Bureaucratie française. Fin de l’abattement forfaitaire pour frais professionnels pour certaines professions ?

Les règles pour bénéficier de l’abattement forfaitaire pour frais professionnels se durcissent. Voici les conditions qui sont devenues incontournables afin de bénéficier de cette déduction spécifique pour frais professionnels, ainsi que les obligations de l’employeur et les conséquences de la fin de la tolérance de l’Urssaf en décembre 2022.

La déduction forfaitaire spécifique (DFS) consiste en un abattement de l’assiette des cotisations, entraînant une augmentation du net à payer du salarié. Cet abattement va de 5 % à 30 % selon les professions, dans la limite de 7 600 euros bruts par année civile et par salarié. Sont notamment visées, entre autres, les professions du BTP, les artistes, les journalistes et le personnel naviguant.

Comme l’indique le cabinet Walter France dans une analyse, l’application de la déduction forfaitaire spécifique ne peut cependant avoir pour conséquence pour chaque paie, de ramener l’assiette de calcul des cotisations en deçà de l’assiette minimum des cotisations.

Le salarié doit réellement supporter des frais professionnels

Dans la pratique, cette déduction « forfaitaire » portait bien son nom, les entreprises en faisant bénéficier leurs salariés sans trop examiner la réalité des frais réellement engagés par eux. Cette souplesse va prendre fin.

En effet, le principe général qui est rappelé par l’administration est que l’employeur ne peut désormais appliquer la DFS que s’il dispose des justificatifs démontrant que le salarié bénéficiaire supporte effectivement des frais professionnels. En l’absence de frais effectivement engagés par le salarié ou si l’employeur prend en charge ou rembourse la totalité des frais professionnels, il est impossible d’appliquer la DFS.

Pour laisser le temps aux entreprises de s’adapter, l’administration, fin 2021, a prolongé d’un an la tolérance relative à cette nouvelle doctrine, jusqu’au 31 décembre 2022, et a clarifié les conditions dans lesquelles le dispositif s’applique.

Les conditions pour bénéficier de l’abattement sont impératives et cumulatives

  • L’appartenance à une profession visée par la DFS : il s’agit bien d’un avantage statutaire et non sectoriel. Les bénéficiaires doivent donc appartenir aux catégories concernées par les dispositions.
  • L’employeur peut opter pour la DFS lorsqu’une convention ou un accord collectif du travail l’a explicitement prévue ou lorsque le comité social et économique a donné son accord. Dans ce cas, l’employeur pourra revoir son option en fin d’année au titre de l’année suivante.
  • A défaut, l’accord express du salarié est requis annuellement. L’employeur doit obtenir annuellement, par tout moyen, le consentement de ses salariés pour pouvoir appliquer la DFS. Cet accord ne peut donc plus être prévu au contrat de travail de manière définitive.

Les obligations de l’employeur sont strictes

  • A défaut de convention ou d’accord collectif ou de consultation favorable du CSE, il appartient désormais à l’employeur d’informer annuellement les salariés concernés et de leur demander leur accord écrit. Rappelons que les modalités de recueil du consentement des salariés prévues par le BOSS sont entrées en vigueur le 1er janvier 2022. Toutefois, en cas de contrôle relatif à des périodes courant jusqu’au 31 décembre 2022, l’organisme procédera uniquement à une demande de mise en conformité pour l’avenir, que l’employeur devra veiller à respecter.
  • L’employeur est toujours tenu d’informer les personnes concernées des conséquences de l’application de la DFS sur leurs droits. En effet, l’application de la déduction forfaitaire spécifique a des effets directs sur le net à payer – qui se trouve alors plus élevé que si la DFS n’était pas appliquée –, mais également sur les droits à la sécurité sociale (montant des indemnités journalières), au chômage, à la retraite et à la prévoyance qui sont, quant à eux, calculés sur la base du salaire abattu – les droits sont donc réduits –.
  • L’employeur doit disposer des justificatifs démontrant que le bénéficiaire supporte effectivement des frais professionnels, justificatifs qui devront impérativement être produits en cas de contrôle par les services de l’URSSAF ou de la MSA. A défaut, la DFS sera inapplicable.

La réintégration devra être effective à partir du 1er janvier 2023

Le principe général d’application de la déduction pour frais professionnels est que la base de calcul des cotisations est constituée par le montant global des rémunérations, indemnités, primes, gratifications y compris, le cas échéant, les indemnités versées au titre de remboursement de frais professionnels et les avantages en nature.

L’URSSAF et la MSA toléraient cependant le remboursement de certains frais sans réintégration dans les bases de cotisations sociales. Ces tolérances disparaîtront au 1er janvier 2023. Il s’agit notamment :

– De la prise en charge directe par l’employeur auprès d’un tiers (hôtelier, restaurateur, entreprise de taxi…) des frais du salarié en situation de déplacement professionnel (frais d’hébergement, frais de repas, frais de taxi…) ;

– Du remboursement des dépenses d’entretien des vêtements de travail ;

– Du remboursement des dépenses engagées par le salarié dans le cadre de sa participation, à la demande de son employeur et à titre exceptionnel, à des manifestations organisées dans le cadre de la politique commerciale de l’entreprise ;

– Du remboursement des dépenses engagées par le salarié ou prises en charge directement par l’employeur à l’occasion des repas d’affaires dûment justifiés (sauf abus manifeste).

 Toutefois, le cumul de la DFS et de la non réintégration de certains frais dans la base de cotisations sociales restera admis pour :

– La contribution patronale à l’acquisition des titres-restaurant dans la limite de 5,55 euros (valeur 2021) et lorsque le montant de la participation est compris entre 50 % et 60 % de la valeur du titre,

– La prise en charge obligatoire du coût des titres de transport des salariés d’Ile-de-France et 50 % de la charge totale ou partielle de l’abonnement mensuel par les employeurs de province.

Le principe de non-cumul connaît d’autres exceptions. Ainsi, par exemple pour les journalistes, les frais de taxi de nuit lorsque l’heure du déplacement ne permet plus l’utilisation des transports en commun, les frais de déplacement et de séjour du journaliste envoyé en mission, la part patronale des frais de dossiers de renouvellement de la carte d’identité professionnelle ne sont pas réintégrés dans la base de calcul des cotisations.

Des conséquences importantes pour les employeurs et les salariés

Ces dispositions ne seront pas sans conséquence pour l’employeur et pour les salariés concernés. La fin de la tolérance fin 2022 risque de conduire à :

– Un alourdissement du formalisme pour les entreprises avec la collecte annuelle des consentements des salariés et la récupération des justificatifs de frais professionnels exposés chaque mois par les salariés.

– Une fin possible du dispositif si les conditions de justification des frais exposées ne sont pas ou plus remplies. La fin de la tolérance représenterait alors un coût supplémentaire pour l’employeur si la DFS n’était plus appliquée, avec une augmentation significative de la masse salariale. Elle entraînerait également une perte de salaire net pour les salariés.

– En tout état de cause, une augmentation des charges sociales : il s’agira dorénavant de réintégrer dans la base de cotisations des frais professionnels qui ne l’étaient pas jusqu’au 31 décembre 2022, une telle réintégration entraînant parallèlement une diminution de l’allègement de cotisations patronales sur les bas salaires dit « Réduction FILLON ».

Les employeurs concernés devront donc impérativement anticiper, avant décembre 2022, les conséquences de la fin de cette tolérance, à moins que le dispositif soit révisé sous la pression de certaines branches professionnelles.

Crédit photo : DR

[cc] Breizh-info.com, 2022, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine

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