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Avec Rush, signé Julien Ruzé, la France du hooliganisme a trouvé son John King [Interview]

On l’avait quitté après son premier ouvrage intitulé Rock’N’Ball. Julien Ruzé est de retour avec la suite, intitulée « Rush », édité par les éditions (à soutenir) Auda Isarn.

Voici comment le livre est présenté : 

« Le hooliganisme est une passion dévorante pour Nicolas. Il s’est choisi une famille, à la vie à la mort : celle qui tisse des liens que rien ne distend, ni le temps, ni l’éloignement géographique, ni les responsabilités que confère la paternité.

En marge des matchs de football, les rixes violentes entre bandes rivales ne sont pas rares. Lorsque Gilles, le leader de la bande, est victime d’un lâche guet-apens, le séisme est tel que seule une terrible vengeance pourra éteindre la rage provoquée dans les cœurs et les esprits de ses compagnons de route.

Rush est une plongée furieuse dans un univers méconnu et sombre, une quête d’adrénaline sur fond de contre-culture à fort accent britannique et de musique électronique ravageuse.

Des coursives bétonnées des stades à l’arrière-salle d’un troquet, de la fosse bouillonnante du Bataclan à une forêt domaniale de la Marne, c’est une histoire singulière et rythmée, au langage cru et direct, qui ne laissera aucun lecteur indifférent »

Quelques bandes de hooligans anglais aimaient à dire « Qu’importe que l’on parle de nous en bien ou en mal, du moment qu’on parle de nous ». Et là, avec Rush, c’est clair que nous allons parler en bien, en très bien même, de Julien Ruzé. La plume est talentueuse. L’histoire, teintée d’une part d’autobiographie et de moments vécus, est particulièrement prenante. Elle devrait d’ailleurs inciter les lecteurs à se procurer le premier opus, qui lui est lié.

Le roman témoigne d’une passion viscérale, loin d’être anodine, mais aussi d’une jeunesse rebelle, et puis d’une forme d’âge de raison qui, un jour ou l’autre également, finit par rattraper y compris les plus radicaux… ce qui ne signifie pas qu’à tout moment, la bascule ne redevienne pas possible.

Quand on a vécu, dans le milieu underground du football, ce que 98% des individus sur cette planète ne vivront sans doute jamais, on replonge très facilement… mais nous ne spoilerons pas le livre, qu’il vous faut acquérir. « Drug is Football » chante d’ailleurs le groupe Vanilla Muffins, groupe prisé des hooligans et autres casuals. Y compris lorsque des drames, qui font basculer une vie ou qui en détruisent d’autres, surviennent.

Avec Rush, de Julien Ruzé, la France du hooliganisme a peut être trouvé son John King. Histoire, y compris loin des poings et de la rue, avec des mots et de la littérature cette fois-ci, de coller une bonne branlée, une fois de plus diront les plus arrogants, aux loyaux sujets de sa Majesté !

Et vous savez quoi ? Pour achever de vous convaincre de vous procurer ce livre qui sent bon le hooliganisme, la violence, la bière, la drogue, la camaraderie, la fidélité, l’amitié et globalement, l’évolution d’un jeune homme de la génération 84 dans une société qui se transforme, nous avons interviewé Julien Ruzé en ce dimanche.

Parce que comme beuglerait sans doute debout dans un pub bondé de Newcastle ce vieux et gros Brit édenté et pinte à la main, dans ce qui relève plus de la mastication que de la tentative de se faire comprendre, « zisisoondizisisfookinfutbalmayt »

Traduction pour les néophytes : « This is sunday, this is fuckin football mate !».

Pour commander Rush, c’est ici

Breizh-info.com : Pouvez vous vous présenter à nos lecteurs ?

Julien Ruzé : J’ai 37 ans, ancien membre de la tribune Boulogne, observateur de ce monde en déliquescence et, pour la petite anecdote, lecteur de votre site Breizh-Info depuis son lancement.

Breizh-info.com : Avec Rush, vous replongez (quelques années après Rock n Ball) dans l’univers du hooliganisme parisien. Où s’arrête la fiction, où commence la réalité de ce que vous décrivez ?

Julien Ruzé : Pour écrire sur cette thématique particulière, deux choix s’offraient à moi. L’autobiographie qui est -selon moi – un choix égocentré et inadapté ou la voie du roman. J’ai opté concernant Rock’n’Ball, pour une forme de troisième voie, un entre-deux, laissant planer le doute concernant la réalité vécue et la part de fiction totalement inventée. J’ai construit ce livre autour de cette forme d’ambivalence et l’annonçais dans l’avant-propos. Ce choix m’a évidemment permis une plus grande liberté de ton tout en évitant de m’exposer bêtement ainsi que des amis encore actifs. Après tout, rien d’original, car beaucoup d’auteurs agissent de la sorte afin de créer un univers, décrire des situations et modéliser des personnages. Le vécu est une source d’inspiration inépuisable.

De plus, le fait d’évoquer un mouvement que je connaissais de l’intérieur ne pouvait que donner plus de crédit au récit et une bien plus grande intensité. Il y a une différence majeure entre un écrivain « spectateur » décrivant un événement violent ou un écrivain « acteur » de ce même événement violent le décrivant de l’intérieur. Quant à savoir où commence le vrai du faux dans ces livres, mes proches le reconnaîtront, comme ils se reconnaîtront dans des personnages, des phrases déjà entendues, dans des anecdotes réellement vécues. Le lecteur s’interrogera sûrement, mais il comprendra vite que le quotidien de cette bande parisienne « fictive » pourrait très bien être le leur : l’amitié, les discussions au bar, la drague, la violence, la solidarité, l’animosité, les craintes… toutes ces choses sont finalement des réalités palpables.

Breizh-info.com : Quelles sont vos influences littéraires ? On sent chez vous un vocabulaire, et une façon d’écrire, pas courante du tout. Avez-vous été influencé par les écrits de John King ?

Depuis gamin, je lis toute sorte de livre. De Tolkien à Frison-Roche, de Stephen King à John King, d’Irvine Welsh à Bret Easton Ellis, de Dominique Venner au Comité Invisible, de Sylvain Tesson à Jean Raspail, de Jack London à Jack Kerouac… Je dirais que mes lectures sont assez hétéroclites en soi. Évidemment et rien de surprenant, j’ai lu John King étant plus jeune et j’ai beaucoup aimé Football Factory. Il faut dire que la littérature autour de cette scène « underground » qu’est le hooliganisme était – et est encore – plus que rare en France. Cela explique en partie que John King reste LA référence. Je me souviens encore, quelle joie de lire un ouvrage parlant enfin de notre scène, de nos ressentis, de nos passions et de nos pulsions. Ensuite, j’ai également dévoré et adoré son livre La meute puis un peu moins Aux couleurs de l’Angleterre. Mais cette influence sur ma propre écriture reste marginale, peut-être hormis dans le style direct et sans concession que l’on peut retrouver chez King, Welsh et bien d’autres. Heureusement, j’ai lu ces livres bien longtemps avant de commencer à rédiger mon premier roman, ce qui m’a empêché de tomber dans leurs ornières.

Breizh-info.com : Votre livre montre l’évolution y compris du milieu du hooliganisme, avec le déplacement des combats urbains vers les free fight en forêt, mais aussi l’adaptation de la réponse policière (drones, surveillances, pointages…). Finalement, qu’est ce qui rassemble les hooligans de votre premier livre, et ceux qui se donnent rendez-vous pour se bagarrer en forêt, à la fin du deuxième ?

Julien Ruzé : Chaque génération a la critique facile face à la génération d’après qui évolue avec son temps, qui modernise une scène ou la chamboule intégralement. C’est humain et c’est commun à tous les groupes sociaux, familiaux ou autres. Le monde des tribunes n’est pas épargné par ce phénomène. Évidemment, le mouvement hooligan a subi de multiples évolutions et mutations depuis ses origines. C’est intimement lié à la propre évolution de la police/justice et de leur méthode afin d’endiguer et d’éradiquer ces violences. Par la force des choses, celles-ci se sont éloignées des stades (et donc des regards) pour éclater dans des lieux improbables. Dans Rock’n’Ball, l’évolution était déjà en cours même si la violence éclatait encore en marge d’un match de football. Dans RUSH, il m’a semblé intéressant de montrer cette transition générationnelle tout en soulignant cet éloignement hors des stades. Car malgré de forts changements de cette scène hooligan, ce qui les rassemble : l’honneur, la recherche d’adrénaline, la fidélité à leur groupe/tribune, la défense de leur ville, l’amitié chevillé au corps sont identiques.

Breizh-info.com : La question de la drogue est par ailleurs particulièrement présente dans votre ouvrage (tout comme dans le précédent). Comment expliquez-vous l’explosion de ce phénomène, y compris dans cette mouvance ?

La drogue fait, hélas, partie de beaucoup (trop) de quotidiens, qu’elle soit d’ordre légal ou illégal par ailleurs. Le monde des tribunes et des supporters extrêmes ne sont évidemment pas épargnés par ce phénomène. Une addiction se greffe à une autre et aboutit parfois à des drames. Comme pour beaucoup d’autres milieux sociaux, ça commence souvent par imitations, pour tester, pour faire la fête ou se donner un peu plus de courage dans une situation stressante. Puis l’exception devient banalisation. À mon petit niveau, je souhaitais retranscrire factuellement cet état de fait comme moi-même, j’ai pu le voir ou vivre, avec ces consommateurs ou ces antidrogue qui se retrouvent parfois au sein d’une même bande d’amis.

Breizh-info.com : Pourquoi ce saut en avant de 10 ans en plein milieu de votre livre. N’est-ce pas un peu déstabilisant pour le lecteur ? 

Julien Ruzé : C’est un clin d’œil appuyé à cette décennie séparant Rock’n’Ball de RUSH. De plus, dans ce premier ouvrage, il y avait déjà des sauts temporels entre chapitres. Pour RUSH, ce saut s’effectue en une seule fois. Ça m’a permis de faire évoluer le narrateur, de lui faire observer le monde, son monde avec ce recul intéressant lié à l’âge, tout en faisant briller son œil de cette étincelle nommée nostalgie.

Puis entre nous, dix ans sont si vite passés. Parfois, en regardant derrière moi, j’ai même l’impression que ça passe aussi vite qu’une page que l’on tourne (encore plus avec des enfants).

Breizh-info.com : L’Angleterre est un pays dont vous semblez tirer de l’influence, notamment musicale, dans votre bouquin. Que pouvez-vous nous dire là dessus ?

Julien Ruzé : Dès sa création, mon Kop fut particulièrement influencé par l’Angleterre. Tout ou presque chez eux servait de sources d’inspiration : ses clubs de football, ses kops passionnés, ses fans turbulents et fidèles, sa contre-culture riche et ses codes tribaux. Une grande partie fut vite adoptée dans ce coin du Parc des Princes. Ma génération de tribunes a continué de regarder en direction de la Perfide Albion, que ce soit par intérêt pour son football, ses modes ou de sa musique. J’ai été, comme pas mal d’amis, biberonné par ce revival du rock indépendant britannique/britpop avec des groupes tels Oasis, Kasabian, Arctic Monkeys, Hard-Fi, Milburn, The Rifles ou encore Kaiser Chiefs. Sans oublier, par la réécoute des classiques tels les Smiths, Stones Roses ou encore Joy Division, pour ne citer qu’eux.

De plus, j’ai eu la chance de grandir sur l’Île-de-France et donc de vivre dans un périmètre où l’on trouve de très nombreuses salles de concerts. Celles-ci attiraient plein de groupes et artistes que l’on adorait. Cette facilité d’accès à la culture en général, et ce style musical en particulier, nous influencèrent très certainement. Je me souviens que certaines semaines, l’on pouvait se faire un concert en semaine tout en enchaînant un week-end de fureur au stade. C’était fantastique !

Dans mon premier ouvrage, je voulais montrer à mes lecteurs, l’importance de la musique dans le quotidien du narrateur et de sa bande d’amis hooligans comme cela l’avait été pour moi et mes amis. J’allais même jusqu’à intégrer le récit d’un concert du groupe The Rifles dans l’un des chapitres. Pour RUSH, le lecteur retrouvera cette influence musicale britannique bien prégnante, même si la palette s’élargit avec des clins d’œil aussi bien à l’Infanterie Sauvage qu’à Oasis ou de Daniel Darc à Kasabian. D’ailleurs, une fois de plus, le lecteur vivra, à travers ces pages, un concert bien rythmé et animé !

Breizh-info.com : Vous êtes, comme moi, de la Génération 1984. Avez-vous la sensation que nos générations actuelles sont en train de vivre un basculement important dans l’Histoire avec un grand H ?

Julien Ruzé : Évidement, ce n’est même plus une sensation, mais une réalité tangible. Même si ces chamboulements, ont débuté il y a bien longtemps, ces deux dernières années ont connu une sacrée accélération de ce processus de basculement anthropologique. Que ce soit par le « grand » remplacement de nos populations européennes ou la mise en place d’un crédit social à la chinoise … Le monde prend une direction effrayante et nous avons le sentiment de n’avoir aucune prise sur cet horrible cycle.

Ceci dit, que nous reste-t-il ou que doit-on faire ? Râler encore et toujours sur des réseaux sociaux chronophages où règnent la censure et la bêtise ? Pleurer, abandonner et baisser les bras, faire le dos rond et attendre ? Je n’en sais rien.

Néanmoins, et même si, comme tout le monde, il m’arrive d’être sujet au pessimisme en imaginant l’avenir (notamment de mes enfants), je reste persuadé que l’on ne doit pas rester impassible et inactif. Soyons peut-être un peu moins spectateur et plus souvent acteur de nos vies. Je crois que l’on se doit de créer, avec panache si possible. Nous devons produire et façonner des livres, des films, des sites Internet, des entreprises, des applications, des bande-dessinés, des peintures, des chansons, des œuvres ou que sais-je encore. À notre petit niveau, nous ne changerons évidemment pas le monde, mais toutes ces créations, nous aideront à le rendre plus digeste, plus supportable et qui sait, d’avoir un peu de prise sur le réel.

Breizh-info.com : Avez-vous d’autres projets en cours, en termes d’écriture ?

Julien Ruzé : À l’heure où j’écris ces lignes, je finalise – avec deux amis – la mise en page d’un recueil assez imposant de témoignages d’anciens membres du Kop de Boulogne, tribune mythique du Parc des Princes. Après environ trois ans de travail, nous approchons de sa conclusion et de son autoédition. C’est excitant et très stressant. Une fois ce projet terminé, j’espère retrouver un nouveau projet et une nouvelle source d’inspiration. J’ose espérer ne pas mettre encore dix ans avant de publier un nouvel ouvrage, mais bon « wait and see » comme diraient nos amis d’Outre-manche.

Propos recueillis par YV

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PSG. Le Kop Of Boulogne (KOB), « une tribune à forte identité où régnait une franche radicalité » [Interview]

Crédit photo : DR

[cc] Breizh-info.com, 2022, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine

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