Loin de tenir un propos violent, l’auteur appelle des révoltés à se faire violence pour devenir des bâtisseurs. Beaucoup d’appelés et sans doute peu d’élus pour édifier la cité des hommes…
L’élection présidentielle est passée comme une vague sur la société médusée, laissant un goût amer chez de nombreux Français. Car le vrai raz-de-marée politique ne sera pas électoral, si on en croit Yann Vallerie, capitaine à bord du média Breizh-Info. Surtout si par « raz-de-marée » on entend, non une brutale et destructive inondation, mais une inexorable montée des eaux par laquelle la vitalité d’un grand peuple engloutit les stigmates dérisoires d’une époque basse et corrompue, la nôtre.
France et métropoles : la grande séparation
C’est tout le sens du pamphlet de Yann Vallerie, paru en début d’année et intitulé « Sécession ». Aux antipodes d’une démission, l’auteur en appelle à la sécession créatrice. L’ambition n’est pas de se réfugier dans des citadelles, mais de reléguer les métropoles actuelles au rang d’asiles subvertis et perdus d’avance. Et d’aller de l’avant. La métropole cumule des tares dénoncées comme irrémédiables : il ne s’agit plus de villes, l’assemblage civilisé et civilisateur ayant cédé à un agrégat industriel et confus. Il ne s’agit plus de cités, puisque la gouvernance gestionnaire et l’individualisme hédoniste suppriment tout accomplissement civique substantiel. Pour ne rien dire de l’éléphant dans le salon – le chambardement ethnoculturel.
La sécession passe par une inversion des pôles : la France périphérique devient le cœur du pays et les continuums urbains des trous noirs. Pour Yann Vallerie, cette prise de conscience engage le redéploiement de l’existence. Car tout reste à inventer et à bâtir dans les vastes et féconds territoires moins marqués par les forces du progrès.
Un pari bénédictin à l’usage du Tiers-État
Loin de tenir un propos violent, l’auteur appelle des révoltés à se faire violence pour devenir des bâtisseurs. Beaucoup d’appelés et sans doute peu d’élus pour édifier la cité des hommes… tant s’arracher à l’assistanat confortable et aliénant suscite peu de vocation. Le ton polémique tient d’ailleurs beaucoup à la généreuse ambition de retremper les cœurs ramollis.
Dans le sillage des analyses de Christophe Guilluy, Yann Vallerie relève que la sécession existe dans les métropoles au moyen d’une ségrégation par l’argent. Cette situation de rente au sommet d’une Babylone insalubre est l’exact inverse de l’esprit pionnier au service d’une « construction communautaire cohérente ».
La franchise si crue du livre donne l’impression qu’on tient dans ses mains « un fait mis en page ». C’est précisément pourquoi ce pamphlet est une œuvre inspirée. Il a l’aura du pub irlandais où s’accomplissait déjà, avant 1916, la promesse d’une patrie affranchie.
Thibaud Gibelin
Yann Vallerie, Sécession, préface de Piero San Giorgio, 97 pages, 10 €. En vente sur breizh-info.com