Emmanuel Macron a lors d’une conférence de presse le 9 décembre 2021 présenté son agenda pour la présidence française du Conseil de l’Union européenne durant le premier semestre 2022. Parmi ses priorités figure en bonne place la réforme des règles de circulation de l’espace Schengen. L’objectif affiché est que l’Europe « sache protéger ses frontières » face aux crises migratoires. Alors que les frontières extérieures de l’Union européenne sont de véritables passoires, cette annonce du président de la République a tout d’un nouveau coup de communication à l’attention des électeurs français, en vue de l’élection présidentielle d’avril 2022.
La réforme du code Schengen : un serpent de mer
« Les Français ne veulent plus d’une Europe passoire. C’est le message que j’ai entendu. L’Europe qui ne maitrise pas ses flux migratoires, c’est fini ». Ces propos ne sont pas du président de la République actuel mais de… Nicolas Sarkozy en avril 2012 lors d’une réunion électorale.
Trois ans plus tard, en 2015, plus d’1,2 million de migrants entraient clandestinement en Europe. La « crise des migrants » a fortement repris depuis le rétablissement des déplacements internationaux, momentanément interrompus lors du premier confinement en mars 2020.
Selon l’agence Frontex, sur les 10 premiers mois de l’année 2021, le nombre de franchissements illégaux des frontières extérieures de l’Union européenne atteignait fin octobre 160 000, soit une augmentation de 70% par rapport à l’année précédente. Les récentes annonces du président français, qui s’inscrivent une nouvelle fois strictement dans l’agenda de la commission européenne, doivent donc être accueillies avec circonspection.
Un espace sans contrôles « plus résilient »
5 jours après la conférence de presse d’Emmanuel Macron, la commission européenne dévoilait le 14 décembre ses propositions de modification du code frontières Schengen. Celles-ci viseraient à « rendre l’espace sans contrôles aux frontières intérieures plus résilient ». Le ton martial du président Macron semble déjà oublié. Les nouvelles dispositions seraient aussi nombreuses qu’importantes.
En cas de menace sanitaire, de sécurité intérieure ou sur l’ordre public, touchant la majorité des États membres, les vérifications aux frontières intérieures pourraient sous certaines conditions être autorisées par une décision du Conseil.
La possibilité pour les États membres de réintroduire plus facilement des contrôles temporaires à leurs frontières intérieures aurait comme contrepartie un contrôle plus important de l’Union européenne sur ce type de décision.
La période durant laquelle un pays pourrait « fermer » ses frontières intérieures serait allongée, jusqu’à trois mois maximum en cas de menace imprévisible et jusqu’à deux ans renouvelables en cas d’événement prévisible.
Bien qu’elle ne l’annonce pas officiellement, la commission européenne pourrait engager une procédure d’infraction en cas de rétablissement des contrôles aux frontières intérieures qu’elle estimerait injustifié.
Facilitation des demandes d’asile lors d’offensives migratoires
Afin d’aider les États membres à gérer les situations d’instrumentalisation des flux migratoires, le délai d’enregistrement des demandes d’asile serait prolongé jusqu’à 4 semaines et toutes les demandes d’asile pourraient être examinées à la frontière dans ce type de situation.
Pointant de façon à peine masquée, la Grèce qui a repoussé l’offensive migratoire organisée par le gouvernement turc en mars 2020 et la Pologne celle du gouvernement biélorusse en 2021, la commission européenne souligne que l’accès effectif à la procédure d’asile et l’aide des organisations humanitaires doivent être garantis dans ces circonstances.
Dans l’objectif de lutter contre les mouvements secondaires des clandestins à l’intérieur de l’espace Schengen, les pays de l’UE pourraient « refuser l’entrée et transférer des migrants en situation irrégulière vers un État membre voisin s’il existe une indication claire que la personne appréhendée à proximité d’une frontière intérieure vient d’arriver d’un autre État membre ». Ce transfert ne serait néanmoins possible que si le clandestin a été appréhendé dans le cadre d’une opération de police réalisée en commun par les deux pays ou s’il existe un accord de réadmission entre ces deux États.
La réforme envisagée ne répond pas aux défis actuels
En contrepartie de quelques avancées, notamment sur la durée possible de rétablissement des contrôles aux frontières intérieures, l’Union européenne entend mettre la gestion des frontières des pays membres de l’espace Schengen sous tutelle. Il s’agit avant tout de garantir la liberté de circulation des marchandises et des personnes et de favoriser l’immigration, en bridant la capacité des Etats à réinstaurer des contrôles aux frontières pour assurer la sécurité des populations.
Les nouvelles dispositions ne règleraient en rien l’injonction contradictoire dans laquelle sont placés les douaniers tant des pays européens que de Frontex : il leur est en effet demandé à la fois de faire respecter les frontières, mais également la règle du non refoulement, afin de garantir le droit d’asile. La « clarification » demandée à ce sujet à maintes reprises par le directeur de Frontex n’a pas eu lieu. Au contraire, il s’agit pour la commission européenne de se doter d’instruments de contrôle et de sanctions contre les pays qui refusent fermement l’immigration clandestine.
Quant à la possibilité pour les pays de l’espace Schengen de refuser l’entrée et de transférer des migrants en situation irrégulière vers un État membre voisin, elle fait l’impasse sur les divergences d’intérêts entre les pays dits de premier accueil, qui laissent partir les migrants vers le nord, et les pays de destination, Allemagne, France et Royaume-Uni en tête.
Avant d’être adoptées, les nouvelles dispositions seront soumises au Parlement européen et négociées entre États membres.
La commission européenne souhaite également réformer le règlement Dublin sur l’asile et faire adopter un nouveau pacte européen sur la migration et l’asile. Si ces trois chantiers se concrétisaient, les nouvelles règles pourraient parachever la gestion « coordonnée » des migrations dans l’espace Schengen, qui se traduirait notamment par une répartition automatique des migrants entre pays européens. Cela se vérifie une nouvelle fois : la « protection » des frontières est une notion toute relative dans le camp progressiste, qui n’entend en rien freiner le rythme de l’immigration extra-européenne, mais seulement le réguler.
Paul Tormenen
Photo d’illustration : DR
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Une réponse à “Immigration. Réforme du code frontières Schengen : une fermeté en trompe-l’œil”
l’europe une passoire à l’entrée, un chateau fort pour retenir la sortie , et un boulevard avec tapis rouge pour la caf