Il est des livres qui marquent un homme. Résister au mensonge : Vivre en chrétiens dissidents a été, pour moi, une véritable révélation, un électrochoc, au moins autant que lorsque je découvris La Colonisation de l’Europe, signé Guillaume Faye, au début des années 2000.
Pour quelles raisons ? Parce que dans cet ouvrage, le journaliste chrétien et résistant à la pensée unique Rod Dreher expose, de façon limpide, compréhensive, structurée, ce qui est en train de nous arriver aujourd’hui avec la déferlante Woke qui est en train de pourrir les États-Unis, les pays anglo-saxons, mais également l’Europe de l’Ouest. Une déferlante qui balaye religion, identité, histoire, culture, et qui a fait du mâle blanc et hétérosexuel la figure de l’homme à abattre, à exterminer.
La comparaison qu’il dresse — tout en gardant une distance et en soulignant les différences — avec le totalitarisme communiste est flagrante. Inquiétante. Mais elle laisse place à l’espoir. Tant qu’il restera des Hommes debout dans ce pays, déterminé, ayant la foi (ou pas), alors tout sera possible, rien ne sera perdu. Cela doit être notre espérance, pour que demain, nous, nos enfants ou leurs enfants mettons fin, balayent, tournent définitivement la page de ces décennies de suicide occidental orchestré par des puissances monstrueuses avec, c’est ce qui est le plus affreux là dedans, l’assentiment de populations lobotomisées, dont on a lavé le cerveau.
Qu’est-ce que le soft totalitarisme ? Comment l’homme moderne en vient-il à renoncer à sa liberté d’expression et aux lumières du bon sens ? Pourquoi l’Occident est-il gagné par le novlangue et la réécriture de l’histoire ? Aiguillé par l’exigence de vérité, cet essai magistral nous donne les moyens de résister au mensonge qui ronge et liquéfie l’âme. Et d’entretenir la flamme qui nous sera nécessaire, demain, pour résister et mettre fin au règne des fous furieux qui propagent cette idéologie mortifère.
Pour évoquer cet ouvrage, nous avons interviewé, en anglais (et traduit en français pour vous, chers lecteurs), Rod Dreher. Bonne lecture. Et jetez-vous sur cet ouvrage, aux éditions Artège.
YV
Breizh-info.com : Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?
Rod Dreher : Je suis un écrivain américain de 54 ans, originaire du sud de la Louisiane, qui s’intéresse aux questions de religion, de culture et de politique. En 2006, je me suis converti au christianisme orthodoxe, mais je m’intéresse à la construction de ponts entre les chrétiens traditionnels de toutes confessions. Je pense certes que les différences entre nous sont importantes, mais le plus important, en cette ère post-chrétienne, est de rester unis pour défendre la foi, et les uns les autres, contre la persécution.
Mon précédent livre, publié en France sous le titre « Le pari bénédictin », présentait saint Benoît comme un modèle de la manière dont les chrétiens peuvent se préparer à vivre fidèlement dans une ère post-chrétienne. Il se concentre principalement sur la menace que représente la décomposition interne des églises et sur l’incapacité à transmettre la foi à nos enfants. Mon nouveau livre, « Résister au mensonge », est écrit dans le même esprit, mais se concentre plutôt sur les attaques de l’extérieur contre la foi et les fidèles. Il est écrit non pas tant pour aborder le problème de la décadence interne, mais celui de la persécution externe.
Breizh-info.com : Pourquoi avez-vous rédigé le livre « Résister au mensonge, vivre en chrétiens dissidents » ?
Rod Dreher : Il y a six ans, j’ai reçu un appel téléphonique d’un médecin américain, qui disait vouloir parler à un journaliste. La mère âgée du médecin a émigré aux États-Unis depuis la Tchécoslovaquie dans les années 1960. Dans sa jeunesse, elle a passé des années en prison, condamnée par le gouvernement communiste comme « espionne du Vatican » — ceci, parce qu’elle refusait d’arrêter d’aller à la messe. Elle a dit à son fils, le médecin, que les choses qu’elle voyait se produire en Amérique aujourd’hui lui rappelaient ce qu’était la Tchécoslovaquie à l’arrivée du communisme.
Cela me semblait extrême. Mais j’ai pris l’habitude de demander aux personnes qui ont émigré en Amérique depuis des pays communistes si ce qu’elles voient aujourd’hui aux États-Unis leur rappelle ce qu’elles ont fui. Chacun d’entre eux a répondu par l’affirmative ! Et ils sont en colère parce que les Américains ne veulent pas les croire.
Dans mon livre, j’explique pourquoi les choses qu’ils voient sont réelles. J’ai également voyagé dans les anciens pays communistes d’Europe et en Russie pour interviewer des chrétiens qui ont survécu à la persécution, et même au goulag, pour leur demander des conseils sur la façon dont nous pouvons nous préparer à nous tenir fermement dans la foi, contre la persécution à venir.
Breizh-info.com : Vous expliquez dans vos livres que notre siècle, notre société, voit grandir un nouveau totalitarisme, un soft totalitarisme. Pouvez-vous l’expliquer ?
Rod Dreher : Lorsque nous pensons au totalitarisme, nous pensons à Staline, aux goulags, à la police secrète — au monde décrit par George Orwell dans « 1984 ». Ce n’est pas ce à quoi nous sommes confrontés aujourd’hui, et c’est pourquoi si peu de gens comprennent cette nouvelle forme de totalitarisme. Le nôtre est une forme douce de totalitarisme. Permettez-moi de l’expliquer.
Une société totalitaire est une société dans laquelle seule une idéologie unique est autorisée à exister, et dans laquelle tout dans la vie est rendu idéologique. C’est ce qui se passe actuellement, du moins dans mon pays — et ce qui arrive en Amérique finit par arriver partout. Aux États-Unis, la gauche a adopté une politique culturelle radicalement antilibérale, obsédée par la race, le sexe et le genre, et qui tente de remodeler la société en fonction de ses convictions radicales. Nous appelons cela le « wokeness » — je crois que les Français disent « le wokisme » — un mot qui traduit le sentiment qu’ont ces gens d’être éclairés, alors que le reste d’entre nous dort dans l’obscurité de la bigoterie.
Les wokistes sont totalement intolérants à toute opposition. Ils ne croient pas simplement que ceux qui ne sont pas d’accord ont tort ; ils croient qu’ils sont mauvais et qu’ils doivent être écrasés. Ils détruisent les emplois des gens, leurs entreprises et leurs réputations, tout cela au nom de ce qu’ils appellent la « justice sociale ». Si vous lisez les discours de Robespierre, vous comprendrez l’esprit de ces guerriers de la vertu. Ils n’ont pas encore pris le contrôle du gouvernement américain, mais ils se sont emparés de toutes les grandes institutions de la société civile américaine : le monde universitaire, les médias, les entreprises, le sport, le divertissement, le droit, la médecine, de nombreuses églises — et même la CIA et l’armée américaine. Ils parviennent à refaire de l’Amérique un pays woke totalitaire sans changer de gouvernement. C’est une des raisons pour lesquelles j’appelle ce nouveau totalitarisme « soft ». Il n’y a pas de police secrète, pas de goulags, pas de dictateurs — mais le pays est en train d’être refait en tant que pays totalitaire en utilisant le soft power.
Une autre raison pour laquelle je le qualifie de « doux » : toute cette folie est justifiée par la compassion pour les victimes. Ces totalitaires disent qu’ils doivent détruire la vie et les libertés des gens pour protéger les LGBT et les minorités raciales des suprémacistes blancs, des hétérosexuels et des chrétiens.
Breizh-info.com : Comment les chrétiens, l’identité chrétienne sont-ils visés par ce nouveau totalitarisme ?
Rod Dreher : Tout d’abord, il faut comprendre que les woks sont fortement anticléricaux, bien qu’ils aient pris le contrôle de nombreuses églises aux États-Unis. Ils partagent l’opinion commune de la gauche contemporaine selon laquelle la religion est une force réactionnaire qui enchaîne l’humanité. Ils ignorent le fait que le mouvement des droits civiques des années 1960 a été mené par des pasteurs protestants noirs, car ce fait contredit leur récit.
Mais il y a quelque chose de plus spécifique ici. Ils méprisent les chrétiens traditionnels parce que nous ne sommes pas d’accord avec eux pour dire que les LGBT sont quelque chose de bien, quelque chose à encourager. Je ne saurais trop insister sur la façon dont les droits des homosexuels et l’idéologie du genre définissent le wokisme. Regardez ce qui s’est passé en Europe cet été. Le gouvernement hongrois a adopté une loi stipulant que la propagande LGBT ne devait pas cibler les enfants, et affirmant le contrôle du gouvernement sur l’éducation sexuelle dans les écoles pour éviter cela. Personnellement, je soutiens cette loi, mais je comprends pourquoi les gens de gauche ne la soutiennent pas.
Qu’ont fait les dirigeants de l’Union européenne ? Ils se sont déchaînés ! Le Premier ministre néerlandais a promis de « mettre la Hongrie à genoux » à cause de cette loi. Ursula von der Leyen parle de punitions à venir pour la Hongrie, dans le langage de la guerre. Et ce, simplement parce que la Hongrie veut protéger ses enfants et exprimer dans une loi très douce une manière chrétienne de considérer le sexe et l’homosexualité.
Regardez ce qu’ils feront à la Hongrie à ce sujet. Cela vous dira ce qui attend tous les chrétiens traditionnels.
Breizh-info.com : Pouvez-vous nous parler de la « tyrannie Woke » aux États-Unis ? Comment expliquez-vous qu’elle commence à arriver en France, au Royaume-Uni ?
Rod Dreher : A l’ère d’Internet, le local est global. Tout cela se répand à travers les médias sociaux. En Slovénie récemment, j’ai parlé à un homme catholique qui est tourmenté par ce qui arrive à sa fille. Il m’a dit qu’elle avait 12 ans et qu’elle avait pris contact avec des adolescents aux États-Unis. Ils lui ont dit qu’elle devait choisir son identité sexuelle maintenant, avant que la biologie ne la choisisse pour elle. Ils lui ont dit qu’elle devait être l’une des 26 identités différentes. Le père m’a dit que sa fille ne pense qu’à cela et qu’elle est torturée par la peur de faire un mauvais choix. Je suis sûr que quelque chose comme cela se produit partout en Europe, et même dans le monde entier, grâce aux réseaux sociaux.
Elle est également portée par les médias, qui ont décidé que le wokisme était la définition même de ce que signifie être de gauche aujourd’hui. À Budapest, au printemps dernier, le maire de gauche d’un des quartiers de la ville a ordonné la construction d’une statue célébrant Black Lives Matter. Un journaliste a demandé à la maire ce que Black Lives Matter avait à voir avec la Hongrie ? Elle a répondu que nous devons tous être contre le racisme. Vous voyez ce qui se passe ici ? Ces problèmes spécifiquement américains sont en train d’être mondialisés par la gauche. Et comprenez ceci : vous serez obligés de vous en soucier.
Enfin — et c’est important — le wokisme est devenu l’idéologie des élites mondialistes. Dans mon livre, j’explique que les révolutions ne se produisent généralement pas de bas en haut. Elles se produisent lorsque les élites d’une société acceptent les idées révolutionnaires et les font circuler au sein de leurs propres réseaux. C’est ce qui s’est passé avec le wokisme. Il est passé rapidement parmi les élites anglo-américaines parce que nous partageons une langue commune. J’espère désespérément que la France pourra combattre cet impérialisme culturel, mais tout dépend des élites françaises. Les histoires que j’entend en provenance d’écoles comme Sciences Po sont très décourageantes.
Breizh-info.com : Comment pouvons-nous et devons-nous combattre cette nouvelle idéologie ? Y a-t-il des réactions aux États-Unis ?
Rod Dreher : Eh bien, nous devons faire ce que nous pouvons pour utiliser le pouvoir politique, et le pouvoir de l’Etat, pour la combattre, mais la vérité est que nous ne voterons pas pour sortir de cette crise. Il s’agit d’une révolution culturelle, et elle se produit dans un ordre démocratique libéral. Nous devons trouver le courage de résister publiquement, ce qui signifie être prêts à souffrir pour nos convictions. Nous ne devons pas capituler uniquement pour éviter les problèmes.
La triste leçon de l’histoire du totalitarisme communiste est que la plupart des gens se conforment pour éviter les problèmes. Nous ne pouvons pas nous joindre à eux. Nous devons commencer à former de petits groupes pour nous éduquer à la résistance, et construire des réseaux pour maintenir la foi vivante quand la persécution commence. Nous devons comprendre que tous les chrétiens ne seront pas nos alliés et que tous les non-croyants ne seront pas nos ennemis. Dans mon livre, je cite un dissident chrétien des années communistes qui dit qu’il est rare de trouver des personnes suffisamment courageuses pour s’opposer au totalitarisme. Lorsque vous les trouvez, vous devez en faire un allié, même s’ils ne partagent pas vos convictions politiques ou religieuses. C’est un principe important que nous devons comprendre.
J’ai dédié ce livre au père Tomislav Kolakovic, un prêtre catholique qui faisait de l’activisme anti-nazi en Croatie en 1943, mais qui s’est échappé lorsqu’il a appris que les Allemands venaient l’arrêter. Il s’est enfui en Slovaquie et a enseigné à l’université catholique de Bratislava. Il a dit à ses étudiants que les Allemands allaient perdre la guerre — c’était la bonne nouvelle. La mauvaise nouvelle, c’est que les Soviétiques allaient diriger leur pays une fois la guerre terminée, et que la première chose qu’ils allaient faire était de persécuter l’Église. Le père Kolakovic a dit aux étudiants qu’ils devaient commencer à se préparer à vivre dans la clandestinité, dans la résistance.
Il a mis en place un réseau de petits groupes, composés principalement d’étudiants, qui se réunissaient pour prier et parler de ce qui se passait dans leur société. Ils discutaient de ce qu’ils devaient faire, puis établissaient un plan d’action ferme. En deux ans, un réseau de ces groupes de Kolakovic s’est étendu à toute la Slovaquie. Les évêques catholiques slovaques l’ont critiqué, disant qu’il alarmait les gens sans raison valable, mais le père Kolakovic ne les a pas écoutés. Il comprenait la mentalité communiste et savait ce qui allait se passer.
En 1948, il y a eu un putsch communiste, et tout ce que le prêtre avait prédit s’est produit. Le réseau Kolakovic est devenu la structure de l’église clandestine, qui a maintenu la foi vivante pendant 40 ans de persécution. Mon argument est que, plus que toute autre chose, nous, chrétiens occidentaux d’aujourd’hui, devons commencer à former ces petits groupes et réseaux, tant que nous avons encore la liberté de le faire. Nous vivons une période Kolakovic.
Aux États-Unis, il se passe très peu de choses. Il y a un jeune activiste du nom de Chris Rufo qui fait de l’excellent travail en luttant contre cette soi-disant Théorie critique de la race, l’idéologie derrière le racisme, qui a conquis tant d’institutions américaines. Mais la plupart du temps, les Américains ne se défendent pas. Ils ne semblent pas comprendre à quel point c’est radical, ou ils pensent que tout ce qu’ils ont à faire est de voter républicain, et que tout reviendra à la normale. C’est une dangereuse illusion.
Breizh-info.com : Vous vous définissez comme un dissident chrétien. Qu’est-ce que cela signifie ?
Rod Dreher : Cela signifie que je suis un chrétien qui s’oppose à l’idéologie dominante de notre société post-chrétienne. Beaucoup de chrétiens le font, bien sûr, mais je pense qu’il est important pour nous de commencer à revendiquer l’étiquette de « dissidents » comme un moyen de souligner la nature totalitaire du régime. Pensez à Soljenitsyne, à Havel, à la mère du médecin américain qui m’a téléphoné pour la première fois en 2015. Si nous nous identifions à eux, nous pouvons mieux comprendre ce qui se passe réellement ici, en ce moment même.
Breizh-info.com : Avez-vous un message pour les personnes en Europe qui lisent vos livres ?
Rod Dreher : Vous êtes au cœur de la civilisation occidentale. Nous sommes en train de perdre cette civilisation très rapidement. Vous êtes sur les lignes de front de cette guerre. Tant de choses dépendent de votre vision, et de votre courage. Je vous en prie, battez-vous ! Ne vous rendez pas ! Mais en même temps, ne confondez pas le combat politique avec le combat religieux. Il est plus important pour le christianisme de survivre à cette obscurité à venir. Dans « Le pari bénédictin » et « Résister au mensonge », je me concentre sur la survie de la foi, et non sur la survie de la démocratie libérale. Nous sommes déjà bien engagés dans un nouvel âge sombre. Il n’y a aucun moyen d’y échapper. Saint Benoît nous offre un moyen de le traverser — mais nous devons être prêts à souffrir. C’est une dure vérité.
Je ne suis pas optimiste, mais j’ai de l’espoir. Quelle est la différence ? L’optimiste croit que tout va s’arranger pour le mieux. Mais ce n’est tout simplement pas vrai. Si c’était vrai, nous n’aurions pas de martyrs. Un chrétien plein d’espoir, en revanche, veut que tout aille pour le mieux, mais il sait que la vie est tragique. Mais il sait aussi que si nous unissons notre souffrance à Jésus-Christ, Dieu peut l’utiliser pour nous purifier et pour racheter le monde. Le Christ est notre modèle. Les martyrs sont notre modèle. Encore une fois, c’est une vérité difficile à accepter, mais il vaut mieux accepter la dure vérité que de vivre selon un mensonge confortable.
Propos recueillis par YV
Crédit photo : DR
[cc] Breizh-info.com, 2021, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine
Une réponse à “Rod Dreher : « Les Wokistes détruisent les emplois des gens, leurs entreprises et leurs réputations, tout cela au nom de ce qu’ils appellent la justice sociale » [Interview]”
un male blanc qui se rebelle ???
qui ne veut pas mourir ???
mais quelle horreur !
aux galères, au goulag !