Parmi les plus fertiles, et libres, de la dissidence, on retrouve Georges Feltin-Tracol qui vient d’écrire un bref ouvrage intitulé Comprendre Eric Zemmour, paru aux éditions du Lore, et qui a le mérite de synthétiser, et de chercher à comprendre qui est Eric Zemmour, et surtout, quelles sont ses racines politiques, tout en expliquant ce phénomène politique donné autour de 10% au premier tour de l’élection présidentielle de dimanche prochain.
Pour faire le point sur cet ouvrage, nous avons interrogé Georges Feltin-Tracol.
Breizh-info.com : Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?
Georges Feltin-Tracol : J’ai 51 ans, cadre en logistique dans une entreprise située entre Velay, Forez, Livradois, Jarez et Vivarais. Formé par la « Nouvelle Droite » française, rédacteur à Synthèse nationale (« Livres au crible »), à Terre et Peuple Magazine (« Franc parler ») et au trimestriel identitaire canadien-français Le Harfang (« Francité »). Responsable par ailleurs depuis septembre 2021 d’une chronique hebdomadaire sur Radio Méridien Zéro (Radio MZ), « Vigie d’un monde en ébullition » et participant dès le départ aux Lansquenets d’Europe de Gabriele Adinolfi rencontré en 1998.
Depuis 2009, j’ai publié, seul ou en collaboration, une trentaine d’ouvrages. Les plus récents sont L’actualité à la hache. Se déconfiner du prêt-à-penser (2021) et Comprendre Éric Zemmour (2022) chez le même éditeur : les Éditions du Lore. Il y a quelques mois paraissait aux Éditions Fides Bardèche y Europa. Su combate por una Europa « nacional, liberada e independiente ». Vient enfin de sortir un inédit en espagnol, Ellos pensaron Europa (Letras Inquietas), un recueil de chroniques biographiques prononcées dans le cadre du « Libre-Journal des Européens » de Thomas Ferrier sur Radio Courtoisie entre 2017 et 2020.
Auteur d’une dizaine de préfaces, j’ai prononcé une cinquantaine de conférences en France et en Europe et participé à de nombreuses émissions radiophoniques à l’invitation de Radio Méridien Zéro, de Radio Courtoisie et de TVLibertés. J’agis dans la cité délabrée en Français d’Europe, justicialiste, identitaire, écologiste et païen.
Breizh-info.com : Les élections approchent, qu’avez-vous souhaité apporter au débat public avec Comprendre Éric Zemmour ?
Georges Feltin-Tracol : À l’automne 2021, alors que se précisait la candidature d’Éric Zemmour à l’élection présidentielle, l’un de mes éditeurs espagnols, Letras Inquietas, m’interrogeait sur l’ancien journaliste du Figaro. En 2010, j’avais mis en ligne « L’ombre romaine de la France », une longue recension de son livre Mélancolie française. Je transmis ce texte à l’éditeur; il le traduisit et le publia en janvier 2022 : Zemmour y la sombra romana de Francia.
La parution de ce court essai dans la langue de José Antonio m’incita à proposer à Jules Dufresne, des Éditions du Lore, un modeste coup éditorial. Éditer un bref ouvrage sur l’auteur du Suicide français en profitant de l’actualité la plus immédiate. Je lui adressai dès le dimanche soir l’ouvrage. Il me renvoya dès le lendemain la maquette pour la relecture. Le mardi, elle partait, corrigée, chez l’imprimeur.
Comprendre Éric Zemmour n’est pas une charge contre l’ancien chroniqueur du Figaro Magazine, ni une hagiographie politique. Cet ouvrage présente sa vision historique sur la très longue durée. Il contre-balance en partie les nombreuses publications qui alimentent son scandaleux « procès en sorcellerie ». Comprendre Éric Zemmour propose un autre son de cloche, très loin des grosses caisses assourdissantes des maisons d’édition stipendiées du Régime. Des amis, tant zemmouriens que marinistes, l’ont apprécié. D’autres l’ont trouvé mitigé. À chacun ensuite de faire son opinion.
Breizh-info.com : Vous vous basez dans votre livre sur un ouvrage d’Éric Zemmour, mais aussi sur ceux de Youssef Hindi et de Geoffroy Lejeune. Qu’est-ce qui a motivé votre choix ?
Georges Feltin-Tracol : Comprendre Éric Zemmour comporte un avant-propos de circonstance, les recensions de Mélancolie française, de L’Autre Zemmour de Youssef Hindi, d’Une élection ordinaire de Geoffroy Lejeune, une chronique destinée à Radio MZ, corrigée, revue et augmentée, et un entretien récent mis en ligne pour La Tribuna del Pais Vasco.
Mélancolie française est, à mon avis, le meilleur essai d’Éric Zemmour bien que je ne partage pas ses analyses. Fort critique, le livre de Youssef Hindi donne un autre éclairage sur cet « écrivain en politique » très IIIe République propulsé en pleine Ve République. Écrit en 2015, le récit de politique-fiction de Geoffroy Lejeune prend avec le recul une valeur particulière. Son récit qui a connu un relatif succès a probablement instillé chez Éric Zemmour l’envie d’entrer en politique. J’impose donc au lecteur une trame kaléidoscopique. Le « Z » n’est pas monolithique.
Breizh-info.com : Quel regard portez-vous sur la campagne électorale 2022 ? Et particulièrement sur celle d’Éric Zemmour ?
Georges Feltin-Tracol : Entre le « couillonavirus », la guerre en Ukraine, le rôle délétère des journalistes du Régime et le refus du locataire de l’Élysée de débattre avec ses concurrents, cette campagne électorale est bien morne, voire atone. Souhaitons seulement que l’inflation galopante des prix et le « McKinseygate » bouleversent les derniers jours avant le premier tour. Cette élection est une nouvelle mascarade. Je me méfie de plus en plus du suffrage universel accordé à tout le monde.
Avant même de connaître le résultat du 10 avril prochain, Éric Zemmour a été la grande nouveauté de cette campagne. Novice en politique, il a perturbé le scénario de la médiacratie mensongère et bouleversé le jeu politicien habituel. Par sa candidature, il veut s’attirer le vote des « orphelins » de Marion Maréchal, de Nicolas Sarközy, de François Fillon, de Jean-Marie Le Pen et de Pierre Poujade. Il est déjà parvenu à rallier Marion Maréchal, Philippe de Villiers et Bruno Mégret. Pourra-t-il unir les maintenir unis ? Je reste fort sceptique sur ce point.
Les sondages avancent que tout est déjà joué. Est-ce le cas ? Je ne le pense pas. L’imprévu, le fameux grain de sable, le célèbre « cygne noir » peuvent contredire les pronostics établis. On peut par exemple soulever la probabilité (infime !) d’un second tour Macron – Zemmour ou Le Pen – Zemmour. Le summum de l’imprévisibilité concernerait sur un duel, le 24 avril prochain, entre Jean-Luc Mélenchon et Éric Zemmour. Leur présence au second tour dynamiterait la scène politique française. L’« Union populaire » s’opposerait à l’« union des droites ». On entrerait dans une phase révolutionnaire, ce qui serait une perspective réjouissante.
À y regarder son programme, tout comme les propos radicaux qu’il peut tenir en meeting ou dans ses interventions TV, on sent parfois comme un décalage, avec son entourage proche qui vient souvent d’une droite qui finalement, a accepté la dégringolade de notre système depuis des années. Prise de conscience réelle de cette entourage, ou opportunisme politique selon vous ?
À l’instar du très fluctuant Robert Ménard, Éric Zemmour souhaite l’« union des droites ». Dans une logique très RPF (Rassemblement du peuple français), il aimerait regrouper la petite bourgeoisie libérale d’origine LR, les couches moyennes conservatrices et les catégories populaires identitaires venues du FN/RN. Si l’on suit les enquêtes d’opinion, force est de constater que l’« amalgame » ne se produit pas. Pourquoi ? L’hystérie médiatique orchestrée contre Zemmour jouerait-elle à plein ?
Ses propositions supposées clivantes ne sont pas en cause. Il pâtit surtout d’un entourage, cumulant les gamelles partisanes, qui, malgré de multiples références à la « droite » (laquelle ?), continue à prêter attention au politiquement correct. Je crains par conséquent que ce proche entourage desserve en fait son candidat. Sinon, pourquoi n’envisage-t-il pas le rétablissement de la peine capitale ? Pourquoi, pendant le débat avec Valérie Pécresse, ne lui a-t-il pas lancé au visage tous ses liens avec les États-Unis d’Amérique ? Pourquoi n’a-t-il pas agi en véritable « éléphant dans le magasin de porcelaine » ?
Breizh-info.com : Quelles sont, pour vous, les propositions majeures de ce programme ? Et quelles seront, y compris en cas de défaite de celui-ci, les conséquences de la candidature Z sur la société française ?
Georges Feltin-Tracol : Le candidat Éric Zemmour réclame l’abolition des horribles lois liberticides et propose un « ministère de la Remigration ». Il ne cache pas son hostilité à l’infecte idéologie des droits de l’homme. Toutefois, il n’attaque jamais les banksters et la haute finance.
Je regrette le libéralisme de son programme économique et social. Ce « gaullien » revendiqué s’écarte volontiers du versant socio-économique du gaullisme, à savoir l’intéressement, la participation et l’association du capital, de l’encadrement et du travail. Outre la relocalisation des productions agricoles, industrielles et tertiaires en France, la « démondialisation » passe par la co-propriété privée des moyens de production dans l’entreprise économique afin que tous les employés soient concernés par le sort de leur communauté professionnelle de destin. L’« ethno-libéral » (savoureuse expression du Lieutenant Sturm de Radio MZ) Éric Zemmour rate ici une possibilité de prendre à contre-pied les discours dominants obsolètes.
Quelles conséquences politiques à venir de cette candidature ? Si Zemmour ne gagne pas ou s’il n’accède pas au second tour, soit son mouvement Reconquête ! s’installe dans le paysage politique hexagonal, phagocyte peu à peu l’aile droitière (Éric Ciotti, Laurent Wauquiez, Bruno Retailleau) des Républicains et recompose le champ des droites, soit, à la suite du MPF de Villiers, de la Droite libérale chrétienne de Charles Millon et du MNR de Mégret, le mouvement s’étiole et disparaît progressivement… Si cette hypothèse se concrétise, Éric Zemmour n’aura été qu’une candidature de témoignage. À moins qu’il ait préparé pour 2027 le lancement de Marion Maréchal, une autre « ethno-libérale », ou de Sarah…
Breizh-info.com : Plus globalement, comment percevez-vous le retour, flagrant, de la violence en politique, de la Corse à la campagne électorale, en passant par toutes les attaques, diabolisation, auxquelles toutefois les dissidents sont habitués ?
Georges Feltin-Tracol : Rien de nouveau sous le Soleil ! Les militants zemmouriens et marinistes se font agresser dans un silence médiatique affligeant et coupable. L’impunité de leurs auteurs est complète. La médiacratie applique sa grille de lecture binaire fallacieux entre les très méchants « fascistes » et les très très très « gentils » gauchistes.
Ces violences, habituelles (que les plus anciens se souviennent des européennes de 1984 marquées par des heurts aux abords des salles de réunion de Jean-Marie Le Pen), se déroulent au moment où les Français se détournent des scrutins. L’abstention risque d’être élevée au premier tour si l’on regarde encore les sondages (qu’il faut toujours manier avec précaution). Les Français se dépolitisent à grande vitesse. Ce phénomène procède en partie de l’effondrement du système scolaire hexagonal et du déversement quotidien du « divertissement » à la télévision et sur les réseaux sociaux. Les ploutocrates misent beaucoup sur l’avènement d’une « idiocratie » tyrannique occidentale.
Mon pessimisme s’efface en partie devant la belle réaction du peuple corse à l’incroyable agression mortelle d’Yvan Colonna. Composante incontestable de la civilisation européenne, la nation corse riposte aux basses manœuvres du parisianisme politique. Comme l’observe Yann Vallerie dans son excellent Sécession, une violence bien canalisée paie. La révolte latente des Corses face au mépris des autorités françaises provient aussi d’une diversité d’actions sur plusieurs décennies d’investissement simultanée dans la lutte armée clandestine, de d’une présence électorale constante et d’un profond, lent et minutieux travail culturel, associatif, patrimonial et métapolitique. L’Université de Corse à Corte ne connaît par exemple que trois syndicats étudiants strictement corses. À quand des universités françaises dominées par des syndicats nationalistes-révolutionnaires ?
Certes, selon les critères en vigueur dans l’Hexagone, le nationalisme corse qui s’appuie sur la langue et le territoire, penche plutôt à gauche. Cela ne l’empêche pas de défendre le principe d’« une terre, un peuple ». Si cet activisme fragilise la République française, tant mieux ! Pour autant, l’indépendance de la Corse relève de la chimère. À l’heure des hégémonies continentales et des méga-sociétés privées (Facebook/Meta, Apple, Amazon, Google, etc.), l’épanouissement identitaire d’une Corse enracinée ne se réalisera pleinement qu’au sein d’un nouveau Saint-Empire albo-européen baroque – gothique !
Propos recueillis par YV
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comprendre EZ, mais surtout faire en sorte que ses mesures soient appliquées