Une présidentielle pour rompre avec le centralisme français. Une tribune de Régions et Peuples Solidaires

Ci-dessous une tribune qui est adressée à la presse par la Fédération régionaliste Régions et Peuples Solidaires.

« Dominée par la sécurité et l’immigration, la campagne pour l’élection du futur président de la République est terne et assez pauvre en idées et propositions. 

Il y a pourtant un sujet qui mérite débat dans notre pays c’est celui de l’organisation institutionnelle.

C’est pourquoi, s’appuyant notamment sur la consultation citoyenne pour sortir l’Alsace du Grand Est qui se déroule en ce moment et la parution prochaine du Livre Blanc de l’Association des Régions des France, nous demandons à ce que la campagne de l’élection présidentielle soit aussi le momentum pour débattre de la démocratie et de l’organisation institutionnelle du pays » indique Pèire Costa, directeur de Régions et Peuples Solidaires en introduction d’un texte à retrouver ci-dessous.

L’Alsace doit-elle sortir du Grand-Est pour redevenir une Région à part entière ? C’est la question qui est posée, sous forme de consultation citoyenne, jusqu’au 15 février, par la Collectivité Européenne d’Alsace à ses habitants. Car sept ans après la promulgation de la loi relative à la délimitation des régions, l’effacement de l’Alsace de la carte des régions ne passe toujours pas. Et pour cause. La réforme a été adoptée contre l’avis des Alsaciens et celui de leurs élus, depuis Paris, par un Gouvernement et des parlementaires qui dans l’immense majorité n’étaient pas concernés personnellement par le sort de l’Alsace. Délibération commune du Conseil Régional Alsace et des Conseils départementaux du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, manifestations, pétitions, sondages, l’opposition des Alsaciens ne souffrait d’aucune ambigüité. Pourtant, l’Alsace a été absorbée dans le Grand-Est…malgré elle. Quand on connait le poids de l’Histoire en Alsace, une région ballotée entre la France et l’Allemagne, dont les habitants ont changé quatre fois de nationalité en 80 ans sans jamais avoir été consultés, on peut comprendre le ressenti du peuple alsacien face à cette décision arbitraire. La consultation citoyenne lancée par la Collectivité européenne d’Alsace tente de combler un réel déficit démocratique. On ne peut que la saluer et souhaiter qu’elle débouche sur une loi pour sortir l’Alsace du Grand-Est. Il s’agit non seulement de faire que la Collectivité Européenne d’Alsace soit dotée des compétences régionales, mais également que les services de l’État soient à nouveau organisés sur le périmètre alsacien.

L’Alsace n’est cependant pas la seule à souffrir du déni de démocratie de la part de l’État. Malgré le net succès répété des nationalistes corses modérés lors des derniers scrutins, l’État refuse toute discussion sur l’avenir institutionnel de l’île. La légitimité que le peuple corse a conférée à ses élus pour engager la Corse sur le chemin de l’autonomie aurait dû ouvrir la voie à un dialogue constructif. Mais l’État semble s’enfermer dans une forme de déni de cette nouvelle réalité politique et choisit de fermer la porte. Faut-il croire que la France est davantage sensible à la stratégie de la tension qu’à la légitimité des urnes ? Les démocrates que nous sommes se refusent à le croire.

La réunification de la Loire-Atlantique à la Bretagne est une autre revendication territoriale que l’État refuse de considérer, malgré les innombrables manifestations, les sondages favorables et les pétitions dont la dernière a été signée par plus 105.000 électeurs de la Loire-Atlantique pour que soit organisée une consultation sur le retour de ce département en région Bretagne.

A travers l’hexagone, les aspirations territoriales sont nombreuses et variées : création de région à part entière en Savoie et en Auvergne, d’une collectivité territoriale à statut spécifique au Pays Basque réunification comme en Bretagne, changement de nom comme en Provence-Alpes-Côte d’Azur ou dans les Pyrénées-Orientales, et en définitive plus de compétences et d’autonomie en particulier en Corse, mais de manière générale pour l’ensemble de ces collectivités.

Ces revendications populaires expriment la volonté d’inscrire les institutions dans les réalités culturelles, historiques, géographiques et économiques des territoires. La France du XXIe siècle doit-elle continuer à se construire contre ses réalités régionales et contre la volonté de ses citoyens ? La réponse est non. Dans une démocratie, cette question ne devrait même pas se poser.

Réconcilier les collectivités locales avec les identités régionales, et leur donner l’autonomie, est un impératif. Allier liberté et responsabilité est un facteur de réussite aussi bien dans le monde de l’entreprise qu’en matière d’éducation. En matière politique, la différenciation et l’autonomie sont partout la règle au sein de l’Union européenne. Le centralisme français est un anachronisme que personne ne nous envie parmi nos voisins. L’autonomie, c’est-à-dire la capacité effective de mener en responsabilité devant les électeurs des politiques adaptées à chaque territoire, est non seulement un droit fondamental mais un atout pour une vie démocratique saine et un développement socio-économique et culturel adapté. Ses principes sont encadrés depuis la fin des années 80 par la Charte européenne de l’autonomie locale que la France a ratifiée, mais n’applique pas.

Nos voisins sont non seulement des pays fédéraux ou à large autonomie, mais également plurilingues. La défiance de l’État français vis-à-vis des langues dites régionales est incompréhensible dans un monde où le plurilinguisme est la règle. Faut-il rappeler que, n’ayant pas ratifié la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, la France ne remplirait même pas les conditions pour intégrer l’Union européenne si elle devait soumettre son adhésion aujourd’hui ?

Alors que l’on s’apprête à fêter le quarantième anniversaire des premières lois de décentralisation dites loi Deferre, la France est engagée depuis trois quinquennats dans un processus de recentralisation (suppression de l’autonomie fiscale, baisse des dotations, spécialisation des compétences, redécoupage forcé, etc.). Jamais la tutelle de l’État sur les collectivités, notamment au moyen du renforcement du rôle des préfets, n’a été aussi pesante. La crise sanitaire a mis en exergue l’inefficacité de la centralisation et ses pesanteurs face à une crise nécessitant souplesse et rapidité d’action. Quant à la crise des Gilets jaunes et l’abstention record aux dernières élections, elles ont démontré que les citoyens ne se reconnaissent plus dans les institutions à bout de souffle de la cinquième République.

La campagne de l’élection présidentielle est le moment opportun pour aborder les problèmes de fond et définir des perspectives démocratiques radicales mais nécessaires.

La réforme des institutions doit être la mère des réformes. Pour relever les défis économiques, sociaux, environnementaux et politiques qui s’annoncent, le modèle centraliste – coercitif et pyramidal – doit laisser la place à un modèle matriciel, basé sur l’adhésion des citoyens et l’autonomie. Cela passe par le fédéralisme différencié, le renforcement du pouvoir du Parlement et l’instauration d’une part de démocratie directe sous forme de référendum d’initiative populaire.

Dans une campagne où les idées neuves se font rares, nous appelons de nos vœux l’émergence d’un candidat qui saura radicalement rompre avec le logiciel jacobin.

Les signataires :

Jean-Félix ACQUAVIVA (Député), François ALFONSI (Eurodéputé), Gustave ALIROL (Président de Régions et Peuples Solidaires), Jean-Christophe ANGELINI (Maire de Portivecchju et conseiller territorial Assemblée de Corse), Jean-Philippe ATZENHOFFER (Docteur en économie, professeur à l’école de management de Strasbourg), Claude BARBIER (Adjoint au maire Viry), Julien BAYSSAC (Conseiller municipal Billère), Jean-Luc BENNAHMIAS (Ancien eurodéputé), François BECHIEAU (Secrétaire national du Mouvement des Progressistes), Jean-Pierre BERG (Vice-président de l’Initiative Citoyenne Alsacienne, ancien  chef de cabinet du président du Comité des Régions de l’Union européenne), Antoine BEYER (Professeur de géographie à la Sorbonne), Nikolas BLAIN (Adjoint au maire Ustaritz), Laurent BLONDAZ (Président du Mouvement Région Savoie), Gael BRIAND (Conseiller régional Bretagne), Annabelle BRUNET (Conseillère départementale Pyrénées-Orientales), Montserrat CASACUBERTA (Conseillère municipale et métropolitaine Rennes), Nil CAOUISSIN (Conseiller régional Bretagne), Jean-Michel CLEMENT (Député), Paul-André COLOMBANI (Député), Marie COSTA (Maire d’Amélie-Les-Bains), Thérèse DE BOISSEZON (Conseillère municipale Billère), Philippe DULUC (Porte-parole d’Eusko Alkartasuna), Philippe ELSASS (Conseiller municipal Rosheim et Conseiller communautaire à la Communauté de Communes des Portes de Rosheim), Patrick FARBIAZ (Coordinateur de Pour une Ecologie Populaire et Sociale), Jean FAUCHE (Animateur d’Alternatives et Autogestion), Olivier GING (Adjoint au maire Neuwiller-lès-Saverne), Christian GUYONVARC’H (Conseiller régional Bretagne), Anne-Marie HAUTANT (Présidente du Partit Occitan), Jonathan HERRY (Coprésident d’Alternative Alsacienne-‘s Linke Elsas), Christelle ISSELE (Conseillère Collectivité Européenne d’Alsace), Robert HERTZOG (Professeur émérite en droit public), Pierre KLEIN (Président de l’Initiative Citoyenne Alsacienne, essayiste), Anita LOPEPE (Porte-parole d’Euskal Herria Bai), François-Michel LAMBERT (Député), Joël LE GALL (Conseiller municipal Le Rheu), Anastasie LEIPP (Conseillère Municipale Neuwiller-lès-Saverne et élue à la Communauté de Communes de Hanau-La Petite Pierre), Michel LORENTZ (Maire de Roeschwoog et Conseiller Collectivité Européenne d’Alsace), Antonia LUCIANI (Conseillère exécutive de Corse), Jean Jacques LUCCHINI (Conseiller territorial Assemblée de Corse), Saveriu LUCCIANI (Conseiller Territorial Corse), Denez MARCHAND (Conseiller départemental Ille-et-Vilaine), Daniel MAGNIN (Maire de Maxilly-sur-Léman), François MARTINETTI (Secrétaire National Femu a Corsica), Lydie MASSARD (Porte-parole de l’Union Démocratique Bretonne), Paul MOLAC (Député), Patrick MAUBOULES (Conseiller municipal Billère), Isabelle MEJEAN (Conseillère municipale Saint Restitut), Jean François MONNIER (Conseiller municipal et métropolitain Rennes), Nadine NIVAGGIONI (Vice présidente Assemblée de Corse), Alexandre PANO (Premier adjoint Finestret), Paulu-Santu PARIGI (Sénateur), Georges PAYROU (Conseiller municipal Llupià), Jeroni PEREZ (Conseiller municipal Le Soler), Jaume POL (Secrétaire général d’Unitat Catalana), Wassila RAHMANI (Coprésidente d’Alternative Alsacienne-‘s Linke Elsass), Laurent ROTH (Conseiller municipal de Kingersheim), Française TIBAU (Conseillère municipale et communautaire de Saint Laurent de Cerdans), Maxime TOUZE (Conseiller municipal Douarnenez), Jean-François SAISSET, (Maire Trausse-Minervois), Richard SCHALCK (Conseiller municipal délégué Colmar), Ana SOHIER (Conseillère régionale Bretagne), Emmanuel SCHACHERER (Maire d’Elbach), Bernard SCHITTLY (Maire de Guevenatten), Jacques SCHLEEF (Secrétaire général du Club Perspectives Alsaciennes), Joseph SPIEGEL (Ancien maire de Kingersheim), Richard SPIELMANN (Conseiller municipal Schorbach et président de 57-Le Parti des Mosellans ), Jean-Georges TROUILLET (Président d’Unser Land), Nicolas UNDREINER (Adjoint au maire de Niederschaeffolsheim), Bernard VATON (Conseiller municipal Orange), Jordi VERA (Coordinateur de Oui au Pays Catalan), Céline WIRA (Conseillère municipale Largitzen), Jean-Daniel ZETER (Ancien conseiller départemental Bas-Rhin), Jean-Denis ZOELLE (Adjoint au maire Knoeringue)

Précision : les points de vue exposés n’engagent que l’auteur de ce texte et nullement notre rédaction. Média alternatif, Breizh-info.com est avant tout attaché à la liberté d’expression. Ce qui implique tout naturellement que des opinions diverses, voire opposées, puissent y trouver leur place.

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Une réponse à “Une présidentielle pour rompre avec le centralisme français. Une tribune de Régions et Peuples Solidaires”

  1. jojo dit :

    L’existence même d’un tel collectif, dans un pays politiquement arriéré comme la France, est très encourageant. Peu importe le résultat aux élections de 2022, la France repartira pour 5 ans de centralisme absolu politique, pour 5 ans de néolibéralisme économique, l’état général continuera à empirer, et l’insatisfaction à croître, reste à voir si pourront émerger de nouveaux personnages dans cette mouvance fédéraliste en différents points du pays, et que les français dans leur ensemble prendront conscience des enjeux que cela représente pour la dynamique économique et culturelle de leurs « régions ».

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