L’Histoire de SEGA est l’une des plus complexes, riches et denses de toute l’industrie du jeu vidéo . Mais dans Génération SEGA, Régis Monterrin (que nous avions déjà interviewé pour Génération Jeux vidéo) vous propose un éclairage pour y voir enfin plus clair. Fruit de plus de dix ans de recherches et d’investigations, cet ouvrage vous fera voyager entre New York, Hawaï, Tokyo, Bruxelles mais aussi Paris. Vous découvrirez ainsi les véritables origines de SEGA, mais également comment la firme s’est imposée en France, grâce à de nombreux entretiens exclusifs avec des acteurs de l’époque.
Fait unique : le livre s’appuie sur des témoignages exceptionnels (descendants, acteurs historiques, documents d’archives…) et s’intéresse aussi, pour la première fois, à la naissance et l’émergence de SEGA Europe et SEGA France. Au travers de ce récit chronologique, le lecteur va donc découvrir comment le géant japonais a façonné son succès sur le Vieux Continent. L’ouvrage met également en lumière le passé d’un des piliers de l’entreprise, l’américain Irving Bromberg, qui a débuté dans les années 20 dans l’automobile.
176 pages remplies de documents visuels inédits (photos d’archives, publicités censurées…).
Ce volume 1 est divisé en 4 chapitres :
– Chapitre 1 : La genèse de SEGA (+ sélection de jeux électromécaniques)
– Chapitre 2 : À la conquête du monde (+ sélection de jeux d’arcade & sélection de jeux SG-1000)
– Chapitre 3 : Le lancement de la Master System (+ sélection de la Master System)
– Chapitre 4 : La stratégie de la Mega Drive (+ sélection de jeux Mega Drive & sélection de jeux Game Gear)
– Le train SEGA de 1993 : les souvenirs d’un champion
Pour en parler, nous avons interrogé l’auteur.
Breizh-info.com : Pouvez-vous de nouveau vous présenter à nos lecteurs ?
Régis Monterrin : Bonjour à toutes et tous. Je m’appelle Régis Monterrin, je viens d’atteindre l’aube de ma quarantième année, je suis marié et j’ai deux enfants, Yumi et Aloïs. Je vis dans le Morbihan, à environ une demi-heure de Vannes (juste à côté de Malestroit), et ça fait plus de quinze ans que je pose mes écrits dans la presse – papier et web – et l’édition de livres sur le jeu vidéo. Mon parcours est assez atypique, mais concrètement, j’ai fait ma scolarité à Malestroit et Ploërmel et en 2001, un magasin de jeux vidéo a ouvert ses portes juste à côté du lycée. Ce magasin s’appelait Terre de Jeux (le nom de mon blog aujourd’hui, www.terredejeux.net). J’étais en BTS Assistant de Direction, mais je suivais ce cursus pour bifurquer vers une autre voie professionnelle ensuite. Je ne rentrais pas vraiment « dans le moule », donc j’ai proposé à ce gérant de magasin de faire son site internet dans le cadre des actions en entreprise que nous devions réaliser. Et c’est en cherchant des partenariats que je suis tombé sur le site du magazine GameFan. On a d’abord fait un échange de bannières publicitaires (la grande mode à l’époque) puis j’ai fini par proposer mes services pour écrire. Tout a commencé comme ça. Comme c’était un petit milieu et que tout le monde se connaissait ou presque, j’ai été ensuite amené à travailler sur plein de magazines, le web et même sur la chaine de télévision Nolife. Désormais, mon activité se focalise sur le site Jeuxvideo.com et le magazine Jeux Vidéo Magazine. Côté édition, à l’exception du livre Générations Jeux Vidéo (GM Éditions), je travaille pour Omaké Books et Pix’n Love. Et tout ça sans jamais quitter mon foyer morbihannais, puisqu’Internet s’est développé au moment même où je suis entré dans le métier.
Breizh-info.com : Quelle est la Genèse de Génération SEGA ? Pourquoi avoir choisi 2021 pour sortir cela ?
Régis Monterrin : Si l’aura de SEGA n’est plus la même de nos jours, il n’en demeure pas moins que l’entreprise a été l’une des principales concurrentes de Nintendo dès la fin des années 1980. Nous sommes nombreux à garder un souvenir d’une ou plusieurs consoles de la marque : Master System, Mega Drive, Game Gear, Saturn ou encore Dreamcast. J’ai toujours eu un attrait pour SEGA car elle avait la particularité de proposer des jeux différents (souvent issus de l’arcade, ce qu’on trouvait dans les cafés ou salles dédiées) et une philosophie très éloignée de celle de Nintendo. Elle cassait vraiment les codes habituels du jeu vidéo. Et forcément, au moment où j’ai mis un pied dans le milieu journalistique du jeu vidéo, j’ai commencé à m’intéresser aux coulisses de cet entreprise. Cela m’a amené à prendre contact avec d’anciens acteurs de cette compagnie et j’ai emmagasiné une mine d’informations au fil du temps, jusqu’à obtenir des témoignages extraordinaires durant le confinement en mars/avril 2020 (les gens se retrouvaient chez eux et avaient plus de temps pour parler). À partir de là, le projet a pu accélérer et aboutir en 2021. Pourquoi cette année ? Il a fallu énormément de temps pour réunir un maximum d’informations sur la genèse de SEGA et sur la naissance de SEGA France, on a donc attendu le bon moment pour pouvoir proposer un ouvrage qui soit passionnant à découvrir.
Breizh-info.com : En quoi SEGA est une société qui a marqué l’histoire du jeu vidéo ?
Régis Monterrin : SEGA a été la principale concurrente de Nintendo au départ, surtout dans nos contrées européennes. Elle a marqué l’Histoire du jeu vidéo car elle était à contre-courant de son adversaire et misait énormément sur la technologie et le concept de ses jeux. Elle a toujours essayé d’être à la pointe des dernières tendances technologiques et a pris d’énormes risques (financiers, d’où une trésorerie malmenée) pour faire émerger des projets qui n’auraient jamais été lancés chez d’autres éditeurs/constructeurs. À l’image de Nintendo, elle avait une créativité débordante, mais à l’inverse de son concurrent, plus raisonné, elle allait souvent au bout de ce qu’elle entreprenait, quitte à subir un échec.
Breizh-info.com : Quelles ont été les meilleures ventes ? On se souvient de la mythique Master System, de la Mega Drive aussi…et de la Game Gear notamment. Il y a eu aussi quelques beaux flops…on pense à la Dreamcast qui semble avoir scellé le sort de Sega…après la Saturn. Racontez-nous…un petit peu ?
Régis Monterrin : L’Europe a été le point de départ de l’internationalisation de la marque SEGA. C’est sur le Vieux Continent que l’entreprise a connu ses premiers grands succès à la fin des années 1980. Au Japon, ce n’était pas un échec mais la compagnie ne pesait pas bien lourd face à Nintendo. On peut le dire aujourd’hui sans détour : sans l’Angleterre et la France, l’aura de SEGA n’aurait pas été la même. C’est véritablement dans ces deux pays que la marque s’est renforcée pour son rayonnement mondial. Rien que pour la Master System, lancée chez nous en juillet 1987, il n’a fallu atteindre que quelques mois pour que Master Games, la première entreprise à avoir commercialisé la console en France, écoule 30 000 pièces. Il y avait donc une réelle demande. Ensuite, le marché a littéralement explosé pour tous les acteurs de l’époque. C’était comme un grand 8 inarrêtable et les constructeurs ont suivi cette évolution en amenant de nouvelles consoles plus performantes et plus ambitieuses.
La Mega Drive fut l’apogée de la marque en occident, mais la France peut se targuer d’avoir été l’une des meilleures terres d’accueil pour la Game Gear. La portable et son écran couleur ont eu un très beau succès (moindre que la Game Boy bien sûr) avec 800 000 machines écoulées. Le problème, c’est qu’en parallèle, SEGA a lancé des modules additionnels (Mega CD, 32X…) qui ont complètement perdu le public. La Saturn, puis plus tard la Dreamcast ont alors payé cette perte de confiance, en plus de faire l’objet de décisions catastrophiques. Ce sera justement l’occasion d’en parler dans le futur volume 2.
Breizh-info.com : A quel niveau s’est porté la rivalité avec Nintendo ? Sega a-t-il eu, à un moment donné, le leadership ?
Régis Monterrin : En 1987, SEGA, par le biais de Master Games en France, a pris de l’avance sur Nintendo. On dénombrait ainsi 30 000 Master System pour 10 000 NES à la fin 1987. Ensuite, il y a eu divers évènements (racontés dans l’ouvrage) et Nintendo a repris le contrôle de la situation pour ne quasiment plus jamais la lâcher. Le seul moment où SEGA est parvenue à lutter contre Nintendo, c’était en 1992/1993 et uniquement en occident (Europe et États-Unis). Certains mois, la Mega Drive passait devant la Super Nintendo. Mais ce ne fut que temporaire et Nintendo a quasiment toujours été en tête de vente. Malgré cela, SEGA était un sérieux concurrent.
Breizh-info.com : A titre personnel, quels sont les jeux sortis sur plateformes SEGA qui vous ont marqué ? Et ceux qui ont eu le plus de succès ?
Régis Monterrin : La question est très difficile car elle implique beaucoup de jeux (à succès). Indéniablement, l’un des premiers qui me vient en tête est évidemment Sonic car il a été le tremplin de la réussite occidentale pour SEGA. Véritable phénomène, aujourd’hui ancré dans la pop-culture, le hérisson a ébranlé l’hégémonie de Nintendo et fait l’objet de jeux exceptionnels.
Il était proposé en pack avec la console et ça a été l’une des clés de son succès. Sur Saturn, l’un des titres emblématiques fut l’adaptation de Virtua Fighter, un jeu de combat qui a révolutionné le genre avec ses graphismes en 3D. Enfin, sur Dreamcast, Sonic Adventure, véritable première aventure en 3D du personnage, est la vitrine technologique de la console et le jeu qui sera le plus vendu sur ce support. Un incontournable !
Breizh-info.com : SEGA, ce sont aussi des publicités mythiques…exemple avec le punk de Shinobi…ça frappait fort à l’époque non ?
Régis Monterrin : Lorsque la filiale française de SEGA fut créée, des moyens importants ont été alloués au marketing et à la publicité. À l’époque, SEGA en France avait une agence de communication (Tequila), mais elle ne disposait pas d’agence de publicité. Les responsables de la filiale française se sont alors mis en quête d’agences de publicité susceptibles d’être intéressées par SEGA. La plupart ont balayé la proposition d’un revers de la main, à l’exception de l’agence Lintas. SEGA explique au directeur créatif et à ses employés que l’entreprise cherche à se démarquer de Nintendo et de son jeune public pour toucher les ados et, même les adultes. Par conséquent, le message doit être plus « rebelle ». Après réflexion, les créatifs de cette agence, Éric Niesseron et Philippe Foliard, vont alors avoir une idée géniale : mettre en scène un loubard en moto avec le slogan : SEGA, c’est plus fort que toi, qui peut se lire de deux manières. SEGA est le maître indétrônable par rapport aux joueurs et SEGA est si bien prenant qu’il est impossible de s’en passer. Plus tard, en faisant appel au réalisateur anglais, Barry Myers, le concept va évoluer pour devenir le punk inoubliable des publicités SEGA avec, comme décor une reproduction, dans une ambiance Blade Runner, de la gare Union Station de Los Angeles. Ce que je peux dire, c’est que l’équipe créative en charge de SEGA chez Lintas a mis le paquet. Et le directeur de l’agence, qui était plus âgé, s’est souvent décomposé en découvrant le résultat final des idées de ses employés.
Breizh-info.com : Vous vous arrêtez dans votre ouvrage à la Mega Drive, tout en annonçant un volume 2. Qu’est-ce qui change après Mega Drive ? Que préparez-vous pour la suite ?
Régis Monterrin : À l’origine, le livre était en un seul bloc, c’est-à-dire 7 chapitres très denses allant des années 1920, durant la période de prohibition américaine, à la fin de la Dreamcast en 2001. Mais rapidement, ne serait-ce que par le travail imposé par la relecture, l’amélioration et l’optimisation du texte, on a décidé avec l’éditeur (Florent Gorges, le fondateur d’Omaké Books a eu un rôle extrêmement important dans cet ouvrage, n’hésitant pas à apporter ses propres infos et à remodeler le récit pour qu’il soit le plus intelligible possible) de couper le livre en deux. Il y a donc un volume 2, contenant au minimum 3 chapitres, qui va s’intéresser aux modules additionnels (Mega-CD, 32X…), à la Saturn et à la Dreamcast. Couper de la sorte permet, en quelque sorte, d’avoir l’apogée dans le volume 1 et la chute dans le volume 2. Bien évidemment, l’Histoire n’est pas aussi simple qu’une confrontation entre la réussite et l’échec et c’est ce qui sera dévoilé dans ce futur volume.
Breizh-info.com : Pour les moins de 20 ans qui n’ont pas connu la génération SEGA, quels boitiers rétrogaming conseillez-vous pour retrouver quelques sensations de l’époque ?
Régis Monterrin : De nos jours, le jeu vidéo fait partie intégrante de nos vies et il y a un désir extrême de préserver le patrimoine vidéoludique. Pour découvrir ces jeux qui ont fait la force de SEGA, il existe de nombreuses possibilités. On peut notamment se tourner vers les compilations de jeux SEGA disponibles sur les consoles du moment, le PC et les mobiles. On peut aussi se procurer la Mega Drive Mini qui propose une vingtaine de jeux cultes sortis sur le support. Enfin, l’une des appareils les plus appréciés est le boitier Recalbox qui est une ode à la découverte vidéoludique.
Illustrations : DR
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