Jean Soulat, chercheur en archéologie associé au Centre Michel de Boüard · CRAHAM, de l’université de Caen a conduit une expédition archéologique en novembre 2021sur les traces du Speaker, bateau du pirate anglais John Bowen sombré au large de l’île Maurice en 1702.
En 1702, le Speaker, bateau du pirate anglais John Bowen, sombrait au large de l’île Maurice. Jean Soulat, chercheur en archéologie associé au Centre Michel de Boüard · CRAHAM de l’université de Caen Normandie, a conduit, avec une équipe d’archéologues plongeurs, une expédition archéologique de 10 jours en novembre 2021 pour documenter ce patrimoine sous-marin méconnu et lever le voile sur une histoire de la piraterie trop souvent fantasmée. L’objectif de cette chasse aux trésors était de réaliser une cartographie précise de la zone de naufrage, avec des points GPS localisant l’emplacement des ancres, des canons et des boulets. « Ces points GPS sont associés à une base de données et désormais intégrés à un SIG – un système d’informations géographiques. Les conditions de plongée n’étaient pas toujours idéales, mais nous avons pris les photos et les mesures nécessaires pour obtenir des modélisations 3D de 34 canons et de 3 ancres », explique Jean Soulat.
L’archéologie de la piraterie à l’université de Caen
L’archéologie de la piraterie est une thématique récente, encore peu développée en France et seulement depuis une cinquantaine d’années aux États-Unis. Le programme de recherche de l’archéologie de la piraterie de l’université de Caen, créé en 2019, réunit des archéologues, des historiens et des archivistes internationaux pour mieux appréhender le mode de vie des flibustiers. Seules une dizaine d’épaves pirates ont été découvertes et identifiées à travers le monde – essentiellement dans les Caraïbes, dans l’océan Indien et sur la côte est des États-Unis. « C’est très peu ! Nous ne nous intéressons d’ailleurs pas seulement aux épaves, mais aussi aux vestiges de campements côtiers installés par les pirates. À Madagascar, des flibustiers avaient notamment investi d’anciennes fortifications sur l’île de Sainte-Marie pour s’y établir. L’île de Sainte-Marie, probablement le principal foyer de piraterie de l’océan Indien entre les années 1690 et 1730, sera justement le lieu de notre prochaine fouille archéologique, en avril 2022 », précise Jean Soulat.
L’histoire du navire pirate, le Speaker
Ce bateau est, à l’origine, une frégate négrière française, capturée par le pirate anglais John Bowen en avril 1700. Baptisé le Speaker, ce navire fait naufrage au large de l’île Maurice, en janvier 1702. L’île est alors occupée par la Compagnie hollandaise des Indes orientales : le récit du naufrage et de l’arrivée des pirates a été consigné par le gouverneur de la colonie, Roelof Deodati. Pris dans une tempête, le Speaker s’est échoué à l’extérieur du lagon. Les manœuvres ont vraisemblablement été compliquées par les forts courants et la présence de nombreux îlots et bancs de sable. Plusieurs canons ont été délestés avant que le navire s’immobilise, définitivement, à 3 mètres de profondeur. La zone de naufrage est donc très étendue – 400 mètres de long environ. Les 200 hommes composant l’équipage ont pu regagner la côte, sains et saufs. Ils sont restés sur place pendant deux mois avant d’acheter un bateau aux colons hollandais, bien contents de les voir repartir !
Les trésors du Speaker
Une première mission a été lancée en 1979-1980 par des archéologues français non professionnels pour retrouver l’épave – rapidement localisée grâce aux archives, très précises, de la Compagnie hollandaise des Indes orientales. À cette époque, plus de 1 600 objets ont été remontés, avant d’être confiés au Musée National d’Histoire de Mahébourg, à l’île Maurice. En 1990-1991, une seconde campagne de fouille a été entreprise, mais rapidement avortée en raison des conditions météorologiques. Elle a livré une centaine d’objets supplémentaires. En 2019, Jean Soulat entreprend un inventaire et une étude approfondie des 1750 objets, aux côtés de l’archéologue et océanographe franco-mauricien Yann von Arnim. « Outre les munitions, les outils de navigation et les effets personnels, nous avons analysé des restes d’objets aux origines culturelles et géographiques très variées – des tessons de porcelaine chinoise, des restes de vases thaïlandais, des perles de Venise, des pièces de monnaie de 12 pays différents… Ces objets témoignent des multiples prises effectuées par l’équipage au travers de leurs voyages », explique Jean Soulat.
Crédit photo : DR (photo d’illustration)
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