Il y a quelques jours, les rapporteurs d’une commission d’enquête sénatoriale présentaient le résultat de leurs investigations sur l’influence croissante des cabinets de conseil privés sur les politiques publiques. Le rapport réalisé à ce sujet met en lumière le coût astronomique des marchés conclus entre l’Etat et des cabinets de consultants ainsi que des prestations de « qualité inégale ».
A cette occasion, les liens entre Emmanuel Macron, et plus largement son parti LREM, avec le cabinet Mc Kinsey ont été largement évoqués. A la lumière de ces informations, le soutien en 2019 d’Emmanuel Macron pour la nomination d’Ursula Von Der Leyen à la présidence de la commission européenne ne peut manquer d’interroger.
L’activité florissante des cabinets de conseil en Allemagne
Ursula Von Der Leyen est une femme politique allemande à la carrière déjà longue. L’un de ses enfants, David, a travaillé de 2015 à 2019 au sein de la société Mc Kinsey, aux Etats-Unis. En décembre 2013, Ursula Von Der Leyen était nommée ministre de la Défense du gouvernement allemand. Quelques mois plus tard, en juin 2014, elle faisait appel à une certaine Katrin Suder qu’elle plaçait au poste de Secrétaire d’Etat à la Défense, une fonction qu’elle exercera jusqu’à sa démission, en avril 2018.
Qui est Katrin Suder ? De formation scientifique, elle a été embauchée à la fin de ses études, en 2000, par la société Mc Kinsey. Elle y occupe plusieurs postes, dont celui de responsable des activités dans le secteur public, entre 2009 et 2014. Le passage de Katrin Suder au poste de Secrétaire d’Etat à la Défense coïncide avec une forte progression du recours par le ministère fédéral allemand de la Défense à des cabinets de consultants.
Une première alerte est venue à la suite d’une mission d’audit du cabinet Deloitte faisant ressortir l’attribution par le ministère allemand de la Défense de contrats de plusieurs millions d’euros, sans appel d’offres, à une filiale de la société Mc Kinsey, Orphoz. Les contrôles internes visant à faire respecter les procédures de marché publics n’auraient été renforcés qu’à partir de la découverte par la Cour des comptes fédérale d’un cas similaire.
En septembre 2018, ladite Cour révélait que le ministère de la Défense allemand avait versé jusqu’à 150 millions d’euros par an à des cabinets de conseil. Les rapporteurs pointaient des irrégularités et des missions dont la nécessité n’était pas avérée.
Le journal allemand Der Spiegel soulignait à l’époque que « dans plus de 80% des cas examinés, la Bundeswehr (l’armée allemande de la défense NDLR) n’a pas prouvé la nécessité de faire appel à des services extérieurs. (…) En 2015, par exemple, le ministère a fait état de contrats de consultance pour seulement 2,2 millions d’euros au comité, mais selon la Cour des comptes, 182 contrats individuels ont été conclus avec des cabinets de conseil pour environ 100 millions d’euros. En 2016, il a rapporté 2,9 millions mais a dépensé 150 millions en consultants ».
Outre l’enquête de la Cour de comptes, des parlementaires allemands de l’opposition se sont également penchés sur le recours par le ministère fédéral de la Défense à des cabinets de conseil quand Madame Von Der Leyen était ministre. Le travail de la commission d’enquête ne semble pas avoir été facile. Ursula von der Leyen aurait fait obstruction à l’enquête parlementaire, ses deux téléphones portables professionnels saisis pour les besoins de l’enquête ayant été expurgés de tous les messages y figurant avant d’être livrés à la commission.
Bien que toutes ces affaires se soient passées au sein de son ministère, la responsabilité personnelle d’Ursula Von Der Leyen et le fait qu’elle ait été informée des contrats passés n’ont toutefois pas été établis.
En difficulté après les révélations de la Cour des comptes, la ministre fédérale de la Défense reconnaissait des « erreurs ». Mais la carrière politique et publique d’Ursula Von Der Leyen n’a pas pris fin après cet épisode calamiteux. Bien au contraire.
Commentant le parcours professionnel de Madame Von Der Leyen, le chef du service investigation du journal allemand Die Welt, Wolfgang Büscher, estimait en juin 2020 qu’« il n’y a plus guère de doute sur la raison véritable qui a poussé Ursula Von der Leyen à fuir à Bruxelles ». »
Ursula Von Der Leyen, la favorite de Macron
En juillet 2019, les tractations entre les capitales européennes pour désigner le remplaçant de Jean-Claude Juncker à la présidence de la commission européenne ont été difficiles. Le président de la république française, Emmanuel Macron, a poussé une candidature, celle d’Ursula Von Der Leyen. Ce soutien semble avoir été de poids : parmi les différents prétendants, celle qui occupait le poste de ministre allemande de la défense a été finalement nommée à la présidence de la commission européenne.
Les protestations de nombreux responsables politiques allemands n’ont rien changé à ce qui a été parfois décrit comme « le couronnement d’une carrière politique »…
Le 23 juillet 2019, la présidente de la commission européenne nouvellement désignée réservait sa première visite officielle à la capitale française. Le journal La Croix commentait sans ironie : « Le tandem n’en est pas à son premier renvoi d’ascenseur ».
Le juteux marché des cabinets de conseil auprès de la commission européenne
Mais l’affaire ne s’arrête pas là. Au printemps 2021, le site Euractiv et un média indépendant de conseil en stratégie, Consultor, soulignaient le recours croissant par la commission européenne à des cabinets de conseil en stratégie. Consultor parle même d’une « consulting mania ».
Les investigations mettent en lumière que, de 2007 à 2019, le nombre de missions en conseils en stratégie n’a ainsi jamais été aussi important que depuis que Madame Von Der Leyen est présidente de la commission européenne.
La députée européenne Virginie Joron soulignait récemment dans une interview donnée au site Boulevard Voltaire que « le scandale McKinsey ne s’arrête donc pas aux frontières françaises ». Les exemples de prestations de consulting qu’elle qualifie d’« invraisemblables » se passent de tout commentaire.
Pour quelle raison Emmanuel Macron a-t-il défendu en 2019 « avec force » la candidature d’Ursula Von Der Leyen à la présidence de la commission européenne ? Elle était pourtant loin de faire l’unanimité dans son propre pays. Comme en témoigne le récent rapport sénatorial, le scandale financier qui a concerné le ministère qu’Ursula Der Leyen dirigeait n’a en tout cas pas servi d’enseignement à Emmanuel Macron et plus largement au gouvernement français.
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2 réponses à “Affaire Mc Kinsey : le renvoi d’ascenseur de Macron à Ursula Von Der Leyen qui interroge”
On avait du mal à comprendre le choix des ministres, falots et incompétents. Ce sont en fait des marionnettes qui ne font qu’appliquer les consignes Mac Kinsey. ça laisse du temps pour écrire des livres e-t se promener à l’opéra et faire de bonnes bouffes avec les copains.
Asinus asinum fricat !
Même sur la photo ils ont tous deux le même regard de faux jeton.