Les coopératives bouleversent le secteur du funéraire

Un marché du funéraire critiqué

Le secteur du funéraire est un marché ouvert à la concurrence depuis seulement 1993. Avant cette année-là, toutes les prestations étaient gérées par les pompes funèbres communales. Le vote de la Loi Sueur en 1993 devait donc :

  • Mettre fin au monopole communal et permettre l’ouverture à la concurrence à des opérateurs habilités
  • Protéger les familles et assurer une transparence des prix, notamment avec des devis clairs et standardisés.

Dans les faits, le marché n’a pas vraiment évolué dans le sens des familles et est parfois considéré comme « opaque ».

En effet, au quotidien dans nos achats de produits et services, nous avons tendance à comparer et faire plusieurs devis avant de prendre une décision. Dans un contexte de décès, l’urgence et la tristesse ne permettent pas vraiment aux familles de poser des questions sur toutes les lignes d’un devis (lorsqu’un un devis est effectivement fourni).

Par ailleurs, plusieurs années après l’ouverture à la concurrence du secteur, la Cour des comptes a étudié plus précisément le marché pour se rendre compte que :

  • l’inflation au sein du secteur funéraire était bien supérieure à l’inflation générale en France
  • des PME avaient effectivement pu bénéficier de cette réforme en montant des agences de pompes funèbres familiales, mais que quelques réseaux d’entreprises s’accaparaient finalement une large partie du marché.

Enfin, depuis quelques années, des familles mécontentes ont contacté des journalistes et associations de consommateurs pour dénoncer des partenariats entre leurs assurances ou leurs banques dans le cadre de contrats obsèques, avec les grands réseaux de pompes funèbres, leur empêchant donc de faire travailler l’agence de leur choix.

Toutes les critiques à l’égard de ce marché ont récemment ouvert en France la brèche à de nouveaux acteurs comme les coopératives funéraires.

Les coopératives funéraires, origine et fonctionnement

Les coopératives funéraires se sont réellement démocratisées dans les 1970 au Canada et plus précisément au Québec, sous l’effet de la vente des agences funéraires familiales à des grands groupes notamment américains. Ces ventes ont modifié le marché avec une concentration de la propriété et une vision de plus en plus orientée vers le bien-être des actionnaires plutôt que des clients.

À l’origine, les coopératives avaient pour but de proposer un nouveau modèle de propriété : une entreprise créée par une communauté, pour cette communauté. Ainsi, les clients de ces agences devenaient également parties prenantes de l’entreprise.

L’arrivée des coopératives funéraires a de nouveau bouleversé le marché, en proposant des prix plus justes puisqu’aucun dividende n’était à verser. Cette mutation du marché a facilité l’accès à des obsèques à prix plus justes.

Aujourd’hui, les coopératives représentent environ 50% du marché du funéraire au Québec et donnent de nouvelles perspectives au-delà des frontières canadiennes.

Les coopératives funéraires en France

En effet, le modèle canadien intéresse de plus en plus et a inspiré plusieurs associations qui se sont finalement transformées en agences funéraires coopératives. D’abord à Nantes, puis à Bordeaux, Rennes, Dijon et enfin Tulles, le modèle importé du Canada se développe en France depuis plusieurs années.

Une différence existe néanmoins avec le modèle canadien : le statut juridique.

Effectivement, au Québec ces agences sont des coopératives de consommateurs alors qu’en France, le modèle qui émerge est la SCIC (Société Coopérative d’Intérêt Collectif). Cela signifie que les familles peuvent entrer dans la gestion de l’entreprise mais aussi les salariés ou des personnes morales comme des partenaires ou des collectivités.

Les coopératives françaises se fondent donc sous des formes juridiques permettant d’assurer une gestion participative et désintéressée, ce qui renforce leur transparence vis-à-vis des clients.

Zoom sur la Coopérative Funéraire de la Rennes

Au micro de France Bleu, Isabelle Georges, la fondatrice de la Coopérative Funéraire de Rennes raconte son parcours original. Elle a tout d’abord découvert par hasard lors d’un forum le fonctionnement des coopératives au Québec. Peu après, elle a dû faire face à l’organisation de funérailles en France, et à son retour au Québec, elle a décidé de travailler au sein d’une coopérative funéraire pour découvrir ce modèle économique et social un peu différent. Cette période a été un véritable déclic lui donnant envie de se lancer dans l’aventure de la coopérative en France.

Fort de son expérience outre-atlantique et de la création de la première agence de pompes funèbres à Nantes sous forme de coopérative, Isabelle a pu se lancer à Rennes.

Pour elle, les coopératives sont des entreprises qui organisent des funérailles comme les pompes funèbres classiques, mais la façon de faire est bien différente car la société appartient à ses membres. Finalement, cette gestion change tout puisque la vente n’est plus au cœur des préoccupations. L’objectif est de proposer le meilleur service à ses membres en proposant une réponse au besoin exprimé des familles uniquement, et pas plus. C’est un détail qui change tout.

En ne proposant que le nécessaire aux familles, sans vente additionnelle, en limitant ses marges du fait de la gestion désintéressée et en se passant du modèle d’actionnariat avec dividendes, les prix baissent mécaniquement. C’est pourquoi l’arrivée des coopératives sur le marché du funéraire au Québec a fait baisser les prix de 30% en une génération seulement.

Bien sûr, si une famille souhaite le maximum de prestations pour son défunt alors le devis sera plus élevé. Il ne s’agit pas de brader les prestations, mais de personnaliser au maximum les funérailles.

Aujourd’hui, l’un des enjeux majeurs énoncé par Isabelle est lié à l’information. En effet, prendre le temps d’écouter et d’apporter une offre sur-mesure n’est pas toujours simple dans le contexte d’obsèques où le temps est parfois compté. Les coopératives ont donc pour objectif, comme au Québec, d’apporter un maximum d’information aux familles pour leur permettre d’anticiper leurs funérailles et ainsi de faciliter les choix au moment venu.

En combattant le tabou de la mort, on permet de libérer la parole, de révéler les attentes et finalement de faciliter les décisions et l’accompagnement au moment du décès.

Zoom sur la Coopérative Funéraire de Dijon

À l’origine de la Coopérative Funéraire de Dijon, une ancienne conseillère funéraire qui aimait son travail mais à qui on reprochait de passer trop de temps avec les clients. L’aspect trop commercial et le manque de respect vis-à-vis des familles l’a écœurée.

Ce manque de respect passait par la surfacturation des soins et la vente d’options qui ne n’étaient pas désignées comme telles. Selon elle, on peut enterrer dignement un défunt sans frais extravagants.

Aujourd’hui, grâce à la coopérative funéraire, elle peut à nouveau retrouver le plaisir d’accompagner les familles, d’être à l’écoute et de proposer des tarifs compétitifs. Elle a d’ailleurs pris l’initiative d’organiser des ateliers et des cafés funéraires pour aborder le sujet des funérailles et du deuil, et le nombre d’inscription prouve à quel point les français manquent d’informations sur les sujets liés à la mort.

En bref

On le voit clairement. Les Coopératives funéraires ont bouleversé le marché québécois depuis les années 1970 et la France semble doucement prendre la même direction.

Le tabou autour de la mort maintient une certaine opacité du marché et les coopératives ont vocation à apporter davantage de transparence par l’information et la démystification du marché funéraire.

Les maître-mots de ce nouveau modèle d’agences : l’accompagnement, l’information, la transparence et l’écologie.

En effet, qu’est-ce qu’on laisse sur notre planète à notre décès ?

Pour les coopératives funéraires, proposer des funérailles plus douces pour l’environnement est une réelle motivation, tout comme l’accompagnement des familles et la transparence de l’entreprise.

Aujourd’hui, les agences funéraires proposent de nombreuses réflexions pour limiter l’impact d’un décès sur l’environnement :

  • Le choix du cercueil, en carton ou en bois non traité et non vernis
  • Un enterrement en pleine terre plutôt qu’une construction de caveau en béton
  • Des vêtements biodégradables plutôt que synthétiques pour les défunts
  • Éviter les capitons en polyester et favoriser un drap de maison en coton ou en lin
  • Quels soins de thanatopraxie sont vraiment nécessaires ?
  • Un monument en granit ne peut-il pas être remplacé par une tombe végétalisée ?

Renseignez-vous ! Et surtout, anticipez ! Cela évitera à votre famille bien des tracas.

Cet article n’a pas été rédigé par la rédaction de breizh-info.com

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