Germinal, d’Emile Zola, adapté en série TV. Pari plutôt réussi

On se souvient de l’adaptation de Germinal, roman d’Emile Zola, signé Claude Berri dans les années 90 et adaptation fidèle du livre. Julien Lilti (Hippocrate) et David Hourrègue signent en cette année 2021 une mini série, en 6 épisodes, qui parcourt, plus en détails, cette histoire, marquante, de la littérature française.

Pour ceux qui n’auraient pas lu leurs classiques, Germinal, outre le fait qu’ils devraient s’y mettre malgré les insoutenables 20 pages nécessaires pour décrire une table posée dans un salon, Germinal raconte, sous le Second Empire (1863), un moment de la vie d’Etienne Lantier, un jeune chômeur devenu mineur, qui découvre dans le Nord de la France, la misère des travailleurs, les corons.

Ce dernier, dont la communauté reconnait rapidement les talents de leader, de meneur d’homme, va devenir l’instigateur d’une grève à l’encontre de la Compagnie des Mines qui a décrété la baisse du salaires des miniers qui ont déjà des conditions de travail pénibles. Une grève qui va entrainer les corons dans la spirale de la lutte sociale, mais aussi de la violence d’une bourgeoisie qui ne tolère pas que les prolétaires aspirent à briser leur condition de quasi esclaves….

La série compte au casting l’excellent (comme toujours) Thierry Godard, qui incarne Maheu à la perfection. Mais aussi Louis Perez, qui joue le rôle de Lantier (qu’on préférait peut être joué par Renaud finalement). On retrouve aussi Alix Poisson, époustouflante, Rose-Marie Perrault, ou encore Sami Bouajila incarnant Victor Deneulin. Politiquement correct oblige sans aucun doute, le rôle de Rasseneur, tenancier de l’établissement dans lequel viennent se rafraichir les mineurs après une dure journée de labeur, est joué par Steve Tiencheu. Ce qui ne colle pas vraiment à la description de Zola faite de Rasseneur qui décrit, « un gros homme débonnaire, rasé, l’air d’un cabaretier flamand ». 

Par rapport au film de 1993, la série apporte de la profondeur et de la noirceur. Les réalisateurs ont du temps pour pénétrer dans le quotidien des mineurs de fond, et pour dresser le portrait d’un monde qui nous rappelle à quel point les avancées sociales n’ont pas été acquises dans l’apaisement avec le grand patronat. L’ambiance est oppressante. On y voit la vie, peu enviable, de ces ouvriers et de leur famille, qui se battent, qui travaillent avec acharnement au quotidien simplement pour pouvoir avoir un morceau de pain, ou un bouillon, le soir sur la table. On y voit l’horreur, celle de voir mourir ses enfants de faim, sous ses yeux, tandis qu’à quelques kilomètres de là, de riches familles exploitantes déjeunent au caviar et au grand cru. Caricatural ? C’est en tout cas la vision et la description d’une époque par Emile Zola, une époque où l’on voit d’ailleurs naître le communisme, l’anarchisme aussi et la lutte contre le capitalisme.

On y découvre aussi d’ailleurs, venant de ce patronat, la soif de faire tourner les usines, coûte que coûte, au détriment des travailleurs locaux. D’abord les Belges pour remplacer les mineurs Français…puis dans la foulée, des années plus tard, les travailleurs d’Afrique du Nord, exploités eux aussi mais acceptant de faire le même travail que les autres pour une misère. La mise en concurrence au service d’une petite caste qui s’engraisse. « L’immigration n’enrichit que les patrons ». Du Germinal après la lettre…

Germinal est une bonne série (à découvrir sur le site de VOD Salto, ou en téléchargement). Certains reprocheront sans doute que la description des personnages ne soit pas totalement fidèle au roman d’Emile Zola. C’est certain. Il y a des adaptations (la relation entre Catherine Maheur et Chaval a été semble-t-il « adaptée » à notre siècle) et des anachronismes, notamment dans la façon qu’ont certains personnages de s’exprimer. On pourra trouver par ailleurs au final la série un peu courte, quelques épisodes supplémentaires auraient sans doute permis de mieux appréhender une période historique importante.

Elle reste une belle réalisation. Noire et sombre, comme l’était sans doute la vie d’un mineur de fond au 19ème siècle en France. Une réalisation qui, pour le coup, n’a rien à envier à quelques grosses productions américaines sorties ces dernières années. Quand le cinéma français produit quelque chose de correct (même si on regrettera encore une fois certains aspects politiquement corrects), il faut le souligner.

A vous de voir désormais !

YV

Crédit photo : DR (photo d’illustration)
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