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Les marchés publics de Grenoble inquiètent Nantes

La garde à vue d’Éric Piolle, il y a deux mois, a fatalement provoqué une certaine inquiétude à la mairie de Nantes. Le maire EELV de Grenoble n’a pas été mis en examen et parle d’un « débat technique ». Mais ce débat pourrait se prolonger sur les bords de la Loire. Il tourne autour de marchés publics passés par la ville de Grenoble sans mise en concurrence. À la suite d’un rapport de la chambre régionale des comptes rendu le 1er juin 2018, la justice a ouvert une enquête pour délit de favoritisme.

Le principal cas litigieux concerne une fête municipale, la bien nommée Fête des Tuiles. Son organisation a été confiée sans publicité à deux associations, contrairement aux principes de la commande publique. Selon Éric Piolle, il était possible de déroger à ces principes. Le contrat portait en effet sur « la création ou l’acquisition d’une œuvre d’art ou d’une performance artistique unique » – un cas prévu par la loi.

La Chambre n’est pas d’accord. L’œuvre d’art ou la performance artistique concernée doit avoir un caractère unique et exclusif. Grenoble aurait dû prouver qu’elle avait acheté une fête créée par son prestataire et pas à sa propre initiative. Le service des marchés publics de Grenoble, conscient du problème, avait refusé de valider la commande. Il en avait laissé la responsabilité à la direction de la communication.

Comme les Tuiles, en plus cher

L’affaire de l’Arbre aux Hérons, à Nantes, n’est pas sans ressemblance avec celle de Grenoble. Et si les marchés des Fêtes des Tuiles 2015 et 2016 portent au total sur 300 000 euros, on parle à Nantes de 52,4 millions d’euros ! C’est ce que devrait coûter ce projet vieux d’une quinzaine d’années. Johanna Rolland a annoncé une décision à la fin de l’année.

Nantes Métropole s’astreint aujourd’hui à respecter deux éléments de langage. Un, l’Arbre aux Hérons est une œuvre d’art. Deux, il sera acheté à ses créateurs dans son état final, comme un élément unique produit par eux. Ces conditions sont nécessaires pour se passer d’appels d’offres (art. R2122-3 du code de la commande publique).

Selon un principe constant du droit public, il appartiendra à Nantes Métropole de prouver que ces conditions sont réunies. Cela s’annonce difficile. À Grenoble, note la Chambre, le spectacle n’est pas une initiative de l’association. En effet, celle-ci a été préalablement rémunérée par la ville pour le concevoir. La situation est analogue à Nantes. Nantes Métropole a financé ces dernières années – déjà sans mise en concurrence pour l’essentiel – environ 6 millions d’euros d’études techniques portant sur la construction de l’Arbre aux Hérons. Les dépenses sont libellées « Arbre aux Hérons – études » dans sa comptabilité.

Sujet sensible

Le prestataire de Grenoble avait tenté de prouver qu’il détenait une exclusivité sur le spectacle. Pour cela, il avait déposé le nom de celui-ci à l’Institut national de la propriété industrielle (Inpi). La Chambre écarte cet argument car le dépôt n’avait été effectué qu’au moment où le contrat était passé avec la ville. La situation à Nantes est encore moins équivoque : la marque « Arbre aux Hérons » appartient à Nantes Métropole depuis le 13 avril 2017.

Ce qui coince à Grenoble risque de coincer aussi à Nantes. Car « le juge administratif est très restrictif sur l’absence de publicité et de mise en concurrence pour des raisons artistiques », souligne la Chambre. Elle cite entre autre un arrêt de la cour administrative d’appel de Nantes dans une affaire d’édition d’un bulletin confiée à un cabinet nantais par la région des Pays de la Loire. Nantes Métropole, consciente de la fragilité du dossier, a d’ailleurs recours aux conseils d’un avocat spécialement pour cette affaire.

Il y aurait bien un moyen pour réaliser sans risque juridique cet Arbre aux Hérons auquel la municipalité Rolland semble tenir. Ce serait de respecter le code de la commande publique. Car le traitement dérogatoire des œuvres d’art est juste une possibilité ouverte par le code, pas une obligation. Cette solution transparente – et potentiellement moins coûteuse – semble pourtant rejetée. D’ailleurs, sous couvert d’études, Nantes Métropole a déjà acheté un élément majeur (l’un des hérons), moyennant 2,88 millions d’euros.

Le sujet est sensible à Nantes. Jean-Marc Ayrault, ancien maire de Nantes, avait été condamné à six mois de prison avec sursis en 1997 pour ce genre de choses. Johanna Rolland, qui compte participer activement à la campagne présidentielle du Parti socialiste, préférerait éviter de faire des vagues. Et la cinquantaine d’entreprises* affichées comme mécènes de l’Arbre aux Hérons détesteraient voir leur nom mêlé à une affaire litigieuse.

* Crédit Mutuel, Intermarché, Bati-Nantes, Charier, Idéa Groupe, CETIH, Cameleon Group, Cryo-West , SFCMM, Adekma, Harmonie Mutuelle, UIMM, Maison Berjac, Atlantis, Les Pépinières du Val d’Erdre, Dintec, Brémond, Bretagne Oxycoupage, Fourélagadec, Idea Industries, Wirquin, Maisons du monde, Marignan, Maison DV, Baker Tilly Strego, La Fraiseraie, teraBell, id verde, CTE Aménagement et environnement, Mismo, Plein Centre, CEMétal, Guilberteau, Eugénie, Bélénos, Thierry Immobilier, Coffrage équipage, Services voltige, Guesneau copropriétés, O’Deck, Misp Propreté, Eole Consultant, Valeuriad, Grama

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