Au Gros Jarret : il faudra oublier ce nom. Non que l’adresse ne soit pas recommandable – elle l’est. Mais le restaurant va être rebaptisé La Cantine Jamin. (Quelle idée, tout de même, quand le mot « cantine » a été si galvaudé ces dernières années par la pitoyable Cantine du Voyage…) Du moins pourra-t-on le localiser aisément, 34 rue Léon-Jamin à Nantes, à deux pas de l’église Saint-Similien.
Le changement a une autre raison : Au Gros Jarret est une enseigne qui trompe son monde. Nous ne sommes pas du tout dans une rôtisserie de cochonnailles pour ogres affamés. Le jarret éponyme, à la flatteuse réputation, n’est pas servi tous les jours ; en revanche, les végétariens y trouveront toujours une solution. Une seule, car la carte est courte : la maison, qui travaille des produits frais, bio, s’adapte à l’actualité vivrière.
En entrée, nous avons pu choisir entre d’une part le tartare de bœuf, chou rouge et crème crue à l’orange, d’autre part l’endive rôtie crème d’échalote et pomme. Étonnant, non ? Et très réussi : aucun convive n’a regretté de n’avoir pas fait plutôt l’autre choix ! La fraîcheur et la saveur des produits naturels, sans le moindre additif, s’expriment franchement dans l’assiette. C’est loyal et harmonieux.
Venaient ensuite un merlu à la plancha sauce blanche et pomme de terre au four ou un velouté de panais œuf poché aux légumes de saison. Des plats tout simples a priori, auxquels un usage subtil des épices confère une touche d’originalité discrète. En dessert, siphon au miel avec glace aux épices ou crème brûlée au rhum. Là encore, l’exécution est sans reproche, à un bémol près : la crème brûlée est servie froide, comme presque partout de nos jours.
Le chef, Mathieu, ingénieur béton armé, a réussi une reconversion inattendue ; avant d’ouvrir Le Gros Jarret, il est passé par Imagine, un restaurant estimé du quartier Graslin à Nantes. Il a des convictions fortes et les expose avec la sincérité qu’il met aussi dans ses assiettes. « La consommation de viande industrielle est une catastrophe écologique », dit-il. Chez lui, pas non plus de ce tofu lourdingue ou de ces avocats venus par avion d’Amérique du Sud qui s’étalent sans vergogne sur tant de cartes végétariennes. Le Gros Jarret se fournit en direct auprès d’un petit nombre d’artisans et de producteurs locaux. Même ses shiitakés bio viennent en voisins de la chapelle du Martray, une champignonnière urbaine à 50 m de là !
Si le jarret est gros, la salle est petite, une vingtaine de couverts ; son décor, totalement basique, ne détourne pas l’attention de l’assiette. Les vins pas davantage, ce qui est plus dommage. Faute d’une vraie cave, le choix est très limité (deux blancs, trois rouges…) et pas forcément enthousiasmant. Le muscadet des Coteaux de la Loire, seulement passable, ne rend pas justice à la qualité de l’assiette. Une bonne surprise quand même en rouge : un abouriou du Haut-Planty (domaine Couillaud, Le Landreau) au label AB, fruité et tanique, qui réveille de belle manière ce cépage rustique. Des bières de petits producteurs sont aussi proposées.
Le service est souriant et rondement mené. Les prix (18 euros la formule du midi) sont raisonnables compte tenu de la qualité des produits et de l’habileté du chef.
Geo Le Ster
Au Gros Jarret, 34 rue Léon-Jamin, 44000 Nantes. Site web : https://www.facebook.com/augrosjarret44/Tél. 09 83 58 05 58.
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