A l’occasion de l’élection présidentielle, on a pu constater une forte progression du vote en faveur de Marine Le Pen dans la Bretagne intérieure – loin de la côte et des métropoles. « Les poussées inquiètent », souligne Pierre-Emmanuel Marais, porte-parole de l’UDB et adjoint au maire de Nantes. « Clairement, il s’agit d’un vote de classe », ajoute-t-il (Le Peuple breton, mai 2022). Une phrase historique mérite d’être rappelée ; celle prononcée par Warren Buffet, l’un des hommes les plus riches du monde : « Il y a une lutte des classes, évidemment, mais c’est ma classe, la classe des riches qui mène la lutte. Et nous sommes en train de gagner » (CNN, 19 juin 2005).
Il y a donc un « vote de classe ». C’est ce qu’explique volontiers Jérôme Fourquet, directeur du département Opinion de l’Ifop. A ses yeux, « dans la France postindustrielle qui a émergé à partir du mitan des années 1980, les catégories populaires n’ont pas disparu, mais elles se sont métamorphosées avec notamment le développement des services, de la logistique et de la sous-traitance », et, « s’enracinant dans cette réalité sociologique transformée, un nouveau vote de classe s’est progressivement structuré : le vote RN ». Jérôme Fourquet fait également valoir que si en trente ans « le vote RN est devenu hégémonique dans les milieux populaires », notamment en raison de leur forte exposition à la délinquance, à l’inverse, il est resté « contenu dans les classes moyennes » et n’a pas « progressé d’un iota auprès des cadres et des professions intellectuelles » (Le Figaro, 28 avril 2021). Dans le cas de la Bretagne intérieure, la désespérance sociale, la pénibilité du travail – c’est particulièrement vrai dans l’agroalimentaire – et les fins de mois difficiles favorisent le vote Le Pen ; de nombreuses anciennes communes communistes – en centre Bretagne et autour de Saint-Nazaire – ont également placé Marine Le Pen en tête de l’élection présidentielle au premier et au second tour.
Perros-Guirec et Plouaret : deux populations sociologiquement différentes
Pour le sondeur et politologue Jérôme Sainte-Marie, un nouveau clivage oppose « d’un côté une France relativement diplômée et dotée financièrement, ne voyant guère de raisons de contraindre un libéralisme économique et culturel qui lui profite, et pratiquant une europhilie de bon aloi ; de l’autre, une France plus populaire, soucieuse de protections collectives, se sentant menacée par la mondialisation sous toutes ses formes, et chérissant l’identité nationale » (« Bloc contre bloc, la dynamique du macronisme », Editions du Cerf).
Pour l’Ifop, au second tour de l’élection présidentielle, 58 % des employés et ouvriers, 56 % des habitants des communes rurales et 56 % des électeurs possédant un niveau de diplôme inférieur au bac ont voté pour Marine Le Pen. Tandis que 74 % des cadres et professions intellectuelles supérieures, 78 % des électeurs possédant un diplôme du second cycle et 73 % des électeurs de l’agglomération parisienne ont voté pour Emmanuel Macron (Le Point, 5 mai 5022). Voilà qui ressemble fort à un « vote de classe »… Pierre-Emmanuel Marais en sait quelque chose puisque, à Nantes, le banquier Macron a obtenu 80,98 % des suffrages exprimés au second to.
Jérôme Fourquet a procédé à une analyse des électorats de Le Pen et de Macron après le premier tour. Le rapport de force bénéficie au second dans les communes littorales. Un exemple en Bretagne : « Quand on quitte le littoral pour s’enfoncer dans les terres, le prix de l’immobilier diminue progressivement du fait d’une moindre attractivité des communes. L’intensité du vote Macron baisse tandis que le score de Le Pen augmente, les courbes se croisant en moyenne à 30 kilomètres de la côte, comme on peut le voir par exemple à Perros-Guirec (Côtes-d’Armor). En partant de cette commune où le président sortant surclasse sa rivale de 21,5 points, et en suivant la D 788 puis la D 11, on pénètre dans l’intérieur du Trégor, où le vote RN prend l’ascendant progressivement et dépasse le vote Macron à partir de la commune de Plouaret. » (Le Figaro, jeudi 21 avril 2022). C’est fou ce que Le Peuple breton pourrait raconter à propos du « vote de classe »…
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Une réponse à “Pierre-Emmanuel Marais (UDB) découvre le « vote de classe »”
ces salopards de pauvres résistent encore ! et même votent ! quelle horreur