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Chine. L’Inde maintient une position internationale pragmatique, mais les États-Unis exigent un alignement plus fort.

Il est indéniable que ces dernières années, l’Inde s’est efforcée d’établir des relations solides avec les États-Unis, formant une alliance importante pour faire face à la question chinoise. Pour Washington, les liens avec New Delhi constituent une étape clé dans ses ambitions sur le continent asiatique, mais on peut se demander dans quelle mesure l’Inde s’aligne sur son partenaire américain. Les événements récents montrent que la politique étrangère indienne est absolument pragmatique, avec une coopération mais aussi des frictions avec les États-Unis, en fonction de la situation spécifique.

Les 28 et 29 juillet, la douzième édition de l’exercice militaire conjoint indo-russe (communément appelé « INDRA ») a eu lieu. Créé en 2003, ce programme réunit les marines russe et indienne dans des opérations conjointes où sont testées des tactiques et des technologies militaires, renforçant ainsi les liens de diplomatie militaire et de coopération bilatérale. Cette année, la marine indienne était représentée par la frégate furtive INS Tabar, tandis que la marine de la Fédération de Russie était représentée par les corvettes RFS Zelyony Dol et RFS Odintsovo de la flotte de la Baltique.

Plusieurs manœuvres ont été effectuées au cours des exercices, notamment des opérations de flotte, des tirs anti-aériens, des simulations de ravitaillement, d’embarquement et de navigation, ainsi que des vols d’hélicoptères et des exercices d’aviation navale. Plus de 4 000 soldats ont participé aux opérations, en plus de 54 navires et 48 avions.

Bien que de tels exercices soient déjà devenus une véritable tradition dans les relations bilatérales entre la Russie et l’Inde, l’épisode de cette année intervient à un moment particulièrement délicat, alors que Washington accentue la pression pour que New Delhi décline sa coopération avec Moscou, notamment sur les questions militaires. Alors que les exercices se déroulaient sur les côtes russes, le secrétaire d’État américain Antony Blinken a une nouvelle fois averti le gouvernement indien des « préoccupations » américaines concernant l’achat d’armes russes. En 2018, l’Inde a signé un contrat d’une valeur de 5 milliards de dollars pour l’acquisition de systèmes antimissiles russes S-400, qui seront reçus par New Delhi fin 2021. À mesure que la date de livraison des S-400 approche, Washington intensifie sa pression pour que le contrat soit annulé.

Le S-400 (SA-21 Growler dans la classification de l’OTAN) est une arme russe très puissante, capable d’abattre des engins aériens à technologie furtive, des missiles de croisière, des missiles balistiques tactiques et tactiques-opérationnels. Avec une portée allant jusqu’à 400 kilomètres, le système russe peut atteindre des cibles à très haute altitude, étant beaucoup plus efficace que les armes actuelles utilisées par les forces armées indiennes. La valeur stratégique de ce système révèle les bonnes et stables relations entre la Russie et l’Inde, sachant que les relations commerciales de produits militaires sont limitées par les interactions diplomatiques. Et ces bonnes relations avec la Russie sont précisément la principale préoccupation de Washington pour l’Inde.

Le plan de Washington est de faire de l’Inde un allié absolu. Les rivalités avec la Chine ont rapproché de plus en plus les deux pays, notamment dans le cadre des relations militaires au sein du Dialogue de sécurité quadrilatéral (QUAD). Le problème auquel le gouvernement américain ne sait pas faire face est que ces relations se limitent à la question chinoise. L’Inde n’a aucune raison d’étendre sa rivalité avec la Chine à la Russie, car il s’agit de cas absolument différents. Les problèmes entre l’Inde et la Chine sont dus à des différends territoriaux historiques, qui n’existent évidemment pas entre l’Inde et la Russie, de sorte que toute rivalité entre New Delhi et Moscou doit être immédiatement rejetée.

Mais les avertissements américains ne peuvent être ignorés. L’Inde a raison de maintenir une position pragmatique, mais elle doit être prête à faire face aux conséquences. Il est difficile pour un pays d’entretenir des relations stables avec la Russie et les Etats-Unis en même temps sans en subir les conséquences. Washington a longtemps imposé de graves sanctions à l’Allemagne (son principal allié en Europe) en raison de sa coopération purement économique avec Moscou. Il est donc naïf de penser que l’Inde sera à l’abri des sanctions en coopérant militairement avec la Russie.

Ce que l’Inde doit faire pour maintenir une position souveraine et pragmatique, c’est de traiter de manière autonome ses problèmes territoriaux avec la Chine, en évitant d’impliquer les intérêts américains dans la région. L’Inde doit s’attacher à trouver une solution pacifique aux problèmes régionaux ou, dans le pire des cas, à former des alliances avec d’autres pays asiatiques, sans adhérer aux schémas internationaux dirigés par Washington. C’est la seule façon pour l’Inde de ne pas voir ses intérêts affectés par les États-Unis en échange de faveurs militaires américaines.

Lucas Leiroz, chercheur en droit international à l’Université fédérale de Rio de Janeiro (via Infobrics, traduction breizh-info)

Crédit photos : DR
[cc] Breizh-info.com, 2021, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine

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Une réponse à “Chine. L’Inde maintient une position internationale pragmatique, mais les États-Unis exigent un alignement plus fort.”

  1. patphil dit :

    quand il s’agit de faire la guerre, les états ont toujours trouvé des sous, la faim quotidienne de leurs citoyens, ils s’en contrefichent

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