Quand l’Australie a décidé de commander à la France une douzaine de sous-marins à longue portée, on a salué un grand succès technique et commercial français. Patatras ! le succès vient de s’évaporer d’un coup : l’Australie déchire le contrat signé début 2019.
Il avait été négocié en 2016 par deux Bretons, Jean-Yves Le Drian, alors ministre de la Défense nationale, et Hervé Guillou, patron de la DCN (aujourd’hui Naval Goup), et un Angevin longtemps maire de Nantes, Jean-Marc Ayrault, alors ministre des Affaires étrangères. Ce succès était une surprise : longtemps on avait cru que les Australiens préféreraient l’offre japonaise. Le groupe allemand ThyssenKrupp avait également présenté une offre.
Les sous-marins devaient être construits à Adelaide, en Australie. Mais sur les 50 milliards de dollars australiens (plus de 33 milliards d’euros) du contrat, la part du lion devait aller à Naval Group. Cela aurait assuré du travail à quatre mille personnes, surtout à Cherbourg, à Lorient et dans la région nantaise (Indret et Bouguenais). Le groupe d’armement Thales aurait aussi été un important bénéficiaire du contrat.
Ayrault, Le Drian et les chiffons de papier
Le revirement de l’Australie obéit clairement à un motif politique : elle construira ses sous-marins avec les Américains et les Britanniques. C’est un volet d’un pacte de défense dit « Aukus » (pour Australia, UK, USA). L’annonce en a été faite par le Premier ministre australien Scott Morrison en liaison avec Joe Biden et Boris Johnson. Il avait pourtant rencontré Emmanuel Macron à Paris au mois de juin et s’était félicité de leur collaboration dans le cadre du contrat !
Jean-Yves Le Drian parle d’un « stab in the back » (coup de poignard dans le dos). Apparemment ni le président de la République, ni le ministre des Affaires étrangères n’avaient vu venir ce coup. Et les négociateurs du contrat l’avaient bien mal bordé.
Quoi ? Un contrat international pourrait n’être qu’un chiffon de papier ? Jean-Marc Ayrault et Jean-Yves Le Drian auraient pourtant dû y songer : quelques mois plus tôt, ils avaient refusé de livrer les frégates Mistral achetées à la France par la Russie ! Cette histoire d’arroseurs arrosés ne fait pas du tout rire les salariés bretons de Naval Group.
Illustration : Mistral non livré à la Russie « séquestré » à Saint-Nazaire en décembre 2014. Photo BI, droits réservés
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