Le FNLC et le FLB vont-ils reprendre du service ?

Les esprits sont échauffés en Corse. Il faut reconnaître que Emmanuel Macron, faute de tenir compte du rapport de force existant sur place, commet des maladresses. Après les manifestations qui ont suivi les obsèques d’Yvan Colonna, il a jugé « inacceptables » ces violences et affirmé qu’il n’y aurait  « pas de discussions » sans « retour à l’ordre préalable ». « Ce que j’ai vu ce week-end est inacceptable, y compris avec des responsables politiques en tête de cortège » (France Inter, lundi 4 avril 2022) Il ferait bien de se méfier. En effet, si engager des négociations avec Gilles Simeoni, président du conseil exécutif de Corse, ne semble poser aucune difficulté particulière, le retour à la « lutte armée » avec le FNLC apparaît tout aussi possible.

« Le dépôt des armes, annoncé par le FLNC-UC en 2014 au terme de quatre décennies de lutte armée (marquées par plus de 4 500 attentats revendiqués), et la démilitarisation, actée par le FLNC du 22 octobre 2016, semble déjà loin. Il suffit de faire le compte des nombreux attentats perpétrés dans l’île depuis le 2 octobre 2019, date du retour des deux mouvances, réunies sous la même bannière. » (Le Figaro, lundi 4 avril 2022)

La DGSI est donc mobilisée. Un de ses membres explique : « Il ne faut pas le cacher. Le FLNC recomposé est actif depuis trois ans. Le problème, c’est qu’il ne parvient pas à recruter. La plupart des troupes sont des anciens ou alors des seconds couteaux qui ont échappé à la justice. Il n’y a plus grand monde pour faire la guerre. Les jeunes n’ont plus envie de se lancer dans ce type d’actions. On ne fait pas la révolution le ventre plein… » Un militant proche des mouvements indépendantistes donne sa version : « Il n’y a plus de moyens matériels pour agir. Ce n’est plus la même époque non plus. Certains voudraient reprendre une lutte clandestine mais ça paraît difficilement réalisable. Même si ça se trame… » (Le Figaro, lundi 4 avril 2022) Donc tout devient possible si les négociations en vue de l’autonomie échouent.

Il y a FLB et FLB …

En des temps anciens (années 1970), la Bretagne a également connu l’action clandestine. Le Front de libération de la Bretagne (FLB) s’attaquait principalement aux bâtiments publics – surtout  les perceptions, ce qui le rendait populaire. Grâce au remembrement et aux carrières, les explosifs se trouvaient à portée de main. Le premier FLB était composé de gens du Mouvement breton (souvent des anciens du MOB) et avait comme « inspirateur » Yann Fouéré. C’était des « bons Bretons », mais également des amateurs, leur aventure se termina donc à la Santé, tandis que Fouéré s’empressait de rentrer chez lui, en Irlande, pour s’occuper de ses langoustes. En janvier 1969, cinquante membres du FLB étaient incarcérés. A l’époque, le ministre de la Justice s’appelait René Pleven. Morvan Duhamel ayant servi d’intermédiaire entre Pleven et Fouéré, l’affaire se termina par une amnistie et ce FLB arrêta ses activités.

Par la suite, il y eut quelques « mini-FLB » ; des bricoleurs prirent la relève et souvent firent des conneries qui desservaient la cause bretonne. Un exemple : le plasticage du château de Versailles ; leurs deux auteurs, Lionel Chenevière et Patrick Montauzier héritèrent chacun de quinze ans de réclusion. Notons qu’au moment de l’élection de François Mitterrand à la présidence de la République, les détenus bretons étaient encore dix-huit à la Santé.

On est obligé d’évoquer un FLB pittoresque puisque créé de toutes pièces par la DST : Le « Front de libération de la Bretagne/Libération nationale et socialisme », à tendance gauchiste. Au départ, une petite annonce parue dans le quotidien Libération en 1974 ; elle concernait « un groupe d’étudiants belges qui aimeraient effectuer une étude sociologique sur la culture bretonne. La boîte aux lettres est relevée par la brigade de la DST de Lille. »

Nos lecteurs qui aimeraient en savoir davantage sur ces « FLB » peuvent se reporter utilement aux ouvrages de Roger Faligot et Pascal Krop « DST police secrète » (Flammarion, octobre 1999) et de Jean Bothorel « Un terroriste breton » (Calmann-Lévy, avril 2001) ; ils pourront ainsi se familiariser avec les méthodes de manipulation et de pénétration utilisées par la DST. Ils s’amuseront  en apprenant comment fut organisé le plasticage de la villa de Francis Bouygues à Cancale et comment Jean Bothorel devint militant du FLB. La DST faisait preuve d’imagination…

Aujourd’hui un FLB revendique dans un mail une série d’attaques « contre des résidences secondaires ou des profiteurs de l’industrie touristique » en Bretagne (quinze incendies et actes de vandalisme commis entre avril 2017 et août 2021) Il se termine par cette proclamation : « Soutien aux Bonnets rouges victimes de l’acharnement judiciaire français ! Bretagne libre ! » ; ce mail est signé Anna Lagadec pour le Kuzul Meur, le grand conseil (Le Télégramme, jeudi 25 novembre 2021) A suivre.

Bernard Morvan

Crédit photos : DR
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