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Le Groupe Castel, géant français du sucre et des boissons, accusé d’avoir fermé les yeux sur des atrocités de masse en Afrique centrale

Un nouveau rapport d’enquête publié cette semaine par The Sentry ( une équipe d’enquête qui traque l’argent sale lié à des criminels de guerre africains et des profiteurs de guerre transnationaux, et cherche à exclure du système financier international les personnes tirant profit de la violence) révèle qu’une filiale centrafricaine du Groupe Castel, un géant de l’agroalimentaire et des boissons qui génère plusieurs milliards de dollars de chiffre d’affaires chaque année, aurait financé et apporté son soutien à des milices brutales responsables de massacres, d’enlèvements, d’actes de torture, de recrutement d’enfants soldats, de violences sexuelles et basées sur le genre, et d’attaques meurtrières contre des camps de déplacés abritant des dizaines de milliers de personnes. 

Le rapport de The Sentry, « Culture de la violence : Le Groupe Castel, géant français du sucre et des boissons, lié au financement de milices armées en République centrafricaine », expose une multitude d’éléments probants qui détaillent la manière dont la filiale du Groupe Castel, la Sucrerie Africaine de Centrafrique (SUCAF RCA) a conclu un accord tacite de sécurité avec le groupe criminel, Unité pour la paix en Centrafrique (UPC), bien connu pour sa brutalité. L’objectif apparent de cet arrangement était de sécuriser l’usine et les champs de canne à sucre de la SUCAF RCA, d’assurer la libre circulation des transporteurs sur les axes routiers clés et d’aider à assurer le monopole de la société sur la distribution du sucre dans plusieurs préfectures sous contrôle rebelle. En contrepartie du soutien de l’UPC, la SUCAF RCA a financé cette milice violente par le biais de paiements directs et indirects en espèces, ainsi que par un soutien en nature sous forme de réparations de véhicules et d’approvisionnement en carburant. Le chef de la milice, le général autoproclamé Ali Darassa, et l’ancien coordinateur politique de l’UPC et actuel ministre de l’Élevage et de la Santé animale Hassan Bouba ont tous deux été les principaux bénéficiaires de cet accord financier avec la SUCAF RCA.

John Prendergast, cofondateur, The Sentry, déclare : « La République centrafricaine est assiégée par des intérêts prédateurs tant étrangers que nationaux, qui tirent profit d’un état de guerre permanent. La communauté internationale devrait se concentrer sur les motivations financières de certains acteurs qui alimentent les atrocités de masse dans le conflit centrafricain et veiller à ce que les entreprises ne puissent pas obtenir d’avantages commerciaux en finançant des groupes criminels responsables de graves exactions. Les entreprises telles que les filiales du Groupe Castel opérant dans le secteur sucrier centrafricain devraient faire l’objet d’une enquête et être tenues pleinement responsables de toute potentielle complicité de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité. Des enquêtes judiciaires devraient être engagées immédiatement dans toutes les juridictions concernées, et les victimes devraient être indemnisées ».

 

Nathalia Dukhan, enquêtrice senior, The Sentry, déclare : « Le quasi-monopole du secteur sucrier dont jouissent les filiales du Groupe Castel depuis vingt ans ne profite pas aux Centrafricains. La population est non seulement contrainte d’acheter le sucre le plus cher d’Afrique centrale, mais l’argent versé pour ce produit de première nécessité a aussi aidé à financer ses bourreaux ».

Les informations contenues dans le rapport de The Sentry démontrent que la SUCAF RCA et sa société mère basée à Paris, la Société d’Organisation de Management et de Développement des Industries Alimentaires et Agricoles (SOMDIAA), ainsi que le consultant en sécurité de la SOMDIAA, le général français à la retraite Bruno Dary, ont été régulièrement informés des violations flagrantes des droits de l’homme commises par l’UPC, des atrocités de masse que les Nations Unies ont identifiées comme constituant potentiellement des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité. Les investigations de The Sentry ont révélé que, malgré cette connaissance, la direction de la SUCAF RCA a continué à fournir un soutien financier et logistique à des groupes criminels (principalement, mais pas exclusivement à l’UPC) pendant plus de six ans, contribuant ainsi à alimenter le conflit armé en République centrafricaine. 

Oliver Windridge, conseiller senior, The Sentry, déclare : « Ce rapport expose l’implication potentielle d’entreprises dans des crimes internationaux d’une gravité extrême. Le financement présumé de milices responsables d’atrocités par des entreprises nécessite une réponse immédiate, ciblée et transparente tant au niveau national qu’international. Cette réponse devrait constituer un test décisif pour la responsabilité des entreprises potentiellement complices d’atrocités de masse dont l’ampleur n’avait pas été constatée depuis l’affaire Lafarge ».

 

Justyna Gudzowska, directrice de la stratégie sur le financement illicite, The Sentry, déclare : « Étant donné la révélation qu’une filiale du Groupe Castel a potentiellement fourni un soutien logistique et financier à des groupes armés impliqués dans des atrocités en Centrafrique, il incombe aux institutions financières et autres acteurs du secteur privé qui ont des relations d’affaires avec les entités nommées dans ce rapport de faire preuve de diligence raisonnée pour s’assurer qu’ils ne financent pas indirectement des milices violentes. Tant que les sociétés du Groupe Castel concernées n’auront pas fait en sorte de mettre fin à ce soutien et n’auront pas procédé à une divulgation complète aux autorités, toute entité qui ferait affaire avec ces filiales pourrait s’exposer à un risque juridique, réglementaire et de réputation important.

Sur la base des conclusions de ce rapport, The Sentry propose une série de recommandations stratégiques urgentes, qui sont entièrement détaillées à la fin du rapport et mises en évidence ci-dessous.

Recommandations stratégiques :

  • Le parquet national antiterroriste français devrait ouvrir une enquête urgente sur les allégations de complicité et la responsabilité pénale potentielles des filiales du Groupe Castel — principalement mais pas exclusivement la SOMDIAA basée à Paris et la SUCAF RCA basée en RCA — en matière de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité en vertu du Code pénal français. Le parquet français devrait également enquêter sur la mise en danger délibérée de la vie des employés de la SUCAF RCA, ainsi que sur toutes autres infractions économiques et financières liées aux allégations de saisies et de contrebande de sucre décrites dans ce rapport d’enquête.
  • Les parquets de la Cour pénale internationale (CPI) et de la Cour pénale spéciale de la République centrafricaine (CPS) devraient entreprendre un examen urgent des preuves présentées dans ce rapport et ouvrir une enquête sur les crimes de guerre et crimes contre l’humanité présumés commis par l’UPC et la potentielle complicité de leurs facilitateurs, en particulier la SOMDIAA et la SUCAF RCA, dans le contexte de la recrudescence de la violence en RCA à partir de décembre 2012. La CPI et la CPS devraient encourager la coopération entre les acteurs internationaux et nationaux et s’attaquer plus directement aux motifs financiers qui alimentent les atrocités de masse dans le conflit centrafricain.
  • Les sociétés, les actifs et les actionnaires qui constituent l’empire d’affaires de Pierre Castel devraient immédiatement fournir aux autorités compétentes tous les documents liés à ce rapport qu’ils ont en leur possession, et entreprendre une enquête ouverte et transparente sur les liens présumés entre leurs entreprises et le conflit armé en RCA. Les entreprises concernées et leurs conseils d’administration respectifs devraient également lancer d’urgence un audit de diligence raisonnable complet en matière de droits de l’homme et de lutte contre la corruption de leurs opérations en République centrafricaine par l’intermédiaire d’un tiers externe.
  • Les autorités de contrôle de la République centrafricaine devraient ouvrir une enquête urgente sur la responsabilité pénale potentielle qui découle de ce rapport, en particulier en référence aux allégations de crimes de guerre et aux crimes contre l’humanité perpétrés par Ali Darassa et l’actuel ministre centrafricain de l’Élevage, Hassan Bouba, et collaborer avec d’autres autorités judiciaires concernant la complicité potentielle des filiales du Groupe Castel, la SOMDIAA et la SUCAF RCA, dans des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité.
  • Les Nations Unies, l’Union européenne, les États-Unis et le Royaume-Uni devraient enquêter et, le cas échéant, procéder à des désignations de sanctions à l’encontre des leaders de l’UPC ainsi que du réseau d’individus et d’entités lié aux filiales du Groupe Castel mis en évidence dans ce rapport. Les autorités devraient chercher à suivre les actifs liés au produit de cette activité et, le cas échéant, les confisquer et fournir les ressources à des fins de développement.

Lire le rapport complet : https://thesentry.org/reports/culture-de-la-violence/

Crédit photo :

[cc] Breizh-info.com, 2021, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine

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3 réponses à “Le Groupe Castel, géant français du sucre et des boissons, accusé d’avoir fermé les yeux sur des atrocités de masse en Afrique centrale”

  1. Antoine B. dit :

    Vous devriez éviter de faire écho à ce genre d’accusations venant d’ONG anglo-saxonnes contre des entreprises françaises. Il s’agit de dénoncer des entreprises qui essaient de continuer à travailler dans un environnement dangereux en protégeant ceux qui travaillent avec elles. Du coup, elles sont soumises au racket des groupes violents et, maintenant, subissent en plus le racket « moral » d’organisations ne rendant de compte à personne sinon à des bailleurs de fonds que l’on peut imaginer. Souvenez-vous des campagnes de Greenpeace contre l’industrie nucléaire française, pour le plus grand bien des compagnie pétrolières.

  2. patphil dit :

    l’argent n’a pas d’odeur, maintenant il n’a pas de couleur

  3. Marc dit :

    Grâce à des sociétés comme Castel, de nombreux africains ouvriers et cadres travaillent pour leur pays, le courage est du côté de ceux qui osent encore investir dans ce ou ces pays ravagés par des par le racket, la corruption, la guerre que ces ONG type The Sentry oublie sciemment de mentionner. Dommage que BZH leur donne une si belle tribune.

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