Entretien avec l’écrivain ukrainien Andriy Voloshyn sur la guerre en Ukraine

Andriy Voloshyn est un écrivain, politologue et géopoliticien ukrainien auteur d’ouvrages disponibles en anglais qui vit à Kiev. Lionel Baland l’a interrogé pour Breizh-Info sur la situation actuelle dans son pays.

Comme pour tous les belligérants, ce point de vue ainsi que les faits rapportés sont à prendre avec des pincettes, chacun y allant souvent de son interprétation.

Breizh-info.com : Andriy Voloshyn, dans quelle ville vous trouvez-vous et quelle y est la situation ? 

Andriy Voloshyn : Bonjour, merci de votre intérêt. Je suis de Kiev. Pendant la guerre en cours, j’ai visité de nombreuses villes et villages. Maintenant, tout le pays vit sous la loi martiale, avec couvre-feu et limitations. La situation à Kiev est normale. Les Russes ont échoué à la fois à capturer la ville et à créer un siège autour d’elle. Cependant, non loin de Kiev, les affrontements se poursuivent et divers groupes sont actifs à l’intérieur et autour de la ville. Le point négatif est que Kiev est sous la menace constante des bombardements. Certains bâtiments ont été détruits et des civils sont morts. Mais comme vous le savez, d’autres villes ont été encore plus durement touchées et les cités voisines d’Hostomel et d’Irpin ont été presque complètement détruites.

Breizh-info.com : Que se passe-t-il dans les autres villes du pays ? 

Andriy Voloshyn : Dans les villes éloignées de la ligne de front, vous pouvez également ressentir la loi martiale en voyant les postes de contrôle, la défense territoriale et la police. Presque partout existent des problèmes de logement ainsi que des pénuries d’essence pour les voitures et de certains produits. De nombreuses entreprises ne fonctionnent pas, mais maintenant une idée populaire se répand, selon laquelle « si vous pouvez travailler, faites-le, car nous devons maintenir l’économie », de sorte que certaines entreprises fonctionnent, des cafés et librairies sont ouverts, la bière a été récemment autorisée dans certaines villes, dans des parcs les animations pour enfants ont commencé à réouvrir.

Dans les villes de première ligne, comme Kharkiv ou Soumy, la situation est mauvaise. Les Russes mènent un génocide. Ils frappent des bâtiments civils et tuent des civils. La pire situation est celle de certaines villes sous occupation. Les Russes volent dans les magasins et les maisons, humilient les gens, violent, tuent des enfants. Vous ne pouvez pas imaginer ce que ressentent les gens sous occupation : la peur et le désespoir. Il existe des communications audios des occupants publiées en ligne qui confirment de tels cas. La stratégie russe est d’apporter la terreur et la panique aux civils car les troupes d’invasion n’ont pas réalisé de grands progrès militaires.

Mais les bombardements se sont produits dans la majorité des grandes villes, y compris dans la partie occidentale de l’Ukraine, éloignée de la ligne de front.

Breizh-info.com : Quels semblent être les buts de guerre de la Russie ? Veut-elle annexer une partie de l’Ukraine ou l’ensemble du pays ou seulement changer le pouvoir en place en Ukraine ? Les Russes peuvent-ils maintenir sur le long terme leur présence en Ukraine ? 

Andriy Voloshyn : Il semble que le but de guerre russe soit de détruire l’Ukraine. Mais ils essayent aussi de « vendre » cette idée auprès de leur peuple et de leurs partisans à l’étranger, c’est pourquoi ils la présentent en tant que « démilitarisation et dénazification ». Ils prétendent qu’ils veulent seulement changer le pouvoir, et peut-être que l’objectif initial était de mener une guerre éclair, de mettre en place un gouvernement pro-russe et de faire capituler politiquement l’Ukraine. Mais après l’attaque, la majorité des politiciens ukrainiens pro-russes se sont tus ou ont rejoint la lutte contre les envahisseurs.

Breizh-info.com : Face à l’invasion russe, la population ukrainienne de langue russe et celle de la langue ukrainienne réagit-elle différemment ? 

Andriy Voloshyn : Ils ont réagi de la même manière, en s’opposant fortement aux envahisseurs russes. Il s’agit d’une des anciennes tentatives de propagande russe pour essayer de diviser l’Ukraine par la langue et de tenter de fabriquer un mythe selon lequel la langue russe est opprimée. La grande majorité des gens qui sympathisaient encore avec la Russie ont commencé à la détester. Même la fraction pro-russe du parlement a signé contre l’invasion russe, et un seul député fou a accueilli les envahisseurs. Il a été expulsé du groupe parlementaire et, plus tard, a vu l’annulation de son mandat être voté par tout le monde. Aujourd’hui, l’Ukraine est unie comme jamais auparavant. De plus en plus de personnes passent du russe à l’ukrainien dans leur communication quotidienne.

Breizh-info.com : De nombreuses personnes ont quitté l’Ukraine pour se réfugier au sein de l’Union Européenne ? De quelles parties de l’Ukraine proviennent ces réfugiés ? Qui sont-ils ? 

Andriy Voloshyn : Pour l’instant, 3 millions de personnes ou plus ont quitté le pays. Les réfugiés viennent de partout, mais je pense, en pourcentage, plus des villes qui sont les plus proches de la ligne de front. Comme je l’ai déjà mentionné, même des régions d’Ukraine éloignées de la Russie ont été bombardées. Ainsi, des personnes particulièrement prudentes en matière de sécurité ne peuvent se sentir à l’abri nulle part dans le pays. Les réfugiés sont principalement des femmes et des enfants, car les hommes de 18 à 60 ans ne peuvent pas quitter le pays conformément à la loi martiale. Une fois à l’étranger, la plupart des réfugiés continuent de faire quelque chose d’utile pour l’Ukraine et prévoient de revenir après la victoire ukrainienne.

Breizh-info.com : Parmi les combattants ukrainiens, les femmes sont-elles nombreuses ? 

Andriy Voloshyn : Oui, environ 15% dans l’armée. Certaines femmes font preuve d’un grand héroïsme et surtout il y a beaucoup de femmes qui sont des bénévoles très efficaces et dignes de confiance.

Breizh Info : Outre l’armée ukrainienne, des volontaires étrangers combattent du côté ukrainien. Qui sont-ils ? 

Andriy Voloshyn : Ils sont de partout dans le monde. Certains viennent de France et de la Légion étrangère. Beaucoup de ces volontaires comprennent qu’ils se battent non seulement pour la liberté de l’Ukraine mais aussi pour la civilisation contre les hordes du mal – ou orcs, une autre définition populaire des Russes –.

Breizh-info.com : La situation à Marioupol est-elle désespérée ? 

Andriy Voloshyn : La situation à Marioupol est très difficile. La ville a été détruite, de nombreux civils y ont été coincés et n’ont pas pu en sortir. Ce que font les Russes là-bas peut être qualifié de génocide. Le monde a été secoué quand les Russes ont spécifiquement bombardé le théâtre où les gens se cachaient à l’abri et où était affiché « enfants ». Les Russes ont délibérément ciblé des civils et le monde entier n’oubliera pas ce crime et d’autres similaires.

Le bataillon Azov se bat glorieusement pour défendre Marioupol. Il y a toujours un espoir. Je ne suis pas en mesure de commenter la situation d’un point de vue militaire, mais je vous conseille, à vous et à vos lecteurs, de suivre les sources officielles et confirmées, car les Russes mentent toujours dans leurs médias.

Breizh-info.com : Comment se déroule l’occupation d’une partie du pays par les Russes ? Comment réagit la population locale ? 

Andriy Voloshyn : Seule une petite partie du pays est occupée. Et si, au vu des cartes, les Russes ont mis principalement la main sur les routes, il leur est difficile de contrôler les villes. L’un de leurs principaux objectifs, consistant à occuper Kiev, n’est pas atteint. L’occupation n’est que temporaire, mais là où elle a lieu, la situation est très mauvaise. Ils tuent des civils sans raison. Ce qu’ils font est vraiment un crime contre l’humanité.

La population locale a réagi par des protestations et une forte opposition, visibles sur plusieurs vidéos montrant des personnes non armées venues résister aux chars, ainsi que par des mouvements de résistance. Parfois, les Russes essaient de mettre en scène des accueils chaleureux, mais ils perdent aussi la guerre de l’information car personne ne croit leurs fausses nouvelles – enfin, peut-être à part certains Russes qui regardent encore la télévision à la maison –. Une version a vu le jour selon laquelle Vladimir Poutine n’a pas été informé correctement, selon laquelle il a pensé que ce serait comme en Crimée en 2014, mais nulle part les Russes n’ont été chaleureusement accueillis et le nombre de traîtres est minime.

Breizh-info.com : Comment envisagez-vous la suite du conflit ? 

Andriy Voloshyn : Ce n’est pas un conflit, c’est la guerre. Comme nous nous en souvenons, Carl von Clausewitz a dit que la guerre est la continuation de la politique par d’autres moyens. Les négociations politiques et diplomatiques se poursuivent et il semble que les Russes réduisent leurs exigences. Les Russes peuvent encore arrêter la guerre et repartir et, plus tôt ils le feront, mieux ce sera car cela sauvera des vies. Mais cela peut prendre des semaines ou même plus. De toute évidence, après tant de souffrances, après un tel héroïsme de la part de l’armée et du peuple ukrainiens, l’Ukraine ne peut pas s’entendre sur une mauvaise clause – ce qui est la proposition originale de la Russie –. L’effet à plus long terme de cette guerre pourrait être la destruction de l’économie russe et la désintégration de la Russie en tant que pays. Et l’Ukraine deviendra encore plus forte et indépendante.

Propos recueillis par Lionel Baland.

Illustrations  : DR
[cc] Breizh-info.com, 2022, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine

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9 réponses à “Entretien avec l’écrivain ukrainien Andriy Voloshyn sur la guerre en Ukraine”

  1. Cheunbaba dit :

    Si c’est pas du fanatisme. Pas mal d’Ukrainiens sont passés à l’ouest comme qui dirait…

  2. Bernard WAYMEL dit :

    Propagande inutile, on a déjà cela dans nos médias de grand chemin.

  3. Gilles dit :

    Bon ce type est sous contrôle; s’il dit autre chose que la propagande occidental, il est mort

  4. Michel dit :

    Je voulais dire qu’il a trop regardé la télé ukrainienne mais il se peut que Gilles, ci-dessus, ait raison.
    En tous cas – je n’ai pas tout lu -, je pense qu’on peut tout ou presque comprendre à l’envers, ce que cet écrivain fait peut-être exprès tellement c’est gros…

  5. patphil dit :

    propagande dit il, mais ici on n’a que la propagande ukrainienne! et les journaleux ne vérifient aucune info , parfois au bout d’une semaine quelques uns rectifient mais si peu…

  6. Jaimito dit :

    J’ai arrêté la lecture assez rapidement. Exactement quand il dit que quelque soit leur langue usuelle les habitants de l’Ukraine ont réagi contre l’invasion.
    Je crois que l’auteur n’a jamais mis les pieds dans le Donbass, ni à Marioupol, où les milices Azov empêchent ses habitants à quitter la ville.

  7. dulci dit :

    Je croyais que tous les ukrainiens en âge de se battre étaient enrôlés dans l’armée… Pourquoi ne se bat-il pas, alors, pour défendre son pays et attend-il les mercenaires étrangers… Etrange !

  8. Regine dit :

    De la propagande ukrainienne que ne désavouerait pas Zelinski, le pianiste à queue. Quid des populations du Donbass bombardées – au mépris des accords de Minsk ? Ah oui, répond notre propagandiste prétendument géopoliticien, ils sont devenus pro-ukrainiens ! Je suppose que pour la circonstance, l’Etat ukrainien leur a accordé le droit de parler en russe ? Même pas, nous dit imperturbable, le même : mus par le patriotisme ukrainien, ils rejettent le russe avec horreur. Faudrait pas nous prendre pour des buses !
    Je suggère aux lecteurs, la réinfo de Riposte laïque et les articles de Boris Karpov.

  9. cendu dit :

    Propos, trop excessifs pour être crédibles, démentis par des journalistes européens sur place qui, en outre, témoignent, vidéo à l’appui, des bombardements des populations civiles du Donbass par Kiev depuis 8 ans dans l’indifférence de l’occident (qui a pourtant signé les 13 points des accords de Minsk en 2015 et qui ne les a jamais fait respectés par Kiev).
    Mais il faut un VPN pour accéder à d’autres informations que celle 100% anti russes que l’on nous serine tous les jours. Rien que le fait que le point de vue russe soit interdit et systématiquement censuré en Europe est on ne peu plus louche.

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