1846-1848. Les San Patricios ou l’histoire du bataillon Saint Patrick, ces Irlandais qui désertèrent l’armée US pour se battre avec l’armée mexicaine

C’est une histoire particulièrement méconnue que les passionnés de celtisme, et de luttes héroïques et poétiques apprécieront sans doute de se voir conter, ou remémorer : celle des San Patricios, autrement connu sous l’appellation « Bataillon Saint Patrick ».

1846. Ils s’appellent John O’Reilly, Francis O’Connor, Patrick Dalton… Ils sont irlandais. Fuyant la Grande Famine qui ravage leur île, ils ont traversé l’Atlantique à bord de bateaux cercueils. Mais l’Amérique anglo-saxonne et protestante n’a que faire de ces nouveaux émigrants celtes qui n’ont pour richesse que la religion catholique… Les plus jeunes s’engagent dans l’armée, avec l’espoir que le sang versé leur vaille la reconnaissance de leur patrie d’adoption. Mais l’accueil des gradés fait d’eux de nouveaux parias : sévices, punitions, humiliations… Alors ils désertent.

Au-delà de la frontière texane, ils rallient le général Santa Anna, le tombeur de Fort Alamo ! Ainsi naît, au sein des troupes mexicaines, le bataillon des Saint-Patrick, alias Los San Patricios. 

Le bataillon Saint Patrick regroupa plusieurs centaines d’Irlandais mais aussi d’Allemands et autres Européens catholiques qui désertèrent l’armée des États-Unis d’Amérique. Ils se battirent entre 1846 et 1848, furent détestés par les Américains mais marquèrent profondément le Mexique et son histoire, de par leur sacrifice et leur engagement. Ils marquèrent tellement ce pays qu’ils sont commémorés et honorés le 12 septembre de chaque année, jour des premières exécutions de masse, mais aussi à la Saint-Patrick.

On pense que les motivations principales étaient la religion catholique partagée avec les Mexicains et la sympathie pour la cause mexicaine basée sur les similitudes entre les situations au Mexique et en Irlande. Cette hypothèse est basée sur les preuves du nombre de catholiques irlandais dans le bataillon et les lettres de John Riley.

Les faits d’armes des San Patricios (bataillon Saint Patrick) 

Le premier engagement des San Patricios en tant qu’unité mexicaine fut la bataille de Monterrey (21 septembre 1846), avec une batterie d’artillerie commandée par John O’Reilly, ancien lieutenant de l’armée américaine et immigrant irlandais. Ils ont servi avec distinction et sont crédités d’avoir repoussé avec succès deux assauts séparés sur le cœur de la ville. Malgré leur ténacité et leur courage, et le fait que Taylor était sur le point d’abandonner l’attaque, le commandant mexicain Pedro Ampudia, en désespoir de cause, a demandé des pourparlers, consommant ainsi la défaite.

Après avoir été recrutés à Monterrey, les San Patricios ont vu leurs effectifs augmenter, que certains estiment à environ 800 hommes, bien que, selon les archives les plus fiables, ils n’aient jamais compté plus de deux compagnies renforcées (300 hommes) avec des officiers mexicains. Malgré leurs performances extraordinaires en tant qu’artilleurs dans plusieurs batailles, notamment lors de la défense de Monterrey, où ils ont défendu avec succès La Ciudadela, et lors de la bataille d’Angostura, où ils ont décimé un bataillon d’attaque et capturé deux canons américains, ce qui a valu à leur commandant et à plusieurs officiers la décoration de la Croix d’honneur d’Angostura, le San Patricios a reçu l’ordre de devenir un bataillon d’infanterie à la mi-1847 sur ordre personnel d’Antonio López de Santa Anna.

En tant qu’unité d’infanterie, les San Patricios ont continué à servir avec distinction lors de la bataille de Churubusco (20 août 1847). Les forces mexicaines meurtries sont établies au couvent de Santa María de Churubusco, et les forces armées américaines se préparent à les attaquer. Bien que le couvent ne soit pas plus haut que ses environs, ses murs de pierre constituaient une bonne défense. De plus, les Américains devraient traverser une rivière pour s’y rendre, ce qui donnerait à l’armée mexicaine le temps de préparer, à moitié, des tranchées et d’affronter un autre engagement. Les défenseurs mexicains étaient au nombre de 1 300 et appartenaient aux bataillons Independencia, Bravos et San Patricio. Les combats sont constants et défavorables aux Mexicains, cette fois-ci bien commandés et motivés par les généraux Manuel Rincón et Pedro María Anaya. Après quelques heures de combat, les forces mexicaines se sont retrouvées à court de munitions et une bombe a provoqué l’explosion de la réserve de poudre à canon, ce qui ne leur a laissé aucune possibilité de continuer à se défendre ; malgré cela, et une fois qu’un drapeau blanc a été hissé en signe de reddition, le capitaine Patrick Dalton l’a abaissé pour continuer à résister, mais c’était inutile, le couvent était silencieux. Lorsque le général Twiggs est entré dans la cour du couvent, exigeant que les soldats mexicains rendent leurs armes, leur poudre et leur parc, le général Anaya l’a confronté en disant : « S’il y avait un parc, vous ne seriez pas ici. »

Les membres du bataillon de Saint-Patrick capturés par l’armée américaine ont subi des représailles très dures : ils avaient été responsables de certains des combats les plus violents qui ont infligé les plus lourdes pertes aux Américains qu’ils affrontaient. Ceux qui faisaient partie de l’armée américaine avant la déclaration officielle de la guerre, dont le capitaine Rilley, ont été fouettés et marqués au fer rouge au visage, avec la lettre « D » pour déserteurs, et condamnés aux travaux forcés. Ceux qui ont rejoint l’armée mexicaine après la déclaration de guerre ont été pendus en masse comme traîtres à trois jours différents : le 9 septembre 1847 dans le village de San Angel, devant l’église de San Jacinto, 16 soldats ont été exécutés. Le 10 septembre, quatre autres personnes ont été exécutées dans la ville de Mixcoac. Enfin, le 13 septembre, 31 soldats sont exécutés à Chapultepec : sur ordre du général Winfield Scott, ils sont exécutés au moment précis où le drapeau américain remplace le drapeau mexicain au sommet du château de Chapultepec. Lorsque le drapeau atteignait le sommet du mât, des mules étaient descendues pour tirer les chariots qui servaient d’échafaudage.

Ceux qui ont survécu à la guerre ont disparu de l’histoire. Quelques-uns ont pu revendiquer les terres promises par le gouvernement mexicain. John Riley est mort à la fin du mois d’août 1850 et a été enterré à Veracruz le 31 août de la même année sous le nom de Juan Reley, le même nom sous lequel il a été enregistré dans les archives de l’armée mexicaine. La même année, l’armée mexicaine a pris la décision de dissoudre le bataillon.

Les San Patricios d’Irlande : des commémorations annuelles au Mexique

Pour commémorer l’aide apportée par les Irlandais à l’armée mexicaine dans la ville de Monterrey, une place évoquant la « Bataille de Monterrey » et la date de 1846 est située dans la promenade de Santa Lucia. Un musée est en cours de construction pour commémorer les héros de cet événement.

Le bataillon de la Saint-Patrick est commémoré à deux dates différentes au Mexique : la première, le 9 septembre, date anniversaire des premières exécutions, et la seconde, le 17 mars, jour de la Saint-Patrick. Un monument leur est dédié sur la place San Jacinto, dans la colonie San Angel de Mexico, sur lequel une plaque commémorant le bataillon San Patricio a été placée. Cette plaque énumère les noms de 71 membres du bataillon, dont 48 étaient irlandais et 13 allemands.

Dans le hall principal de la Chambre des députés du Mexique, le nom du bataillon de SaintPatrick est inscrit en lettres d’or à côté de nombreux autres héros mexicains.

En 1997, le président Ernesto Zedillo a commémoré le 150e anniversaire de l’exécution du bataillon sur la place San Jacinto, où les 16 premières exécutions ont eu lieu. Les pays d’Irlande et du Mexique ont émis des timbres-poste commémoratifs pour marquer cet anniversaire.

En 2004, lors d’une cérémonie officielle à laquelle participaient de nombreux dignitaires internationaux, les réalisateurs Lance et Jason Hool et de nombreux acteurs du film St. Patrick’s Battalion, le gouvernement mexicain a fait don d’une statue au peuple irlandais en reconnaissance du courage, de l’honneur et du sacrifice du St. Patrick’s Battalion. Cette statue a été placée dans la ville natale de Riley, Clifden, dans le comté de Galway, en Irlande. Chaque 12 septembre, le bataillon est également commémoré dans cette ville en faisant flotter le drapeau mexicain.5

Il existe un monument dans l’église de Tlacopac, près de San Angel à Mexico. C’est une croix celtique avec une plaque commémorative sur le piédestal, qui mentionne que plusieurs des soldats irlandais exécutés ont été enterrés dans l’atrium.

San Patricios : Pour aller plus loin

Le destin des San Patricios a été raconté par Patrick Mahé O’Chinal dans un ouvrage intitulé Les oies sauvages meurent à Mexico : Requiem pour les Saint-Patrick (paru chez Fayard il y a quelqures années).

Il est également le coeur du film One Man’s Hero, qui retrace leur histoire : un film paru en 1999 avec notamment Tom Berenger en acteur principal.

Une chanson signée David Rovics immortalise également cette tragégie :

My name is John Riley

I’ll have your ear only a while I left my dear home in Ireland It was death, starvation or exile And when I got to America

It was my duty to go Enter the Army and slog across Texas To join in the war against Mexico

It was there in the pueblos and hillsides That I saw the mistake I had made Part of a conquering army With the morals of a bayonet blade

So in the midst of these poor, dying Catholics Screaming children, the burning stench of it all Myself and two hundred Irishmen Decided to rise to the call

(Chorus)

From Dublin City to San Diego We witnessed freedom denied So we formed the Saint Patrick Battalion And we fought on the Mexican side

We marched ‘neath the green flag of Saint Patrick Emblazoned with « Erin Go Bragh » Bright with the harp and the shamrock And « Libertad para República »

Just fifty years after Wolftone Five thousand miles away The Yanks called us a Legion of Strangers And they can talk as they may

(Chorus)

We fought them in Matamoros While their volunteers were raping the nuns In Monterey and Cerro Gordo We fought on as Ireland’s sons

We were the red-headed fighters for freedom Amidst these brown-skinned women and men Side by side we fought against tyranny And I daresay we’d do it again

(Chorus)

We fought them in five major battles Churobusco was the last Overwhelmed by the cannons from Boston We fell after each mortar blast

Most of us died on that hillside In the service of the Mexican state So far from our occupied homeland We were heroes and victims of fate

(Chorus)

Crédit photo : DR

[cc] Breizh-info.com, 2021, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine

Cet article vous a plu, intrigué, ou révolté ?

PARTAGEZ L'ARTICLE POUR SOUTENIR BREIZH INFO

Les commentaires sont fermés.

ARTICLES EN LIEN OU SIMILAIRES

Histoire, International

Say Nothing. Brendan Hughes, l’IRA et les cicatrices du conflit nord-irlandais : le sombre héritage du « Dark »

Découvrir l'article

International

USA. Les « Freedom Cities » de Trump, une solution audacieuse à la crise du logement ?

Découvrir l'article

International

USA. Donald Trump prévoit un déluge de décrets dès son investiture pour renverser l’héritage Biden

Découvrir l'article

International

Trump et l’engouement pour les cryptomonnaies : promesse révolutionnaire ou illusion économique ?

Découvrir l'article

International

Crise du logement en Irlande : un reportage sur un drame social

Découvrir l'article

International

Pourquoi je vote contre le budget militaire américain. Par Bernie Sanders, sénateur US indépendant du Vermont

Découvrir l'article

International, Sociétal

Terreur woke. La multinationale américaine Walmart stoppe sa politique « diversité et inclusion »

Découvrir l'article

A La Une, International

Hermann Kelly : « L’avenir du mouvement nationaliste irlandais passe par l’unité et la professionnalisation »

Découvrir l'article

A La Une, Religion, Sociétal

Jean-Pierre Maugendre ( Renaissance Catholique) : « La messe romaine traditionnelle reste un phare dans la tempête »

Découvrir l'article

Economie

Quels sont les pays les plus prospères du monde en 2024 ?

Découvrir l'article

PARTICIPEZ AU COMBAT POUR LA RÉINFORMATION !

Faites un don et soutenez la diversité journalistique.

Nous utilisons des cookies pour vous garantir la meilleure expérience sur Breizh Info. Si vous continuez à utiliser le site, nous supposerons que vous êtes d'accord.

Clicky