Ma génération est consternante.
Car les jeunes de ma génération sont tous des non-binaires à pattes jaunes. Leurs soirées, leurs réunions ne tournent qu’autour de ça. Le trou de balle de Camille-e et la « masect' » de Chloé-e. Le conformisme bourgeois mais à l’envers. Et quand je dis à l’envers…
D’ailleurs, les hommes de ma génération ressemblent tous à Benjamin Ledig. A Carrefour city, vous ne les retrouvez plus au rayon bricolage mais au rayon maquillage.
Il y a 50 ans, les jeunes idéalistes voulaient partir en Amérique du Sud sur les traces du Che. Lutter les armes à la main pour arriver à la Havane en héros. Fantasme de la Révolution Mondiale et des tropiques. La Gauche c’était ça. Elle y aurait été à la nage à Caracas ! Aujourd’hui le fantasme des mecs de ma génération est de danser en croptop dans une église. Et d’aller au repas de Noël fardé comme une pute descendant d’un cargo panaméen.
Des générations entières ont grandi dans le mythe de la France résistante, du tonton du maquis de Saint-Marcel ou de Huelgoat qui repoussèrent l’ennemi avec des vieux tromblons et Radio Londres en fond sonore. Ma génération, elle, veut accueillir l’ennemi. Et lui ouvrir ses cuisses. Paris en 44 c’était « chacun son boche », Rennes en 22, c’est « chacun son migrant ». Mais dans son lit de préférence. Avec Youssoupha ou Kaaris en boucle sur les JBL Blue Tooth.
Ma génération est obsédée par la race et la culpabilité de l’homme blanc mais ne connaît comme immigré que le livreur de Uber Eats qui vient lui livrer ses sushis. Et encore, quand celui-ci a 5mn de retard ma génération laisse une appréciation dégueulasse sur Google.
Ma génération veut sauver la planète. Et elle s’y emploie ! Elle trie bien ses canettes de Monster dans la poubelle jaune et attend que Sandrine Rousseau soit présidente de la République. En attendant elle joue aux jeux vidéos. Et partage des photos d’elle-même sur Instagram. Des tonnes de photos d’elle-même. Des monceaux de photo d’elle-même. Me, My and Myself ! Ma nouvelle coiffure. Ma nouvelle veste. Moi. Regardez moi.
Ma génération dit tout ça dans un mélange de français et d’anglais. Car ma génération ne sait pas parler anglais mais trouve vachement « cool » de mettre les mots qu’elle connaît dans ses textes où elle parle d’elle. Souvent ça ne veut un peu rien dire, mais du moment que c’est « cute »… Ma génération est fascinée par l’anglais mais il ne faut pas la larguer au milieu de Brooklyn.
Ma génération est conformiste. Ultra-conformiste. Tetra conformiste. Navrante. Nombriliste. Minable. on se foutra de ma génération durant au moins 1000 ans. Et ce sera tant mieux !
Anne-Sophie Hamon
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8 réponses à “Lettre à ma génération…[L’Agora]”
Excellentissime, quel brio, tout est dit et bien dit !!!!
magnifique !!!!! imaginez à 75 ans ce que je pense de cette gérération, une horreur :-(
Bonjour, C’est la fille de Benoit? sa sœur? Son épouse? En tout cas c’est bien vu!
« A chaque Parisien son boche » à la une de l’Huma, c’était une approche particulière de l’internationalisme prolétarien. Surtout après avoir été pronazi sans l’être, tout en l’étant.
Le texte est truculent …mais hélas trop près de la vérité …on passe du rire à la consternation …!!!
Merci quand même !
Cette lettre est sévère, mais je comprends que les femmes d’aujourd’hui ne soient pas satisfaites de beaucoup d’hommes d’aujourd’hui. On en a fait des papa poules (quasiment des mamans) uniquement préoccupées par la précaution (peur de tout) et la consommation (changement d’iPhone chaque année, vacances onéreuses, etc.).
C’est triste.
Hélas… ma chère Anne-Sophie, il n’y a pas que « votre » génération ( quelle qu’elle soit ! ) qui correspond au portrait que vous en faites si brillamment…. et que j’ai lu avec un bien grand plaisir ! Merci à vous !
Mais non, Anne-Sophie, on ne se foutra pas de votre génération pendant mille ans ! Croire ça, c’est encore sacrifier à son nombrilisme adulescent ! Elle disparaîtra, comme celle de ses parents, dans les poubelles de l’histoire. A moins que… A moins que, touchant enfin le fond, vous vous souveniez que vous êtes les arrière-petits-enfants des vainqueurs de Verdun, les descendants en ligne droite des bâtisseurs de cathédrales, les héritiers de grands scientifiques et d’immenses artistes. Vous mettez beaucoup d’énergie et de créativité dans vos selfies et vos menées autodestructrices ; peut-être finirez-vous par leur trouver un meilleur usage.