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Personne ne veut la guerre mais nous y allons mécaniquement [L’Agora]

Rarement la déconnexion de la classe politique de la vie au quotidien des gens est apparue aussi clairement. Entièrement mobilisés par la succession des élections, il ne sortent de la cuisine électorale que pour se mettre en valeur auprès de leurs électeurs, comme si, autour d’eux, la Terre s’était arrêtée de tourner, figeant dans le temps tous les autres sujets.+

L’enseignement de l’Histoire

Heureusement, il en existe certains qui, loin de cette vaine agitation, essayent de voir au-delà de la ligne bleue de leur résultat électoral. Henri Guaino est de ceux-là. Dans un remarquable article publié par Le Figaro, intitulé : « Ukraine: nous marchons vers la guerre comme des somnambules »

il décrit le parallèle saisissant entre la situation que nous connaissons et celle de 1914.

Son analyse est très pertinente et montre bien l’engrenage de l’escalade à laquelle nous assistons.

Comme souvent, dans ce genre de situation, le plus important est le non-dit. Depuis la fin de la seconde guerre mondiale, un climat de défiance a caractérisé les relations Est-Ouest. Les dirigeants de l’Union soviétique ont toujours cru que les Américains voulaient les anéantir, voyant en eux un adversaire résolu du Nouvel Ordre Mondial qu’ils voulaient imposer depuis la création de la Société des Nations en 1921, et les dirigeants américains ont symétriquement toujours pensé que l’URSS voulait imposer le système communiste au monde entier.

Chacun à vu dans l’attitude et les actions de l’autre de quoi nourrir cette vision.

Une vision passéiste d’un projet mondialiste.

Au début des années 1990, l’Etat profond américain était convaincu que les USA étaient devenus la super-puissance mondiale après la disparition de l’URSS. La géopolitique internationale était basée sur la « guerre froide », qui divisait le monde en deux blocs. Pour l’Europe, cela se traduisait par une opposition OTAN – URSS. La disparition de cette dernière aurait logiquement dû induire celle de la première, la cause de son existence ayant disparue. En réalité, le rôle de l’OTAN n’avait été que partiellement révélé. Dans une vidéo diffusée par Sud Radio, Roland Dumas, alors ministre des Affaires étrangères, révèle que le Président G Bush (le père), avait mis sur la table le sujet. Il proposait d’étendre au monde entier la zone d’intervention de l’OTAN, qui serait, en quelque sorte, devenue le bras armé du gendarme du monde. Il faut se souvenir alors des différentes interventions en ex-Yougoslavie, en Libye et en différents endroits situés très au-delà de la zone Atlantique (jusqu’à Kaboul) qui laissaient penser que cette idée avait prospéré. En 1997, Zbignew Brzezinski publie « Le grand échiquier » dans lequel il explique la stratégie américaine de la contention de la Russie à l’Ouest et de la Chine au sud. (Voir photo page 32 ci-dessous).

Bien que discutable, cette idée s’est maintenue dans le temps

Cette vision de Brzezinski a prévalu au sein de cet Etat profond et s’est installée dans la durée, ce qui explique cette crainte constante vis à vis de la Russie, malgré les nombreuses mises en garde

formulées par des géopoliticiens américains, tels qu’Henry Kissinger, qui ne peut passer pour un « ami de Poutine », mais qui reconnaissait le rôle éminent de la Russie dans l’équilibre du monde.

De plus le Council on Foreign Relations (CFR), véritable pépinière de l’Etat profond, qui fournit depuis 1921 un grand nombre de haut-fonctionnaires à l’administration américaine, a toujours gardé

ses distances avec la Russie. Le CFR a repris à son compte la vision qu’a toujours eu le Département d’Etat, qui craignait par dessus tout un rapprochement dans le même ensemble économique de l’Allemagne et de la Russie. Georges Friedman, président de la Strafor, l’avait clairement exprimé lors d’une conférence à Chicago le 04 fevrier 2015, organisée par le Chapitre local du CFR. Il avait alors insisté sur le problème qu’allait poser l’Ukraine, qui était une pièce centrale du jeu américain en Europe.

Le monde a changé, mais la vision américaine est restée.

Malgré toutes les mises en garde venant de l’étranger et de l’intérieur même des Etats-Unis, la politique offensive de l’OTAN poussée par les « faucons américains », après avoir marqué le pas au début des « années Trump » semble avoir trouvé un nouveau souffle. Comme si, dorénavant, le temps pressait et qu’il faille en finir rapidement.

Car le monde change, et il change rapidement. La pandémie du COVID a remis en question les bases de la mondialisation monopolaire et, par la-même la suprématie du dollar qui, jusque là, bénéficiait d’une sorte de monopole sur les échanges internationaux et, en particulier, ceux des matières énergétiques. Ce problème peut devenir insurmontable et menacer l’hégémonie américaine, déjà fragilisée, sur le reste du monde.

Avec qui, du coté américain, Poutine peut-il discuter ?

En 1962, Kroutchev pouvait appeler Kennedy presque directement et ils pouvaient se parler.

C’est probablement cela qui, au point culminant, a permis d’éviter le cataclysme nucléaire.

Mais aujourd’hui, quel pourrait être l’interlocuteur de Poutine ? Trump arrivait encore à parler avec lui, malgré les critiques incessantes de la plupart des médias américains qui n’hésitaient pas à parler de « collusion » et de « trahison », mais on ne voit pas actuellement qui pourrait parler au nom de l’Etat américain, qu’il soit profond ou apparent.

Comme le dit fort justement Henri Guaino : « Dans les crises les plus graves, chacun a toujours fait en sorte que l’autre ait une porte de sortie.Aujourd’hui, au contraire, les États-Unis, et leurs alliés, veulent acculer la Russie. »

Et c’est bien là le danger le plus grand. Coté américain, OTAN comprise, toutes les portes de sortie sont fermées par des paroles et des actes qui ne font qu’accélérer l’escalade. Les Européens ne font que suivre aveuglément les américains et c’est extrêmement dangereux car nous sommes plus proches géographiquement de la Russie que de l’Amérique. A moins que le jeu américain soit de provoquer un conflit entre l’Union Européenne et la Russie en pensant que les deux s’affaibliraient mutuellement.

Naturellement, dans ce cas, il n’y aurait plus besoin d’un interlocuteur américain, car il suffirait de compter les coups.

Ce genre de calcul a toutes les chances de se révéler dévastateur pour l’ensemble de la planète, y compris pour ceux qui en seraient les instigateurs.

Jean Goychman 

Précision : les points de vue exposés n’engagent que l’auteur de ce texte et nullement notre rédaction. Média alternatif, Breizh-info.com est avant tout attaché à la liberté d’expression. Ce qui implique tout naturellement que des opinions diverses, voire opposées, puissent y trouver leur place.

Crédit photo : DR
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4 réponses à “Personne ne veut la guerre mais nous y allons mécaniquement [L’Agora]”

  1. Pschitt dit :

    Remarquable, la tribune d’Henri Guaino dans « Le Figaro » ? Oui, remarquable si l’on désire un archétype de la production de Guaino : un robinet d’eau tiède, avec de nobles tournures (il a dû lire Mitterrand), quelques références culturelles ou historiques et de belles et bonnes valeurs « mainstream ». Qu’il peut manipuler à sa guise dans un sens ou dans l’autre.

    Cette fois, à partir de deux citations sur la guerre de 1914 il prétend établir un « parallèle saisissant » en montrant qu’elle a été causée par une suite d’événements aux conséquences imprévisibles. Mais pourquoi choisir cette guerre-là ? La plupart des guerres résultent d’engrenages non maîtrisés (Poutine attaque l’Ukraine et ne remporte pas la victoire attendue, etc.). Il faut reconnaître que Guaino évoque aussi d’autres guerres : « Churchill et Roosevelt n’avaient pas pensé qu’un jour ils ordonneraient de bombarder massivement les villes allemandes ni Truman qu’il finirait en 1945 par recourir à la bombe atomique », etc. Toutes les guerres ont à la fois des ressemblances et des différences, tout bon apôtre peut y puiser à sa guise des comparaisons douteuses. Mais pourquoi choisir 1914 quand tant d’autres comparaisons moins tirées par les cheveux seraient possibles, si ce n’est parce que M. Guaino veut aboutir à une conclusion déjà formée dans sa tête.

    Quand M. Guaino demande : « La question s’est posée de savoir s’il fallait laisser massacrer un million d’habitants ou intervenir », parle-t-il de l’Ukraine ? Non bien sûr puisque sa réponse implicite aujourd’hui serait : « il faut laisser massacrer un million d’habitants ». En fait, c’est une question rhétorique qu’il posait non pas dans Le Figaro en 2022 mais dans Le Point en 2015. Elle servait à justifier l’intervention de 2011 en Libye décidée par Sarkozy ! Elle s’est traduite par un chaos local toujours pas réglé (au moins autant de massacres après 2011 qu’avant), et par l’élimination rapide d’un dictateur qui aurait sûrement eu beaucoup à révéler.

    Alors quand ce monsieur prend la plume, j’ai pour principe de parcourir son texte d’un derrière distrait.

    • Pschitt dit :

      La comparaison avec les débuts de la Seconde Guerre mondiale serait plus judicieuse. Très conscient du risque de guerre, Hitler envahit un pays voisin au nom de la présence d’une minorité allemande, rattache une partie de son territoire à l’Allemagne, met en place un gouvernement fantoche dans la partie restante, puis promet d’en rester là, et la France comme la Grande-Bretagne se réjouissent d’avoir « sauvé la paix » à Munich — et finalement ils ont la guerre ET le déshonneur. Maintenant, remplacez « allemande » par « russe » et Hitler par Poutine, et ça y ressemble quand même pas mal. Guaino, Daladier, même non-combat !

  2. patphil dit :

    henri gaino avertit mais les français préfèrent se soumettre à biden dont la doctrine est bien huilée ! les sanctions contre les russes bien efficaces, renault y a perdu 2 milliards d’euros, une paille, et les prix flambent mais les zélites sont contentes

    • Pschitt dit :

      Pas d’accord. La France a réagi, comme les autres pays européens, dans les jours suivant le 24 février. Les Américains ne se sont manifestés qu’ensuite. Et Guaino bien plus tard encore ! Il n’est pas dans l’avertissement mais dans le prêchi-prêcha tardif.

      Bien entendu, les sanctions sont coûteuses, peut-être même intenables. C’est la preuve qu’elles n’ont pas été réfléchies. Les Européens ont réagi sous l’effet de l’indignation causée par une agression violente contre un Etat souverain et non après dues considérations économico-financières. Idem pour l’accueil des réfugiés, de CES réfugiés-là : on n’a pas raisonné visas, Frontex, AME, etc., on les a accueillis, point. Tout cela est sans doute déraisonnable, mais il y a quelque chose de réconfortant dans le fait que les Européens puissent être saisis d’émotion devant le sort d’autres Européens, non ?

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