A l’occasion de la 58ème édition du Salon International de l’Agriculture, Terre de Liens publie un rapport sur l’état des terres agricoles en France et tire la sonnette d’alarme.
Alors qu’au moins 25% des agriculteurs partiront à la retraite d’ici 10 ans, 5 millions d’hectares de terres, soit près de 20% de la surface agricole française, vont changer de main. Si ces millions d’hectares représentent une opportunité unique de réorienter notre modèle agricole aujourd’hui malmené et décrit dans les derniers chiffres du recensement agricole, ils constituent aussi le risque de voir s’accélérer les dynamiques de disparition des terres et des paysans aujourd’hui à l’œuvre à travers ce qui pourrait être un nouveau plan social agricole.
Sous le béton, des terres agricoles
Avec 52% du territoire national recouverte par les terres agricoles (72% en 1950) et la plus grande surface agricole de l’Union Européenne, pourquoi crier à l’urgence de stopper l’artificialisation des terres en France ? La réponse tient en quelques mots. Si les rythmes de l’artificialisation varient, depuis plusieurs décennies en France, la dynamique d’artificialisation est constante.
Premières victimes de ce phénomène, entre 2006 et 2014, les deux tiers de l’artificialisation se sont effectués aux dépens de terres agricoles. Chaque année, c’est ainsi une surface permettant de nourrir une ville comme Le Havre qui est perdue. L’artificialisation concerne le plus souvent des terres périurbaines présentant de bonnes caractéristiques agricoles et disposant de réserves utiles en eau. Et quand elles ne sont pas (encore) coulées dans le béton, ces terres font l’objet d’une spéculation continue dans l’attente de leur devenir “constructible”. Dans certains départements comme le Var, le potentiel de terres agricoles aujourd’hui non cultivées est estimé à 32 700 Hectares, soit 45% de la surface agricole utile du département.
Concentration des terres et renouvellement des générations, les deux faces d’une même pièce
Dans un mouvement parallèle tout aussi inquiétant, aujourd’hui en France, les terres agricoles se concentrent en un nombre toujours plus faible de fermes. Entre 1988 et 2020, la surface moyenne des fermes françaises est ainsi passée de 24 à 69 hectares tandis qu’1.9 million de fermes ont disparu depuis 1955. Derrière ces 69 hectares, qualifiés de taille humaine par le Ministre de l’Agriculture, se cache une réalité autrement plus alarmante : les grandes exploitations d’une surface moyenne de 136 hectares (190 terrains de foot), quasi inexistantes il y a 60 ans, représentent aujourd’hui 1 ferme sur 5 et couvrent 40 % du territoire agricole métropolitain.
Destruction de la main d’œuvre familiale, industrialisation de la production, recours à la sous-traitance et au numérique, mal-être des agriculteurs, la concentration des terres pousse à des logiques destructrices. Mais au-delà de ces conséquences néfastes pour nos agriculteurs et nos assiettes, c’est le renouvellement des générations paysannes qui est en jeu. Aujourd’hui en France, ⅔ des terres libérées partent à l’agrandissement de fermes existantes et ne profitent pas à de nouvelles installations. Pour les candidat·es à l’installation dont 60% sont des personnes non issues du milieu agricole, accéder à la terre relève alors du parcours du combattant. Faiblesse des capitaux face à des fermes devenues trop grandes pour être reprises ; absence d’ancrage local dans un monde agricole dominé par la force des réseaux et l’existence d’un marché “souterrain” de la terre ; inadéquation entre des aspirations environnementales et sociétales et la réalité des fermes françaises le plus souvent construites sur un modèle productiviste, tous les ingrédients sont aujourd’hui réunis pour que le renouvellement des générations d’agriculteurs soit à l’arrêt. Pour maintenir le nombre actuel d’agriculteurs, il faudrait un taux de remplacement minimal de 100%. Il est depuis 2015 autour de 65%.
Une pincée de terres françaises dans nos assiettes
Derrière ces terres, leur disparition progressive, leur mauvais usage et l’absence de partage, ce sont nos assiettes qui se dessinent. En France, en 60 ans, la surface agricole par habitant a baissé de 56%. La part produite sur notre territoire pour l’alimentation de chaque français repose aujourd’hui sur 44 ares. Elle se réduira à 35 ares en 2050 si les tendances se poursuivent. Monocultures, productions tournées vers l’exportation, concurrence des usages…les choix politiques en matière d’usage des terres ont progressivement rendu la France largement dépendante de ses pays voisins. Aujourd’hui pour faire face à sa demande alimentaire nationale, elle importe l’équivalent de 9 millions d’hectares tandis qu’elle exporte 12 millions d’hectares soit 40% des terres agricoles Françaises. Alors qu’à de rares exceptions près, le potentiel nourricier de la France est excédentaire, aujourd’hui pourtant, quels que soient les territoires, les terres agricoles françaises ne nous nourrissent plus. A l’instar de la Meuse, qui, avec un potentiel nourricier de 592%, ne produit que 22% de ses besoins en légumes.
Ces résultats ne sont pas le fruit du hasard. Encouragés par les politiques agricoles françaises et européennes des années 60-70, ils ont permis l’essor de l’agriculture dont nous héritons aujourd’hui, professionnalisée, mécanisée et tournée vers la commercialisation d‘une production agricole de masse.
Pour le mouvement Terre de Liens, mouvement citoyen visant à préserver les terres agricoles et à permettre l’installation de paysans en agriculture biologique (265 fermes acquises et plus de 7000 hectares de terres agricoles préservées dans toute la France métropolitaine), auteur du rapport, « alors que les derniers chiffres du recensement agricole décrivent l’inexorable disparition des fermes et que 5 millions d’hectares vont changer de main dans les 10 ans, il est urgent d’agir pour mieux préserver et partager la terre. Recul des ventes de terre au profit de la location, financiarisation des transactions foncières, arrivée d’investisseurs non agricoles, contournement des contrôles, et émergence d’une nouvelle génération d’agriculteurs non issus du milieu agricole, les leviers sur lesquels agir sont aujourd’hui connus »
A l’approche des élections présidentielles, Terre de Liens appelle les candidats et les candidates à s’engager pour une grande loi sur les terres agricoles, seule à même de véritablement préserver et partager la terre.
Une grande loi sur les terres agricoles bâtie autour de 4 grands principes :
- Préserver les terres agricoles et leur usage agricole
- Faciliter l’accès aux terres aux personnes porteuses de projets agricoles
- Favoriser des pratiques agricoles vertueuses
- Développer une gouvernance démocratique et transparente des terres agricoles
Crédit photo : DR (photo d’illustration)
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5 réponses à “Agriculture. 5 millions d’hectares de terre, 20% de la surface agricole française, vont changer de main d’ici 10 ans. Terre de liens sonne l’alarme !”
Nos gouvernants font leur possible pour inciter nos paysans à ne plus vivre »à la campagne »! Le travail de nos paysans est mal rémunéré, ils travaillent tous les jours afin de nourrir leurs bêtes, leurs enfants travaillent dans les champs pour les aider et ne »partent pas en vacances », et dans nos villages français: il n’y a pas de moyens de communication, pas de commerce, on supprime des écoles, etc…il y a de moins en moins de paysans, en France, pourtant on a besoin d’eux pour se nourrir!….
laisser nos agriculteurs se débrouiller et supprimer tous les parasites (fonctionnaires de l’agriculture, SAFER…), les aides…
et il y aura de moins en moins de paysans vu l’évolution du métier (comme partout).
Petit problème de certificat d’études :
Etant donné qu’un agriculteur travaille à son exploitation pendant 50 ans environ (de 18 ans à 68 ans) calculer la proportion de terres agricoles qui « changera de mains » dans les 10 prochaines années.
Réponse : 20 %
C.Q.F.D. !!!
Petit problème de certificat d’études :
Etant donné qu’un agriculteur travaille à son exploitation environ 50 ans (de 18 ans à 68 ans), calculer la proportion des terres agricoles qui « changera de main » dans les 10 prochaines années.
Réponse : 20 %
C.Q.F.D.
Le zèle excessif de la SAFER à réserver les terres agricoles (1) aux agriculteurs en place ou à venir (2) aux municipalités pour créer des lotissements ou des équipements…
…. a eu comme conséquences :
(a) une perte de valeur (financière) des terres agricoles ou tout au moins une distorsion du prix des terres séparées de fait en deux catégories : les terrains constructibles et les terres interdites de construction avec un écart de prix excessif : au moins 10 x jusqu’à 30 x.
C’est anormal .
(b) Une spéculation/magouillage pour transformer des terres agricoles en terrains à bâtir
(c) Il en résulte un désintérêt des urbains et même de beaucoup de ruraux pour l’agriculture. Il est très difficile pour un entrepreneur de s’installer dans une commune rurale qui n’a pas de zone artisanale ou industrielle.
(d) L’exode rural ne fait que s’aggraver.
(e) la raréfaction des services (postal, médical, commercial etc…)
(f) Et la misère de l’agriculteur résulte du fait qu’il ne peut plus vendre directement et localement ses produits (et en particulier des produits à haute valeur ajoutée comme les légumes, les fruits). S’il est éloigné d’une ville, il est donc contraint à entrer dans le cycle productiviste.