Si le jeune Flaubert fut un romantique échevelé, les romans de sa maturité dénoncent tant par le destin des héros que par une ironie dévastatrice les illusions romantiques, notamment sur le rêve de l’amour idéal et sur le sens de l’Histoire. C’est en réalité tout le XIXe siècle qui se trouve renvoyé à sa bêtise constitutive.
Au règne accablant de cette bêtise, Flaubert oppose la beauté du style, seule capable d’échapper à la trivialité. Flaubert, ou le salut par la littérature.
Gérard Gengembre est maître de conférences à l’Ecole Normale Supérieure de 1979 à 1994, professeur de littérature française à l’université de Caen de 1994 à 2009, professeur émérite depuis.
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2 réponses à “Flaubert, Madame Bovary, l’Éducation sentimentale et la liquidation du romantisme”
Forcément intéressant, puisque venant d’un expert ès Flaubert, cet exposé me paraît hors des clous quand il dit que « le jeune Flaubert fut un romantique échevelé ». Les Mémoires d’un fou sont une oeuvre de l’adolescence, période où l’on se cherche, et malgré cela il faut beaucoup de bonne volonté pour y voir du romantisme. Novembre commence certes comme une oeuvre romantique, mais le professeur Gengembre se focalise sur ce début, alors que la suite est fort peu romantique en réalité, et déjà marquée même par l’ironie flaubertienne. Les premières pages apparaissent plutôt comme un exercice de style d’un jeune auteur qui veut faire l’écrivain tel qu’on le conçoit de son temps, et puis son tempérament prend le dessus… Dès Novembre, le romantisme est de l’ordre du cliché, comme il est dit très justement à propos de Madame Bovary, mais Flaubert n’a peut-être pas encore pleinement conscience de son rejet radical. D’ailleurs, sauf erreur de ma part, il ne commente pas Novembre dans sa correspondance comme il le fait systématiquement pour ses oeuvres ultérieures.
Accessoirement, le jeu de mot sur Lucie de Lammermoor (l’amère mort) est grotesque. Lucie de Lammermoor a été un grand succès au théâtre au milieu du 19e siècle, il était assez logique de choisir cette référence pour montrer comment Emma se montait le bourrichon, mais rien ne permet de dire que cette mort spécifiquement préfigure celle d’Emma, Flaubert ne renvoie pas du tout à l’opéra, ne serait-ce que parce qu’Emma meurt seule.
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