Le conflit de l’école Holy Cross « The Holy Cross dispute » s’est déroulé entre 2001 et 2002 en Irlande du Nord, dans le quartier d’Ardoyne au nord de Belfast.
Ardoyne est une circonscription électorale homogène composée de catholiques. Le quartier protestant où est situé Holy Cross est inclus dans la circonscription électorale de Cliftonville et désigné dans la presse par le nom de Glenbryn, en référence à la voirie du quartier : Glenbryn Park, Glenbryn Drive, Glenbryn Gardens. Mais les protestants emploient le terme « Upper Ardoyne » pour désigner leur quartier. Un graffiti, repéré au début du mois de juin 2001, signale : You are now entering the Protestant Ardoyne (« Vous entrez dans le Ardoyne protestant »).
« Cette toponymie conflictuelle signale que le territoire est un enjeu. La violence est très présente dans ces quartiers de Belfast. Ils font partie du murder mile qui a compté 1/5 des décès dus aux « Troubles ». Ardoyne et Glenbryn sont séparés par la peaceline d’Alliance Avenue construite en 1971. Une autre peaceline, construite en juillet 1970, longe les deux côtés de Crumlin Road, séparant Ardoyne du quartier de Woodvale » écrit Florinn Ballif.
Une école primaire catholique, celle d’Holy Cross, située à la fin d’Ardoyne et au début d’Upper Ardoyne s’est ainsi retrouvée au cœur d’un quartier protestant. En juin 2001, des loyalistes commencent un piquet de grève devant l’école, souhaitant empêcher le passage des catholiques dans leur quartier.
L’incident se transforme en affrontement communautaire, la police anti-émeute, soutenue par l’armée britannique, devant escorter quotidiennement les enfants et leurs parents au milieu des jets de pierre, de bombes artisanales et parfois de tirs d’armes à feu. Les violences ont été condamnées aussi bien par les catholiques que les protestants, et certains ont comparé les événements à la ségrégation raciale aux États-Unis.
Le premier piquet de grève a eu lieu en juin, au cours de la dernière semaine d’école avant les vacances d’été. Puis arrivent l’été, avec des violences communautaires en marge des célébrations habituelles. La grève a repris le 3 septembre, lors de la rentrée scolaire, et a duré jusqu’au 23 novembre. Au total, les manifestations ont vu 8 civils, 122 policiers et 2 soldats blessés, en plus des dégâts matériels. En 2002, un bus de ramassage scolaire transporte les élèves, en faisant une cible moins facile
Ce conflit, quelques années seulement après la signature des Accords dites du Vendredi Saint, allait faire ressurgir violemment les tensions communautaires, et les rancoeurs, avec cette fois-ci, au coeur de la violence, des enfants, tramatisés.
Un journaliste de la BBC, envoyé en reportage sur place, raconte :
J’ai rencontré en Irlande du Nord surtout des gens bien, coincés dans leurs communauté et une histoire qu’ils n’ont pas écrite. Mais aussi des gens moins bien. Drumcree, Ormeau Road, Cluan Place, Short Strand, Whitewell, Ardoyne et Holy Cross. De tous ces noms, Holy Cross est celui dont je me souviens le mieux, avec une très bonne raison.
Le bastion catholique Ardoyne est à côté du bastion protestant de Glenbryn. Une interface comme une autre, mais avec une grande différence. Nichée à l’extrémité de Glenbryn de la route d’Ardoyne se trouve l’école primaire catholique Holy Cross Girls’ School. Et pendant un certain temps en 2001, avant qu’un événement encore plus grave à New York ne la remplace dans la conscience collective du monde, elle a fait les gros titres dans le monde entier. Voici pourquoi.
Aucune communauté vivant de part et d’autre des nombreux murs de paix de Belfast n’avait le monopole des griefs, et cet été-là, il y en avait beaucoup. Les attaques d’un côté à l’autre allaient dans les deux sens et Ardoyne en a vu plus que sa part. Vingt ans plus tard, les protagonistes de l’époque se disputent toujours les responsabilités.
Ce qui suit est mon souvenir d’une situation que je n’oublierai jamais, pas plus que tous ceux qui en ont été témoins. Au cœur de cette situation se trouvent les innocents qui fréquentaient l’école de filles Holy Cross.
Des habitants ont affirmé que des protestants avaient été attaqués alors qu’ils installaient des drapeaux fin juin, juste avant la fin du trimestre d’été. L’un d’entre eux aurait été renversé d’une échelle. Comme d’habitude, cela est contesté.
Mais ce qui n’est pas contesté, c’est que l’école a ensuite été pointée du doigt par des manifestants loyalistes – une situation qui est restée sans solution tout l’été jusqu’à la rentrée de septembre. Tout le monde se souvient des filles, dont certaines pleuraient, que les parents ont emmenées à l’école avec la police pour les protéger des personnes en colère qui criaient des insultes de « l’autre côté ».
Quels que soient les raisons de la cause à l’origine de cette forme de protestation, ils se sont perdus dans les visages terrifiés des filles obligées de subir une journée d’école pas comme les autres. Le mercredi matin fut le pire. Une bombe artisanale a été lancée, probablement en direction de la police, mais l’explosion a été suffisamment forte pour rendre les enfants hystériques.
Le lendemain matin, la marche vers l’école a été retransmise en direct à la télévision et à la radio pour un monde qui n’arrivait pas à croire ce qui se passait. Mon travail consistait à relayer l’information en direct dans l’émission Good Morning Ulster de la BBC Radio Ulster, qui est restée à l’antenne bien après l’heure de fin prévue.
Je l’ai fait dans le son assourdissant des sifflets des manifestants. Mais, heureusement, il n’y a plus eu de bombes artisanales et les enfants sont passés au travers.
Voici quelques reportages sur les évènements, ci-dessous :
Photo d’illustration : DR
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