Le DJ qui avait mis le feu aux poudres en provoquant les policiers au cours de la nuit de la musique 2019 a été placé sous statut de témoin assisté, c’est-à-dire que la justice le soupçonne d’avoir joué un rôle dans la noyade de Steve Maia Caniço. Circonstance aggravante, il aurait admis avoir menti lors de ses premières déclarations mettant en cause les policiers.
Le juge d’instruction enchaîne ainsi les mises en cause dans un ordre qui n’est sûrement pas aléatoire. Il a d’abord mis en examen avec bruit un commissaire de police et un fonctionnaire préfectoral. Puis ont été incriminés, avec un degré de discrétion croissant, la ville de Nantes et Nantes Métropole, Johanna Rolland et son adjoint à la sécurité, le préfet de l’époque, et à présent donc le responsable d’un de ces sound-systems qui avaient attiré des milliers de fêtards sur un quai de Loire non protégé par des garde-corps. Au total, au moins neuf personnes physiques ou morales. Autrement dit, le juge considère que le drame a des causes multiples.
Violation du secret de l’instruction
Presse Océan, qui révèle ce nouvel épisode, le traite comme un simple entrefilet dans un dossier de deux pleines pages signé Yan Gauchard et intitulé « Steve : ce qu’a dit le commissaire face au juge ». Qui annonce franco : « Presse Océan a eu accès au procès-verbal d’interrogatoire du commissaire Chassaing, mis en examen en juillet. »
La violation du secret de l’instruction est donc patente. Les pièces et actes d’un dossier d’instruction sont protégés par l’article 114 du code de procédure pénale. Les avocats peuvent en obtenir copie auprès du juge mais n’ont le droit de les communiquer à leurs clients que dans des conditions très strictes. Et « le fait, pour une partie à qui une reproduction des pièces ou actes d’une procédure d’instruction a été remise en application de cet article, de la diffuser auprès d’un tiers est puni de 10 000 € d’amende » (article 114-1 du code de procédure pénale). Reste à savoir qui a pu effectuer cette diffusion. Le nombre des suspects est évidemment très restreint.
Violation de la présomption d’innocence
Presse Océan n’est pas à l’abri des retombées. Il écrit à propos du commissaire Chassaing que « sa responsabilité dans la mort de Steve est engagée ». Or il y a violation de la présomption d’innocence « lorsqu’une personne est, avant toute condamnation, présentée publiquement comme étant coupable de faits faisant l’objet d’une enquête ou d’une instruction judiciaire » (article 9-1 du code civil). Il appartient au juge de, « même en référé, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures, telles que l’insertion d’une rectification ou la diffusion d’un communiqué, aux fins de faire cesser l’atteinte à la présomption d’innocence ». La réaction de la justice sera donc observée de près à Nantes.
Cette prise de risque de la part de Presse Océan étonne un peu. Jusqu’à présent, le quotidien paraissait épouser étroitement les points de vue de l’avocate de la famille du défunt, qui accusait la police avec beaucoup de virulence. Mais les révélations de son dossier, bien qu’il s’efforce de les traiter sous un angle défavorable (« La note de service qui embarrasse la police »…), présentent une vision beaucoup plus nuancée de l’action policière.