Vente en vrac : 40% des commerces menacés de fermeture dans les six mois ?

Les commerces de vente en vrac ont connu entre 2013 et 2020 une croissance fulgurante, avec un marché passé de 100 millions d’euros à 1.3 milliard d’euros, et de quelques magasins à près de 900 fin 2021 – 340 ont ouvert l’an dernier, 166 en 2020 entre les confinements. Néanmoins, la consommation vrac – mais aussi les circuits courts et le bio – connaissent un véritable coup d’arrêt à la sortie de la crise sanitaire.

Le développement de la vente en vrac en grande surface, la fuite des classes sociales supérieures hors des centre-villes, le développement du télétravail et un projet de décret du gouvernement… pour interdire la vente en vrac de détergents, le produit le plus demandé – supposée dangereuse, malgré l’absence d’accidents en 15 ans – concourent à la perte de 20 à 30% du chiffre d’affaires en moyenne et à ce que 40% des commerces envisagent purement et simplement de fermer dans les six mois. Près de 2000 emplois pourraient être menacés – une cinquantaine d’entreprises sont présentes sur le marché de fourniture de produits détergents en vrac, 21% d’entre eux envisagent une cessation de paiement dans l’année si le décret passe dans l’état.

En 2021, une trentaine de magasins ont fermé, notamment à la fin de l’année – par exemple le Cellier d’Hélène dans le bourg de Saint-Herblain, le 14 décembre, trois ans après son ouverture, ou l’épicerie vrac du Paquebot à Saint-Nazaire mi-novembre, qui était elle aussi ouverte depuis 2018. Une dizaine avait fermé en 2019, autant en 2020. En une semaine de février 2022, sept ont déjà fermé. Plus tôt en 2022, l’épicerie vrac de Taden a fermé début janvier après un an seulement d’existence.

Néanmoins, d’autres épiceries vrac s’installent – à Haute-Goulaine (44) dans la zone commerciale de la Braudière en novembre dernier, et dans des terroirs plus ruraux qui n’étaient jusque là pas couverts par ce type de commerces, plus urbains à l’origine.

Derrière la crise du vrac, un secteur en péril ?

Deux autres raisons semblent rarement mises en avant – un certain appauvrissement de la population, face à l’inflation, et un changement radical de priorités d’une classe sociale urbaine plutôt riche, mais qui cherche désormais de l’espace et est en télétravail, donc a déserté les centres urbains.

Plus large que la vente en vrac, la crise touche largement les petits commerces qui vendent cher, les cafés communautaires « bobos », les AMAP en Ile-de-France – qui peinent à attribuer 25 à 40% de leurs paniers, alors qu’elles fonctionnaient à flux tendu auparavant, la sphère culturelle – et cela malgré les aides directes versées aux structures et aux entreprises par le gouvernement. Même le recrutement des bénévoles semble marquer le pas.

Sur le Forum catholique, un lecteur réagit à un sujet qui aborde la crise des AMAP en Ile de France : « je fais partie des patrons d’un bar bobo de gauche à Paris et en effet nous servions de point relais pour les AMAP. Ça ne marche plus très bien. J’ai d’autres activités dans le même milieu et nous constatons des turbulences depuis les années Covid. Plus rien ne marche comme avant, beaucoup sont partis en province grâce au télétravail, les villes sont moins attractives […] Nos cafés, nos restaurants n’y trouvent plus leur compte, nos coopératives non plus ».

La tendance semble dépasser la France puisque la consommation dans les épiceries vrac connait un passage à vide aussi au Québec, avec une chute de 25 à 30% en 2021 – les consommateurs se sont majoritairement tournés vers des produits pré-emballés, et la Wallonie où il y a eu jusqu’à 218 épiceries vrac en 2021. Là encore, d’autres affaires continuent d’ouvrir dans des localités plus rurales, en complément d’épiceries plus classiques, ou en tant qu’épiceries mobiles.

Nantes, « terre promise » des « bobos », comme un phare dans la tempête ?

Nantes est touchée par la crise à retardement – malgré une situation sécuritaire toujours difficile, d’autres qualités évidentes, comme un quasi plein-emploi, la proximité de la côte, l’image de la Bretagne et une offre pléthorique tant culturelle, scolaire que professionnelle, font de la capitale bretonne une « terre promise » pour bobos français désespérés par leurs villes. Néanmoins, sur 44 boutiques de vrac, 111 ont fermé – un quart.

« Certaines ont fermé pour laisser plus de place aux autres, c’est un peu tout la même communauté, et il y avait trop d’affaires ouvertes trop rapidement, avec souvent trop peu de trésoreries », tempère une gérante d’épicerie vrac. Depuis septembre 2021, la baisse de chiffre d’affaires s’est accentuée et a atteint jusqu’à 30% dans certaines boutiques du département.

Néanmoins Nantes est ainsi à ce jour la seule ville française qui compte plus de restaurants après qu’avant la crise sanitaire – mais cette situation n’est pas faite pour durer. « Un tiers des affaires [sociétés] ont consommé leur prêt garanti par l’État, c’est autant d’établissements condamnés au moindre coup dur », constate un restaurateur nantais, « inquiet pour l’avenir ».

Louis Moulin

Crédit photo : DR
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