Les élections présidentielles et législatives sont imminentes. Qu’en est-il exactement de l’obligation des candidats de présenter des comptes de campagne ? Quelles sont les possibilités de financement, les obligations de déclaration ? Nous avons demandé un topo à Jean-Pascal Thorel, expert-comptable chez Absoluce, qui en explique les règles et les enjeux.
Le candidat à une élection (municipale, départementale, régionale, législative, présidentielle) doit déclarer un mandataire financier, déclarer sa candidature auprès de la préfecture et désigner un expert- comptable. Il doit faire viser le compte de campagne par l’expert-comptable (c’est facultatif lorsque le candidat a obtenu moins de 5 % des suffrages exprimés et que les recettes et dépenses de son compte de campagne n’excèdent pas un montant fixé à 4000 euros) et déposer le compte de campagne dans le délai imparti à la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP).
Le compte de campagne doit impérativement être en équilibre ou excédentaire et ne peut présenter un déficit. Le candidat doit respecter un plafond de dépenses dont le montrant varie en fonction du type d’élection.
Les obligations, concernant les comptes de campagne, peuvent être différentes en fonction du type d’élection, de la taille des collectivités et du nombre de tours.
Les quatre acteurs : candidat, mandataire financier, expert-comptable et commission
Le mandataire financier a pour mission de :
– ouvrir un compte bancaire unique
– recueillir les recettes et régler les dépenses à partir du compte bancaire
– délivrer des reçus de leurs dons aux donateurs
– tenir une main courante journalière
– produire les justificatifs des recettes, des dépenses ainsi que les documents bancaires, puis clôturer le compte bancaire au plus tard six mois après la date de dépôt du compte de campagne.
L’expert-comptable a pour mission de mettre le compte de campagne en état d’examen et de s’assurer de la présence des pièces justificatives requises. Le compte de campagne (document proposé par la CNCCFP) retrace l’ensemble des recettes et des dépenses engagées ou effectuées dans le cadre de la campagne électorale.
Le candidat demeure responsable de la sincérité du compte. Il peut confier à l’expert-comptable une mission plus étendue comportant par exemple : l’établissement des bulletins de salaire et des déclarations de charges sociales ; des conseils budgétaires, financiers et juridiques ; une aide à la déclaration de la situation patrimoniale et une assistance dans les réponses à apporter à la commission.
La commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) est une autorité indépendante qui :
– vérifie tous les comptes de campagne ;
– approuve, avec ou sans réformation, ou rejette le compte de campagne ;
– peut moduler le montant du remboursement forfaitaire en fonction du nombre et de la gravité des irrégularités commises ne conduisant pas au rejet du compte de campagne ;
– transmet ses conclusions négatives au juge de l’élection ou au parquet.
Ressources et dépenses autorisées
Le compte de campagne, déposé à la CNCCFP, comprend notamment : le compte de campagne (recettes et dépenses engagées) ; les journaux, balance et grand-livre ; les pièces et relevés de banque ; la liste des donateurs et le détail des contributions des partis politiques ; les éléments de calcul de l’apport personnel et la liste des concours en nature fournis par les candidats, les formations politiques et les tiers.
Les ressources autorisées sont principalement :
– les dons : les personnes physiques (montant plafonné), les partis et les groupements politiques peuvent faire des dons. Par contre, les dons des personnes morales publiques ou privées sont interdits (sous quelle forme que ce soit : somme d’argent, concours en nature, rabais consentis par les fournisseurs lorsqu’il n’entrent pas dans le cadre d’une pratique commerciale habituelle) ;
– l’apport personnel du candidat : versements personnels du candidat, emprunts contractés par le candidat (banques, parti politique, personne physique) ;
– contributions des partis ou groupements politiques ;
– les concours en nature : il s’agit de toutes les prestations dont le candidat a pu bénéficier, qui n’ont pas donné lieu à facturation ou à mouvement de fonds mais qui devront faire l’objet d’une évaluation.
Les dépenses de campagne sont soumises à un plafond
Les dépenses de campagne sont soumises à un plafond fixé en fonction du type d’élection. Ces dépenses doivent transiter par le compte bancaire unique du mandataire financier. Elles doivent avoir un caractère « électoral » (elles sont engagées en vue de l’obtention des suffrages des électeurs).
Elles comprennent : les suppléments de la campagne officielle, les publications écrites, la communication audiovisuelle, les prestations de sociétés de communication, internet, les sondages d’aspiration des électeurs, les manifestations, meetings et réunions, les concours en nature, les acquisitions de matériels, les dépenses de personnel, le local de campagne, les menues dépenses réglées par le candidat, les dépenses réglées par les partis.
Les dépenses suivantes sont, notamment, exclues du compte :
– les sondages d’intention de vote ;
– les frais de campagne officielle : il s’agit notamment de l’impression des bulletins de vote, des affiches et des professions de foi qui sont prises en charge par l’Etat (sous réserve, en général, d’avoir obtenu 5 % des suffrages exprimés) ;
– les dépenses post-élection.
Quelles sont les conditions de remboursement ?
Le remboursement des dépenses électorales est réservé aux candidats ou candidates têtes de liste ayant obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés au premier tour de scrutin dont le compte de campagne a été approuvé par la commission. Le compte de campagne doit être en équilibre ou excédentaire et ne peut présenter un déficit. L’inobservation de cette règle peut entraîner le rejet du compte.
Concernant les modalités de calcul du remboursement, la Commission commence par arrêter le montant des dépenses électorales. Certaines peuvent ne pas être remboursées. Il peut s’agir, notamment, de dépenses qui n’auraient pas été réglées et de dépenses insuffisamment détaillées (notamment des factures globales portant sur un ensemble de prestations (communication, campagnes clés en main). En effet, les factures doivent comporter un descriptif détaillé des différentes prestations et être assorties de justificatifs suffisants : nombre d’intervenants, mode de rémunération, nature de leurs interventions, coût et calendrier d’exécution.
Après examen du compte de campagne, la commission arrête le montant du remboursement des dépenses électorales.
Le montant du remboursement forfaitaire par l’Etat ne peut excéder l’un des trois montants suivants :
– montant des dépenses effectuées et retenues ;
– apport du candidat diminué des réformations en dépenses et diminué de l’excédent du compte bancaire de campagne ;
– 47,5 % du plafond des dépenses (le plafond varie en fonction des élections).
La non-conformité des comptes de campagne peut conduire à l’inéligibilité du candidat
Les comptes de campagne peuvent être :
– approuvés
– approuvés après réformation (après procédure contradictoire). La réformation consiste à modifier des éléments déclarés afin de les rendre conformes avec les dispositions du Code électoral. L’exclusion de tout ou partie d’une dépense affecte le montant total des dépenses et, par conséquent, le montant du remboursement forfaitaire auquel peut éventuellement prétendre le candidat. Les causes de réformation peuvent être, notamment, des dépenses n’ayant pas le caractère de dépenses électorales, les dépenses de la campagne officielle intégrées dans le compte de campagne, la prise en compte du coût d’achat d’un matériel et non de sa valeur d’utilisation, etc.
– rejetés (après procédure contradictoire). Le rejet de compte vient sanctionner la violation d’une formalité substantielle ou une irrégularité particulièrement grave (absence de présentation du compte par un expert-comptable, absence de déclaration du mandataire en préfecture, dépassement du plafond des dépenses autorisées, des dépenses omises, etc.).
Les décisions de la commission peuvent être contestées à titre gracieux devant la commission, au contentieux devant le juge et devant le juge de l’élection, qui peut prononcer l’inéligibilité du candidat !
Un processus qui exige beaucoup de rigueur
L’expert-comptable doit être formé spécifiquement à cette mission. C’est parfois d’ailleurs lui qui informe les mandataires financiers et les candidats, qui doivent connaître les textes !
Le mandataire financier et l’expert-comptable doivent constituer un véritable et solide duo car il n’est pas rare qu’ils doivent expliquer aux équipes de campagne que certaines dépenses sont susceptibles de ne pas être remboursées. Cette solidarité est indispensable car cette mission est assez risquée pour l’expert-comptable puisque rappelons que la sanction pour des comptes de campagne non conformes peut aller jusqu’à l’annulation de l’élection du candidat ou son inéligibilité. Or les experts-comptables ne sont pas assurés pour ce type de risques non financiers.
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Une réponse à “Présidentielle, Législatives 2022. Comment fonctionnent les comptes de campagne ?”
il a été dit que chaque candidat reçoit 800.000€ de l’état, je comprends pourquoi deux candidats trotskistes y participent chaque fois, les sous des adhérents ne suffisent pas à payer les permanents du parti