Yann-Kêl Kernaleguen est un ancien militant du FLB, le Front de Libération Breton, qui s’est tué avec sa propre bombe, dans la nuit du 29 au 30 septembre 1976. Sa mission à l’époque : faire sauter le site militaire de Ti-Voujeret, dans le Finistère.
A Ti-Voujeret, le projet porte sur 200 hectares et la base doit accueillir des militaires chargés d’assurer la défense du site de l’Ile-Longue. Malgré les protestations, la construction commence à la mi-septembre 1976.
Dans la nuit du 29 au 30 septembre, Yann-Kel Kernalegenn est déchiqueté par l’explosion de la bombe qu’il s’apprête à déposer à Ti-Voujeret. Trois autres militants sont impliqués dans l’attentat. Deux opérations simultanées sont prévues, contre les bulldozers et contre le garage de la maison de l’officier chargé de la surveillance du site. Yann Kel opère seul pendant que deux autres militants installent des explosifs sur les engins choisis. A une certaine distance de la maison, ils ne voient pas Yann Kel mais ils entendront bien l’explosion, suivie d’un « cri horrible », en avance sur l’heure prévue. Ils quittent rapidement les lieux sans procéder aux explosions envisagées. Ils apprendront la mort de leur camarade le lendemain. A priori, et en l’absence de témoins visuels directs, le jeune militant a, au moment de déposer la charge, voulu effectuer une modification sur la minuterie du système de mise à feu. Un enquêteur pense que Yann Kel a du « brancher ses fils alors que le retard était réglé sur zéro minutes ». Certains ont émis l’idée que le jeune nationaliste a voulu déplacer sa charge en mesurant le danger potentiel pour la famille du militaire. La thèse d’une femme promenant son chien au même moment a également été avancée.
Le 2 octobre 1976, Yann-Kel Kernaleguen est enterré à Quimper devant plus de 1500 personnes venues de toute la Bretagne. En 1977, un an après les faits, le FLB revendiquait cinq attentats en indiquant que ces actions entraient dans le cadre de l’anniversaire de la mort de leur camarade.
Voici le texte de Xavier Grall, dans Le Cheval couché, éd. Hachette, 1977, 235 p., pages 234-235.
« J’ai fini. Mon pays, je le sais en recherche, attentif au mouvement de la mer (…). Quel nom avait-il ce très jeune garçon, mort en septembre, déchiré par la bombe qu’il avait l’intention de déposer sous les fenêtres d’un officier français ? Ah, oui, Jean-Michel Kernaleguen… Je ne le connaissais pas mais ses amis m’ont dit qu’il avait plongé sur sa meurtrière charge de plastic plutôt que d’attenter à la vie d’une famille qui se trouvait sur les lieux de l’attentat. Il s’était insurgé contre la militarisation de la campagne de Dineault (en breton Din Heol, près du soleil). Il est mort pour l’arbre et la rivière, pour la Bretagne, face au Menez Hom. Je le salue en ces dernières lignes. Je le salue affectueusement alors que l’adagio, ce mouvement apaisé, déploie en cette IXe symphonie, toute la tendresse du monde, alors que les vents de suroît retombent une nouvelle fois sur les hauts de Botzulan, alors que les pigeons allègres, couleur de l’arc-en-ciel, accrochent le soleil par-dessus les toits.
Oui, ce jeune homme s’appelait Jean-Michel Kernaleguen. Un beau nom. Le lieu du saule. Je crois savoir qu’un de nos bardes vient de lui consacrer une chanson (*). Il ne s’agit pas de monsieur Pierre-Jakez Hélias… Les chevaux couchés ne vont pas à la mer. Sous la cavalcade des nuages, le Menez Hom celtique, magique, maritime, attend que nous érigions une stèle à la mémoire du dernier de nos princes.
Nous laisserons aux vents d’Occident le soin d’y écrire les mots rituels, naturellement, amoureusement…
Près du soleil ! »
Automne-Hiver 1976-1977.
Crédit photo : DR (photo d’illustration)
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