Vingt ans après que l’ancien président américain George W. Bush a lancé sa « guerre contre la terreur », l’Afghanistan est devenu le pire échec de la politique étrangère de Washington de ces dernières décennies. Le 1er août, les talibans ne contrôlaient aucune capitale provinciale en Afghanistan, mais en seulement un demi-mois, ils contrôlent désormais la capitale historique Kandahar (515 000 habitants), située dans le sud du pays ; Herat (640 000 habitants), un bastion à l’ouest ; Jalalabad (356 000 habitants) à l’est ; et surtout Kaboul (4,4 millions d’habitants), la capitale du pays.
La prise de ces villes s’est faite par une campagne éclair des talibans, particulièrement rapide quand on sait que l’administration Biden s’était engagée à retirer la plupart de ses forces armées d’Afghanistan avant le 31 août. Il semble qu’en dépit de cette promesse, les talibans n’ont pas perdu de temps pour contrôler l’écrasante majorité du pays.
L’occupation américaine a commencé comme une campagne de vengeance supposée contre les auteurs de l’attaque terroriste du 11 septembre, mais elle s’est maintenant transformée en chaos total et en échec pour les États-Unis, surtout si l’on considère que plus de 3 562 vies de la coalition (2 420 Américains) ont été prises à cause de la guerre. Ce qui a commencé comme une guerre visant à détruire les camps d’entraînement d’Al-Qaida en Afghanistan et à écarter du pouvoir ceux qui les soutenaient, a vu les États-Unis, à peine une décennie plus tard, s’appuyer sur ces mêmes idéologues pour tenter de chasser Bachar al-Assad du pouvoir en Syrie après avoir fait massacrer Mouammar Kadhafi en Libye.
La Watson Institution de l’université Brown a découvert que le montant estimé des coûts directs des guerres en Afghanistan et en Irak que les États-Unis ont financé par la dette à partir de 2020 s’élève à environ 2 000 milliards de dollars. On estime que les coûts d’intérêt d’ici 2050 peuvent s’élever à 6,5 billions de dollars. Avec plus de 200 000 personnes tuées en vingt ans et des billions de dollars dépensés en Afghanistan, on peut se demander pourquoi le gouvernement américain a tenu pendant des années des discussions secrètes et officielles avec les talibans sans la présence du gouvernement officiel de l’Afghanistan, qui était censé être un allié des États-Unis.
Selon le Dr Emad Abshna, il est clair que les Américains avaient conclu des accords avec les talibans en coulisses et qu’il ne leur restait plus qu’à retirer leurs troupes pour éviter le chaos. L’ancien ambassadeur afghan en Grèce et ancien ministre de la culture, Omar Sultan, a déclaré : « Je crois que les États-Unis ont passé un accord avec les talibans en l’absence du gouvernement afghan. Un accord dont personne ne connaît les détails, sinon cela ne se produirait pas. »
Il est largement admis que les États-Unis ont conclu un accord avec les talibans. Il n’est pas difficile d’imaginer qu’un tel accord aurait inclu l’industrie extrêmement rentable des opioïdes en Afghanistan, quelque chose dont la CIA a profité énormément et qu’il est peu probable qu’elle abandonne si facilement. Toutefois, les aspects les plus obscurs de l’accord seront probablement passés sous silence par les critiques si l’administration Biden parvient à convaincre les talibans d’accorder des libertés supplémentaires aux personnes qu’ils n’autorisaient pas lors de leur précédent passage au pouvoir. De cette façon, il peut sembler que Biden a obtenu des progrès sociétaux en Afghanistan pour justifier pourquoi c’était le bon moment pour se retirer du pays.
Il est probable que George W. Bush, qui était président à l’apogée de l’ordre mondial unipolaire américain, prévoyait une prise de contrôle facile de l’Afghanistan afin de forcer l’ouverture d’une porte d’entrée en Asie centrale, riche en ressources. À cette époque, la Russie se remettait encore du chaos des années 1990 et la Chine n’était pas aussi développée et compétitive sur le plan économique.
La décision d’envahir l’Afghanistan s’est avérée être l’un des plus grands échecs des États-Unis depuis plusieurs décennies, car elle a non seulement entraîné le gaspillage de milliers de dollars et de centaines de milliers de vies, mais elle n’a pas non plus permis de prendre pied en Asie centrale. Au cours des vingt années qui ont suivi le début de l’occupation, non seulement la Russie s’est stabilisée depuis l’effondrement du communisme européen et a rajeuni son armée, mais la Chine est désormais la plus grande menace économique pour la mainmise des États-Unis sur l’économie mondiale. La Russie et la Chine sont toutes deux en excellente position pour exploiter les ressources de l’Asie centrale, une région dont les États-Unis sont actuellement exclus.
Ainsi, les États-Unis se retirent cyniquement et rapidement d’Afghanistan en sachant pertinemment qu’ils n’ont rien obtenu en termes de géopolitique. Washington espère probablement qu’en se retirant de cette manière, les talibans et d’autres groupes djihadistes s’affronteront pour combler le vide, et déstabiliseront ainsi toute la région. Toutefois, même cela pourrait s’avérer un échec si la détérioration de la situation en Afghanistan peut être contenue à l’intérieur de ses frontières et si la Russie et la Chine concluent un accord avec les talibans, tout comme les États-Unis l’ont probablement fait en secret.
Paul Antonopoulos, (Infobrics, traduction breizh-info)
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Une réponse à “Afghanistan : le pire échec américain de ces dernières décennies”
les afghans ont mis en déroute les gendarmes du monde anglais au 19è siècle, soviétiques au 20è et américains au 21è!
chacun chez soi; les afghans vont maintenant pouvoir se libérer des talibans oppresseurs si on leur fourni des armes
lecteur, souvenez vous de Camerone, de l’indochine française, de l’algérie, de beyrouth, et aujourd’hui du sahel, les gouvernements ont envoyé nos jeunes se faire trouer la peau pour « défendre la patrie ou la civilisation » pour rien en réalité !