique que « Jean-Yves bloque ». Jean-Jacques Urvoas est du même avis. Les deux hommes ont beau jeu de se retrancher derrière l’idée que seule la réunification de la Bretagne historique leur conviendrait, comme d’ailleurs à l’opinion bretonne. » (Jean-Yves Le Drian, le glaive du président, Plon)
C’est pourquoi la « loi n° 2015-29 du 16 janvier 2015 relative à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral » maintient la Bretagne à quatre départements. Il ne reste plus qu’à lancer le combat pour la réunification. Puisqu’il est maintenant disponible et libre politiquement, Le Drian pourrait s’occuper sérieusement de l’affaire. Son think tank « Breizh lab » pourrait servir à piloter cette opération ; ses copains francs-maçons ne demandent qu’à l’aider…
Bernard Morvan
Photo d’illustration : DR
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2 réponses à “Jean-Yves le Drian rentre à Guidel”
Il aurait pu imposer la réunification s’il avait vraiment voulu combattre pour cette cause et ce n’est pas l’avis contraire des maires des 3 métropoles de Bretagne (Nantes, Rennes et Brest) et d’Ayrault, déjà en disgrâce, qui aurait pu faire le poids face au « Menhir » soutenu par une opinion publique largement favorable à la réunification. Hollande aurait reculé. Maintenant qu’il est revenu au pays, il pourrait certainement faire avancer cette cause. Cela devient plutôt urgent.
Désormais lorsque l’on enseigne la géographie aux jeunes dans nos écoles, collèges et lycées, on leur présente une Bretagne à 4 départements en oubliant généralement (volontairement ?) de parler de la Bretagne historique et de la Loire Atlantique et que les profs ne me disent pas le contraire, je l’ai vérifié moi-même pour des collèges publiques dans le Bas-Léon et à Landerneau en interrogeant mes petits enfants. De son coté, le Télégramme ne présente que des cartes de la Bretagne administrative excluant systématiquement la Loire Atlantique. Dans ce même journal, le FC Nantes est considéré comme un club étranger à la région. Enfin sur Canal+ (qui appartient pourtant à Bolloré), lors de leur retransmission, les derbys opposant le FC Nantes au Stade Rennais sont considérés comme des derbys de l’Ouest et non de Bretagne. Et je pourrais multiplier ces exemples de débretonnisation de la Loire Atlantique. Encore une génération et la plupart des bretons auront oublié (on leur aura fait oublier) que la Loire Atlantique fut bretonne et que c’était Nantes notre capitale et non Rennes. C’est vraiment consternant.
le devoir accompli, rien de bien pour le pays, content le gars!