Après Ravage, c’est au tour de La nuit des temps de connaitre les honneurs d’une adaptation en bande dessinée. Dans ce célèbre roman, René Barjavel imaginait la découverte d’une prodigieuse civilisation, éteinte il y a près d’un million d’années…
En Antarctique, une expédition scientifique française détecte, par ses sondeurs, des ondes étranges, trop régulières pour être naturelles. A partir des données recueillies sont établis les plans du site : à plus de 3000 mètres de profondeur se trouvent les ruines d’une civilisation disparue il y a près d’un million d’années ! Le responsable de l’expédition en informe les chefs d’Etat du monde. Dès lors, de nombreux pays participent au forage permettant d’exhumer les vestiges enfouis. Les chercheurs repèrent une mystérieuse sphère d’or pur. Après plusieurs jours d’efforts, pénétrant à l’intérieur, ils découvrent dans des caissons un homme et une femme, un masque d’or sur le visage. Ceux-ci sont en état d’hibernation, maintenus à une température proche du zéro absolu. Les scientifiques décident de les réveiller, en commençant progressivement par la femme, dont l’organisme semble mieux conservé que celui de l’homme. Après avoir réussi à réanimer la femme, Simon, un médecin, parvient à communiquer avec elle. Cette femme, qui s’appelle Eléa, révèle que dans son monde, deux nations s’opposaient, Gondawa et Enisoraï, déclenchant une apocalypse totale. Pour préserver la lignée de cette civilisation, Coban, le plus grand savant de Gondawa, avait sélectionné Éléa, en raison de sa beauté et de ses aptitudes mentales, pour prendre place à ses côtés dans cette sphère d’or, dans l’espoir de survivre à l’apocalypse. Mais Éléa voulait rester avec Païkan, son amant choisi par un programme informatique. Alors que les scientifiques cherchent à réveiller l’homme, des militaires tentent de détruire le site pour en conserver seuls les découvertes scientifiques…
Christian De Metter adapte ainsi La nuit des temps, roman de René Barjavel, initialement destiné au cinéma, publié en 1968 et récompensé par le prix des libraires. Après les adaptations de grands succès de la littérature (Shutter island de Dennis Lehane, Piège nuptial de Douglas Kennedy, Scarface d’Armitage Trail, Au revoir là-haut et Couleurs de l’incendie de Pierre Lemaitre), Christian de Metter s’intéresse ainsi à ce classique de la science-fiction française.
La bande dessinée respecte pour l’essentiel le récit de René Barjavel (1911-1985). On y retrouve son thème de prédilection : la chute de la civilisation causée par une science que l’être humain ne maîtrise plus. Ce thème apparaissait déjà dans son premier roman d’anticipation, Ravage, publié en 1943 dans l’hebdomadaire Je suis partout. Ravage dénonçait le progrès scientifique, prônait un retour à la terre et le culte du chef. La nuit des temps, publié 25 ans plus tard, est d’un esprit sensiblement différent. Dans ce récit, les habitants de Gondawa, évoquant l’Atlantide, vivaient il y a 900 000 ans dans un Antarctique tropical, du fait d’une inclinaison différente de la Terre. D’apparence européenne, ils recevaient un revenu en énergie universelle. Cette énergie universelle, apportait ce qui était nécessaire à leur confort, mais permettait également de créer l’arme solaire, susceptible de tout anéantir. La guerre entre Gondawa et Enisoraï symbolise le conflit Est-Ouest. Mais ne tirant pas profit des enseignements du passé, des nations s’affrontent pour acquérir les connaissances qu’abrite le sanctuaire…
Dans cette adaptation, l’action est transposée à notre époque. Il n’y a pas de modification sur la description de la civilisation disparue, jadis plus avancée que la nôtre. Le scénariste Christian de Metter restitue la relation amoureuse entre Éléa et Païkan, ainsi que l’attirance qu’exerce la beauté de la jeune femme sur le Docteur Simon, le narrateur de l’histoire. Mais le roman de Barjavel insistait davantage sur les pensées secrètes de Simon. La surprenante fin originale, terriblement tragique, est conservée. Le message de paix est maintenu, mais le scénariste remplace le contexte de la guerre froide par celui de l’opposition entre les manifestations écologiques et la répression policière ! Païkan, qui dans le roman est « blond comme le blé mûr au soleil », ressemble dans la bande dessinée à un guerrier iroquois !
Disparaissent également les messages de Barjavel qui faisaient le sel de son récit. Lorsque la sonde est découverte, le seul scientifique qui n’est pas sous le choc est celui qui a vécu à la campagne, puisqu’ « il avait appris à compter grand et à envisager la durée ». Lorsque les scientifiques doivent décider qui réanimer en premier, « pour l’Arabe, il n’y a pas de doute : le seul qui comptait, c’était l’homme ». Enfin Eléa révèle que la planète Mars « était habitée par une race d’hommes à la peau noire, dont les vaisseaux gondas et énisors avaient ramené quelques familles. Avant cela, il n’existait sur Terre aucun homme de couleur noire ».
Rehaussé par de somptueuses couleurs directes, le dessin de Christian de Metter parvient à retranscrire la puissance poétique du récit.
La nuit des temps, 184 pages, 25 euros, Editions Philéas.
Kristol Séhec.
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