Bourgogne. Le retour en grâce mérité de l’aligoté

Le poids de l’héritage

L’aligoté a longtemps représenté pour la Bourgogne ce que le sylvaner était à l’Alsace ou le gros plant au pays nantais : un mal aimé, relégué à la condition de cépage secondaire de piètre qualité. Toujours est-il, que les fourvoiements du passé tenaient sans doute moins aux prétendues faiblesses de ces cépages injustement stigmatisés, mais plutôt à une approche simpliste, incapable de révéler leur raffinement caché.

Sous l’empire du productivisme, la période post-phylloxérique va s’accommoder d’un resserrement du panel des cépages disponibles, tout en négligeant parfois la bonne adéquation de ces derniers avec les conditions d’acclimatation du terroir.   En l’espèce, l’aligoté dont le débourrement est précoce, ne gagnait en rien à occuper des sols trop fertiles qui ont encouragé sa vigueur productive naturelle et obéré sa pleine maturité.

Au fil des replantations, la Bourgogne va progressivement se désintéresser du sort d’un cépage de second rang entré en concurrence frontale avec un chardonnay triomphant, lui qui est servi par un profil aromatique beaucoup plus enjôleur.

Dévalué par son acidité mordante, rendue verte et métallique sous l’effet des maturités imparfaites, l’aligoté peut accuser en effet  un déficit de charme aromatique, encore plus  prompt à s’évanouir dans l’excès des rendements. Toutes ces tares vont contribuer à   faire porter sur son dos une dure réputation de mouton noir de la Bourgogne. La popularisation du kir portera l’estocade au résidu de considération noyé à jamais dans l’infâmie sucrée de la liqueur de cassis du fameux chanoine Kir.

Revival

Reste que son retour en grâce n’a rien d’étonnant, il s’inscrit en effet dans cette lourde tendance qui consiste pour l’ensemble du vignoble français à redécouvrir le potentiel enfoui de petits cépages maltraités par les mauvais usages d’une viticulture productiviste.

Les amateurs de bourgognes ont eu d’ailleurs tout intérêt d’arrêter de snober ce prétendu mauvais cépage pour y trouver une alternative crédible à l’onéreux chardonnay. À l’évidence, l’aligoté constitue une superbe affaire, lorsqu’il est entre les mains d’un bon vigneron qui peut le vendre deux fois moins cher qu’un bourgogne blanc issu du chardonnay.

Surtout que parmi ceux qui se sont dédiés à l’exhumation de ce mauvais élève, figurent des noms prestigieux appartenant à l’élite de la viticulture bourguignonne.

À cet égard, une association (les Aligoteurs), œuvrant à sa réhabilitation s’est créée sous l’égide du restaurateur Philippe Delacourcelle installé à Flagey-chezeaux. Elle intègre des figures de proue de la nouvelle génération bourguignonne, tel sylvain Pataille, mais aussi des valeurs établies comme Jérôme Galeyrand, qui s’emploient à redorer le blason d’un cépage en plein regain de notoriété.

L’une des voies privilégiées pour sauver l’aligoté de l’extinction et hisser sa qualité vers les plus hauts standards, consiste à multiplier les sélections massales des clones les plus nobles. À terme, ce mouvement devrait évincer progressivement l’aligoté vert au profit de l’aligoté doré moins productif et plus raffiné.

De grands noms ont toujours cru au potentiel d’un cépage qui intégrait jadis le prestigieux Corton-Charlemagne. Laurent Ponsot revendique peut-être la meilleure génétique de ce plant dans son rarissime Morey   Saint Denis sur sa parcelle du Clos Mont des Luisants, véritable curiosité forgée sous l’ombrelle du savoir-faire d’un des plus grands producteurs de la côte-de-Nuits…

Difficile de ne pas évoquer le remarquable investissement d’une figure tutélaire de la Bourgogne, Aubert de Vilaine, sur son aligoté issu du terroir de Bouzeron, l’antre de l’aligoté en côte chalonnaise, seule AOP dédiée à l’aligoté.

Nos coups de cœur :

Au-delà des belles réalisations de la côte-de-Nuits et de la côte-de-Beaune, il est intéressant de relever la présence de magnifiques aligotés au sein des terroirs plus périphériques offrant des caractéristiques très dissemblables.

Pour les amateurs en recherche de tension et de minéralité, il est conseillé de se tourner vers les aligotés du chablisien marqués par une trame très ciselée et un caractère plus pointu souvent couronné par des finales épurées.

Celui du talentueux Olivier de Moor (18€) réunit tous les attributs de pureté et de salinité propres à ce terroir magique. Malheureusement, les quantités epsilonesques ne sont disponibles que chez quelques cavistes disposant d’allocations chez un domaine très couru pour la classe et l’authenticité de ses vins.

Tout aussi compliqué à trouver, l’aligoté de Nicolas Maillet (16€) à la tête d’un micro-domaine du Macônnais. Son vin s’impose comme l’une des versions les plus abouties par sa capacité régulière à libérer un fruit délicat et sensuel, rarement rencontré avec autant de flamboyance dans les vins de ce cépage.

À noter toutefois la fâcheuse tendance de l’aligoté à surréagir souvent au phénomène de réduction*, pouvant se traduire par le parasitage d’un nez ultra fumé évoquant le grattoir d’allumette. Si la réduction demeure un état transitoire pour le vin, dont les effets peuvent être considérablement atténués sous l’effet de l’oxygénation, il y avait dans nombre de vins dégustés, une insidieuse persistance du phénomène de fermeture… Possible que cette disgrâce soit imputable à la pratique de fermentations trop réductrices, pas forcément toujours bien adaptées   à un cépage par trop réactif à l’absence d’oxygène…

*La réduction résulte de l’enfermement du vin en milieu dit « réducteur » donc privé d’oxygène, ce qui amoindrit son expression sensorielle voire tasse le vin sous des saveurs croupies, le phénomène est passager et s’atténue sous l’effet d’une bonne aération.

Raphno

Crédit photos : DR
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