À tous les allergiques (comme l’auteur de ces lignes) au cinéma de Leos Carax et à la comédie musicale, ceci est pour vous. Le film que vous rêviez de voir depuis la réouverture des salles est enfin à l’affiche ! Surfant pendant 2 h 20 sur la ligne de crête entre opéra rock punchy et mise à distance ludique de son dispositif, Carax parvient miraculeusement à émouvoir son public et à déclencher de réelles émotions esthétiques.
Compte tenu du script, ce n’était pas gagné : Ann Desfrasnoux, une chanteuse lyrique au faîte de sa gloire, et Henry McHenry, un comique urticant calqué sur Andy Kaufman, filent le parfait amour et conçoivent un enfant, Annette, une marionnette dont le chant cristallin retentit quand elle se trouve baignée d’une douce lumière. Comme dans toute tragédie, le bonheur sera des plus éphémères…
Une mise en scène d’une effarante virtuosité
Ne fuyez pas ! Filmée par un tâcheron se contentant d’une musique fonctionnelle, l’ensemble serait à frémir. Ici, la mise en scène d’une confondante maîtrise dans le choix des angles, la précision des cadrages et l’exploitation de l’espace témoigne d’une effarante virtuosité. Carax parvient en effet à marier le naturalisme de certains extérieurs, le formalisme auto-référentiel (les longues courses nocturnes à moto, qui renvoient à Holy Motors), la stylisation de la scène du naufrage (qui n’est pas sans rappeler le parti-pris abstrait du Casanova de Fellini) ou les visuels des écrans de télé, sans rupture de ton ni la moindre afféterie. Admirablement servi par la partition des Sparks, un duo fraternel en activité depuis 40 ans, auteurs du livret devenu scénario, il sait accorder l’atmosphère de chaque séquence au diapason de titres allant de la bluette (« We love each other so much »), l’emphase pink floydienne période The Wall ou les vocalises éthérées de « baby Annette ». Beaucoup plus convaincant que La La Land (Chazelle, 2016), hommage sympathique mais alangui à tous les classiques du musical, Annette invente sa forme propre, entre surenchère opératique, retournement des clichés, transgressions formelles et haine de la mièvrerie.
L’œuvre est confondante d’intelligence artistique en ce sens où le cinéaste assume complètement son matériau, le malaxe et le digère, sans rompre avec la grammaire fondamentale de la comédie musicale mais s’autorisant les pas chassés de la mise en abyme (comme la séquence initiale, galvanique, scandée des « So may we start ? » auto-réalisateurs ou le finale en farandole), pour tirer le meilleur parti d’une déconstruction jubilatoire. Avec Onoda, sur lequel nous reviendrons dans trois semaines, le meilleur film de cet été.
Sévérac
Annette. Un film de Leos Carax, avec Adam Driver, Marion Cotillard.
Crédit photo : DR
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2 réponses à “Annette, le meilleur film de cet été”
Léos Carax s’est trompé de média. C’est un auteur de BD. Les films qu’il fait sont des BD; Seules les images comptent. L’histoire ils s’en fiche, mais pas les spectateurs. Il est adulé par un groupe de producteurs qui bavent devant ce type. C’est une sorte d’imposteur. Le film Annette a coût 18 millions. Regardez les recettes de la première semaine. Le film ne dépassera pas cinq mille spectateurs. Qu’elle importance ! Puisque la production est couverte dès le départ et n’attend pas les recettes salles pour se rembourser. Cet argent est de l’argent public. Le citoyen français doit payer pou qu’un réalisateur légèrement déviant puisse s’exprimer.
Je ne serai pas aussi catégorique, j’attendrai de voir le film avant de dire si je l’ai apprécié. L’implication des Sparks est intéressante car ils sont très talentueux.
Le succès d’un film au box office m’est indifférent: trop de grosses daubes ont eu des milions de spectateurs et trop d’excellents films ont été ignorés.
Comme on dit chez nous:
Mouette and see.