Le 16 février prochain, la Cour de justice de l’Union européenne rendra un jugement très important : elle aura à se prononcer sur le recours formé par les gouvernements hongrois et polonais contre la mise sous condition des fonds de l’Union européenne au respect de « l’état de droit ». A l’heure où des candidats à l’élection présidentielle française souhaitent s’affranchir de certaines règles de l’Union européenne, les enjeux de ce jugement sont majeurs.
Des fonds européens sous conditions
L’Union européenne a défini dans plusieurs textes de référence un socle de « valeurs » et la notion à géométrie variable d’« état de droit ». Celui-ci recouvre notamment « l’interdiction de l’exercice arbitraire du pouvoir exécutif, la protection juridictionnelle par des juridictions indépendantes et impartiales , la séparation des pouvoirs, la soumission permanente de toutes les autorités publiques aux lois et procédures établies et l’égalité devant la loi ».
Le traité sur l’Union européenne permet à la Commission européenne d’infliger des sanctions financières aux Etats membres qui ne respectent pas certains de ces principes. Mais celles-ci ne peuvent être adoptées qu’à l’unanimité des pays membres de l’Union européenne, une condition très difficile à remplir.
Afin de contourner cette difficulté, la Commission européenne tente depuis quelques années de faciliter la prise de sanctions à l’encontre des pays qui ne respecteraient pas sa conception de l’état de droit. Après d’âpres négociations, les pays composant l’U.E. se sont accordés en décembre 2020 sur un nouveau mécanisme « de conditionnalité pour la protection du budget de l’Union ». Celui-ci permet à la Commission européenne de suspendre le versement de fonds structurels en cas de violation avérée de l’état de droit qui « porte atteinte ou présente un risque sérieux de porter atteinte à la bonne gestion financière du budget de l’Union ou à la protection des intérêts financiers de l’Union, d’une manière suffisamment directe ». La grande nouveauté vient du fait que la Commission européenne n’aura besoin que de la majorité qualifiée des Etats membres de l’U.E. pour infliger une telle sanction.
Afin de ne pas gripper la négociation sur le plan de relance européen, les gouvernements hongrois et polonais n’ont pas posé de véto à l’adoption de ce mécanisme. Ils ont cependant obtenu la possibilité d’en contester la légalité devant la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE). C’est ce que ces deux pays ont fait en mars 2021.
Un jugement très attendu
Les gouvernements hongrois et polonais ont donc saisi le 11 mars 2021 la Cour de justice de l’Union européenne pour obtenir l’annulation de la conditionnalité des fonds européens au respect de l’état de droit. Le jugement de cette affaire le 16 février prochain est très attendu : s’il confirme la conformité de ce mécanisme au droit communautaire, la Commission européenne pourra plus facilement sanctionner financièrement les pays membres de l’U.E récalcitrants à ses recommandations. Et elle a déjà en ligne de mire deux pays en particulier.
Les griefs de la Commission européenne
La Commission européenne a de nombreux griefs à l’encontre de la Hongrie et de la Pologne qui pourraient motiver une suspension du versement des fonds communautaires.
Elle reproche à la Pologne une remise en cause partielle du droit européen et le manque d’indépendance de son système judiciaire. Les critiques à l’encontre de la Hongrie portent essentiellement sur ses procédures de marchés publics. La Commission européenne critique plus globalement ces deux pays pour leur manque de suivi des décisions de justice de l’U.E. (CJUE, CEDH).
Mais au-delà de ces accusations, la politique de la Pologne et de la Hongrie en matière de mœurs (LGBT, avortement) et de lutte résolue contre l’immigration extra-européenne (notamment la pratique assumée des refoulements des clandestins aux frontières, le refus de participer aux répartitions des migrants, etc.) a très probablement fait l’effet d’un chiffon rouge auprès de la Commission européenne.
La Hongrie et la Pologne déjà pénalisées
Sans attendre l’issue du jugement qui sera rendu le 16 février, la Commission européenne a déjà commencé à faire pression sur les gouvernements hongrois et polonais. Ces pressions se traduisent par le blocage du versement des sommes dues au titre du fond de relance européen et par la sanction du gouvernement polonais pour ne pas avoir réformé son système judiciaire.
Le plan de relance européen bloqué pour la Pologne et la Hongrie
Le plan de relance appelé « Next generation EU » adopté en juillet 2020 prévoit le versement de 750 milliards d’euros aux 27 pays membres de l’Union européenne. Certains pays, comme la Hongrie et la Pologne, en seront des bénéficiaires net. D’autres, comme la France, y contribueront bien plus qu’ils n’en bénéficieront.
La Pologne doit bénéficier entre 2021 et 2023 au titre du plan de relance de 23 milliards d’euros de subventions et de 34 milliards d’euros de prêts. La Hongrie devrait quant à elle percevoir 7 milliards de subventions et 9 milliards de prêts.
Mais, considérant que les engagements pris à ce jour par les gouvernements polonais et hongrois sont insuffisants, la Commission européenne a jusqu’à maintenant bloqué le versement des fonds du plan de relance prévus pour ces deux pays.
Une astreinte d’un million d’euros par jour
La Commission européenne exige notamment que le gouvernement polonais réforme son système judiciaire. Les dispositions relatives aux compétences de la chambre disciplinaire de la Cour suprême polonaise sont plus particulièrement sous le feu de ses critiques. Estimant qu’elles violent le droit de l’Union européenne, la Commission européenne a introduit le 1er avril 2021 un recours en manquement devant la CJUE. Par jugement du 14 juillet 2021, la CJUE demandait au gouvernement polonais de suspendre l’application des dispositions relatives aux compétences de la chambre disciplinaire de la Cour suprême.
Le refus du gouvernement polonais d’obtempérer a amené le Commissaire européen Didier Reynders à demander à la CJUE de se prononcer sur une demande de sanctions financières. Le 27 octobre 2021, le gouvernement polonais était condamné à payer une astreinte d’un million d’euros par jour pour ne pas avoir mis fin aux activités de la chambre disciplinaire de la Cour suprême. Le 20 janvier 2022, la Commission européenne se faisait encore plus pressante et envoyait au gouvernement polonais un injonction de paiement de 69 millions euros de pénalités cumulées.
Chronique d’un nouveau conflit annoncé
La partie de bras de fer s’annonce également difficile pour la Pologne et la Hongrie concernant le recours formé contre la conditionnalité des fonds européens. Le 3 décembre 2021, l’avocat général de la CJUE estimait officiellement que la Cour devait le rejeter.
Pire, le Commissaire européen au budget, Johannes Hahn, a clairement laissé entendre le 25 janvier que la Commission européenne pourrait tout simplement proposer de geler le versement des fonds structurels à la Pologne et la Hongrie avant le mois d’avril. Un empressement que l’on ne peut s’empêcher, en dépit des dénégations du Commissaire européen, de mettre en relation avec l’élection des députés hongrois prévue le 3 avril prochain.
La régularité de l’utilisation des fonds distribués par l’U.E. est un vrai sujet qui mérite d’être traité. Les atteintes aux prérogatives régaliennes des Etats et à la culture nationale également. Mais dans cette affaire, distinguer le financier du politique relève de la gageure.
L’influent milliardaire américain George Soros ne s’embarrasse pas de ces précautions. Dans une tribune parue le 26 novembre 2020 dans le journal Les Echos, il lançait une violente charge contre les gouvernements hongrois et polonais, qui « voient d’un mauvais œil (…) l’état de droit (qui) représente une limite pratique à leurs manœuvres de corruption personnelle et politique ». Ses souhaits pourraient prochainement être exaucés bien au-delà de ses espérances.
Un ancienne députée espagnole au parlement européen, Carolina Punset, s’interrogeait récemment sur les raisons pour lesquelles la Hongrie et la Pologne sont soumises à une surveillance étroite de Bruxelles, contrairement aux autres pays membres de l’U.E. Elle soulignait que le politiquement correct ne permet pas de pointer les véritables périls en Europe. Commentant ces propos, le président du parti espagnol Vox était encore plus explicite : « Les bureaucrates de Bruxelles attaquent la Hongrie et la Pologne pour cacher les vrais problèmes de l’Europe : islamisme, insécurité, désindustrialisation, etc. ». Un point de vue que l’on peut ne pas partager mais qui mérite réflexion.
Paul Tormenen
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3 réponses à “La Pologne et la Hongrie bientôt privées de subventions européennes ?”
Tout ceci démontre, si c’était encore nécessaire, que l’UE, dirigée par une commission non élue, ne supporte pas les volontés des peuples qui élisent leurs dirigeants.
Vive l’Europe, à bas l’Union Européenne.
ben c’est normal, ils ne veulent pas se plier aux diktats des européistes !
obéissez et vous aurez du fric!
L´Union européenne se construit sur la négation de l´Europe, de sa culture, de ses traditions, de son identité.
Pour l´Europe, non à cette forme subversive de désunion européenne.
L´UE, et le Conseil de l´Europe, ca suffit!
As.prof. em. dr. Gérard Lehmann, SDU, DK