Tourné en 1921, le film expressionniste Les Trois Lumières est enfin édité en DVD. Fritz Lang voulait y démontrer qu’on ne peut pas lutter contre son destin.
Aux abords d’une petite ville, la Mort (Bernhard Goetzke), sous les apparences d’un mystérieux étranger au visage grave et triste, vêtu d’une lugubre cape noire, monte dans une diligence où se trouve un couple d’amoureux. L’étranger achète un terrain près du cimetière, l’entourant d’une impressionnante muraille ne comportant pas de porte. La jeune fille (Lil Dagover) s’inquiète car son bien-aimé (Walter Janssen) a disparu. Elle voit les morts, dont le spectre de son amoureux, pénétrer dans l’étrange propriété de l’étranger. Comprenant que l’étranger est en réalité la Mort, elle le supplie de lui rendre son bien-aimé. La Mort lui montre alors trois lumières dont chacune représente une vie. La Mort lui promet de lui rendre son fiancé si, transportée avec lui dans trois époques différentes, elle parvient à sauver l’une des trois vies. A Bagdad, au IXème siècle, un infidèle amoureux de la sœur du Calife périt à la demande de ce dernier des mains du jardinier, qui en réalité est La Mort. A Venise, au XVIIe siècle, pendant le carnaval, le riche Girolamo, qui désire la belle Monna Fianetta, fait assassiner l’amant ce celle-ci par son serviteur noir, qui n’est autre que La Mort. Au palais du tyrannique Empereur de Chine, le magicien A Hi lui offre une armée miniature et un cheval volant. Mais l’Empereur est surtout intéressé par la fille du magicien. Fuyant avec son bien-aimé, elle ne peut empêcher l’Archer impérial de tuer celui-ci. Malgré ces trois échecs, La Mort donne à la jeune fille une dernière chance : elle doit lui amener dans l’heure une autre vie en échange de celle du jeune homme. Mais lorsqu’un incendie accidentel menace la vie d’un nouveau-né, l’héroïne préfère le sauver des flammes. Avouant son échec, la jeune fille décide alors de rejoindre celui qu’elle aime au royaume de la mort.
Les Trois Lumières (Der müde Tod) est un drame fantastique allemand, muet en noir et blanc, réalisé par Fritz Lang, sorti le 6 octobre 1921.
Sur le plan artistique, ce beau film expressionniste contient de nombreuses scènes fascinantes : le cimetière entouré d’une impressionnante muraille, la forêt de cierges allumés… Les effets spéciaux (les fantômes, les soldats miniatures) sont très réussis pour l’époque. Les acteurs sont excellents, notamment l’émouvante Lil Dagover (qui joue les quatre amoureuses) et le terrifiant Bernhard Goetzke (dans le rôle de la Mort).
Le scénario révèle une certaine méfiance envers les civilisations étrangères (les tyranniques calife musulman et empereur chinois). Une scène montre les musulmans vociférer de haine envers un chrétien qui aurait profané un sanctuaire.
Mais le thème principal est celui de la destinée. Fritz Lang expliquait que la caractéristique principale de ses films est le combat de l’homme contre le destin, en ajoutant « c’est le combat qui importe, non le résultat ». Dans ce film, l’héroïne tente de défier la Mort, laquelle révèle qu’elle obéit à Dieu. La jeune fille croit que « l’amour est plus fort que la mort ». Elle découvrira que nul ne peut échapper à son destin. Ce scénario est signé Théa von Harbou, qui a puisé son inspiration dans plusieurs contes populaires germaniques dont Histoire d’une mère d’Andersen et La Mort marraine des frères Grimm.
Le réalisateur Fritz Lang (1890-1976) naît dans une famille de la grande bourgeoisie autrichienne catholique. Pendant la Première Guerre mondiale, il est nommé lieutenant et décoré sept fois. Après son premier succès cinématographique en 1919 (Les Araignées), il rencontre Thea von Harbou (1888-1954), sa future femme et scénariste. Conservatrice et nationaliste, elle adhère au parti nazi. Bernard Eisenschitz, réalisateur et historien du cinéma, considère « que Harbou a été indispensable à Lang. Lang n’était qu’un cinéaste peu cultivé… il lui fallait trouver des éléments dramatiques propres au cinéma, ces clichés dont on fait les légendes. Harbou lui a merveilleusement fourni les matériaux de ces constructions, tout en se soumettant à sa critique et à son besoin de rigueur… Quant aux ambiguïtés idéologiques, elles étaient partagées par Von Harbou et Lang… ». Fritz Lang réalise alors plusieurs chefs d’œuvre sur le destin et la mort (Les Trois Lumières, 1921), les organisations criminelles (Docteur Mabuse Le Joueur, 1922), les grandes légendes germaniques (Les Nibelungen, 1924), le danger de l’espionnage communiste (Les Espions, 1928), les tueurs en série (M le maudit, 1931). Il est l’un des pionniers du cinéma de science-fiction avec Metropolis (1926) et La Femme sur la Lune (1929). Puis, en 1933, il divorce de Thea von Harbou, rejoint les Etats-Unis et cherche à démontrer son opposition au nazisme. Il raconte qu’il a fuit l’Allemagne parce que Joseph Goebbels, ministre de la propagande, lui avait proposé d’être à la tête du cinéma allemand. À Hollywood, Fritz Lang réalise une trilogie policière (Furie, J’ai le droit de vivre, Casier judiciaire), deux westerns (Le Retour de Frank James, Les Pionniers de la Western Union) et des films dénonçant le nazisme : Chasse à l’homme (1941), Les bourreaux meurent aussi (1943), Espions sur la Tamise (1944) et Cape et Poignard (1945). Il continue son œuvre après la guerre avec encore quelques chefs d’œuvre, notamment des films policiers (L’Invraisemblable Vérité en 1956) et des films d’aventures (Les Contrebandiers de Moonfleet en 1954, Le Tigre du Bengale et Le Tombeau hindou en 1959). Il achève son œuvre par Le Diabolique docteur Mabuse (1960).
Kristol Séhec
Les Trois Lumières, DVD, 14,82 euros, Films sans frontières.
Crédit photos : DR
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Une réponse à “Les Trois Lumières, chef d’œuvre de Fritz Lang, a 100 ans !”
les nibelungen : le film est magnifique ; certains metteurs en scene d’aujourd’hui seraient bien avisés de s’en inspirer parce que vu le niveau du dernier festival de cannes … hum !!