Le sévignacais Gérard de Mellon (RN) 73 ans est président de séance du fait de son doyennat. Ironie du cadrage de la séance retransmise en direct : celui-ci est installé devant les traductions en breton et en gallo de « Conseil Régional de Bretagne » : Kuzul Rannvro Breizh et Consalh Rejiona de Bertègn. L’UDB Gaël Briand affiche un Gwenn-ha-du sur son pupitre et les deux UDB Briand-Caouissin sont placés juste derrière… Christian Troadec. Dans la salle, tous les affichages sont trilingues breton -gallo-français.
Trois tours de scrutin, aucune alliance
Après une introduction formelle, les conseillers passent à l’élection du président du conseil régional.
L’appel des conseillers régionaux est fait par le benjamin de l’assemblée : Benjamin Flohic, de la liste Cueff.
Lors du dépouillement de l’urne (transparente) contenant les 83 votes du président, il n’y a pas moins de 8 scrutateurs plus des administratifs qui vérifient que tout se déroule bien ! Au cas où Gérard de Mellon bourrerait la boîte pendant que les 82 autres ont le dos tourné ?
Premier tour : 42 voix sont nécessaires pour avoir la majorité.
Claire Desmares-Poirrier : 12 voix
Isabelle Le Callenec : 14 voix
Loïg Chesnais-Girard : 40 voix
Gilles Pennelle : 8 voix
Nuls et blancs : 9 voix.
De toute évidence, les 9 nuls et blancs viennent de la liste macroniste de Thierry Burlot.
Un second tour est donc nécessaire. Il manque deux voix à Loïg Chesnais-Girard pour constituer sa majorité. Où va-t-il bien pouvoir les trouver ? Quels accords secrets ont-ils été conclus ? EELV-UDB ou « Macronistes de gauche » ?
Pour ce deuxième tour, la liste EELV-UDB retire sa candidature ainsi que Gilles Pennelle au nom du RN. Reste Loïg Chesnais-Girard (PS-PCF) et Isabelle Le Callennec (Droite).
Deuxième tour :
Isabelle Le Callennec : 17 voix (3 voix de plus que précédemment)
Loïg Chesnais-Girard : 40 voix
Nuls et blancs : 26 voix
Troisième tour : (l’élection à la majorité relative est possible)
Le Callennec : 18 voix (une voix supplémentaire par rapport au tour précédent)
Loïg Chesnais-Girard : 40 voix
Nuls et blancs : 25 voix
Loïg Chesnais-Girard est élu à la majorité relative et de toute évidence, celui-ci n’avait conclu aucune alliance avec ses adversaires… qui resteront des adversaires.
LCG le « régionaliste »
Lors de son discours, Loïg Chesnais-Girard commence par saluer ses prédécesseurs « et amis » Pierrick Massiot et Jean-Yves Le Drian.
Dans un discours à la tonalité très régionaliste, Loïg Chesnais-Girard relève l’urgence écologique et souligne que les « idées régionalistes sont bien représentées sur les bancs et qu’elles sont aussi les miennes ». « Nous avons besoin de plus de Bretagne » sera le projet de cette mandature », scande le président réélu. Et moins de Paris ? L’ancien maire de Liffré annonce la « création d’un office foncier solidaire pour résoudre le problème du logement » et entend « lutter contre la spéculation immobilière ». « Je veux les usines et l’écologie », déclare-t-il, répondant ainsi aux critiques des Verts. Il répète tout au long du paragraphe sur l’écologie et l’économie qu’il ne compte pas « opposer emploi et écologie ». L’agroalimentaire constitue également une bonne part de son intervention : « Mon combat c’est le bien manger pour tous ». Les observateurs relèveront peut-être l’influence de l’accord avec Cueff. Petit clin d’œil aux arrogants Parisiens quand LCG souligne que « la Bretagne nourrit la région parisienne ». Puis le président socialiste enchaîne avec des idées-forces : « atteindre l’autonomie alimentaire, installer 1000 agriculteurs par an et continuer l’installation d’exploitation bio ». Afin de parer à l’avance tout critique, Chesnais-Girard annonce : « Pas de vice-présidence à l’environnement, mais des délégations ». Puis le thème de la jeunesse est mis en avant : « Je souhaite faire que tous les jeunes bretons puissent découvrir la mer. Je veux mettre en œuvre la promesse de gratuité des transports pour les moins de 26 ans dès cet été » Sans oublier le « 100 % local et 80 % bio dans les cantines de lycée. Arrive un sujet de fâcherie bien actuel : “Plus de Bretagne c’est plus d’autonomie énergétique”. Lors de ce passage, l’édile “répète son soutien à tous les projets des énergies marines renouvelables notamment celui en baie de Saint-Brieuc”. Les opposants aux éoliennes en mer sauront à quoi s’en tenir : le projet ne sera pas abandonné !
Puis Loig Chesnais-Girard se fait le chantre de la celtitude : “Je souhaite développer notre celtitude face au Brexit” avant de proposer une “alliance celtique européenne” afin de travailler avec les autres nations celtes. Mais le monde celte est visiblement encore trop étroit : “Je continuerai à développer la diplomatie bretonne à travers le monde”. Bigre ! Comme au temps du Duc Jean V ? Les langues de Bretagne sont également abordées : “Nous devons rester fidèle à nos langues de Bretagne.” Affirme le trégorrois devenu haut breton d’adoption. “Elles sont un rempart contre la mondialisation. Chaque Breton qui le souhaite devra pouvoir apprendre les langues de Bretagne.” Renouvelant en creux sa promesse de campagne de proposer une formation en gallo ou en breton à qui le souhaite. Puis le régionaliste reprend la main : “nous avons besoin de plus de pouvoirs pour les élus de Bretagne. Nous devons avoir la main sur l’emploi, sur l’eau, sur l’économie, sur la PAC.”
Pour finir, l’ancien cadre bancaire détaille ses premières actions : “démêler les situations de crise actuelles : Garder la Brittany Ferries hors de l’eau et participer à l’étude de diversification pour sauver et réorienter ‘Fonderies de Bretagne’ éventuellement vers la production d’aluminium. ‘Renault doit prendre ses responsabilités’. Sur le dossier de la Réunification, LCG annonce une rencontre prochaine avec le nouveau président du CD44 (anti-réunification) et Christelle Morançais totalement opposée à la question. L’élu breton annonce, en attendant, qu’il proposera un vote afin de saisir le président de la République pour organiser une série de votes sur la Réunification. En Loire-Atlantique d’abord puis en Bretagne administrative.
Les dernières paroles sont une belle déclaration au conformisme sociétal ambiant. Car Loïg Chesnais-Girard souhaite ‘une Bretagne où chacun pourra vivre pleinement sa sexualité, sa religion ou sa non-religion’. Ah ? Parce qu’on pourchasse les homosexuels, les musulmans et les athées en Bretagne ? Mais où donc ?
Clôture du discours dans les trois langues.
Christian Troadec, Vice-président aux Langues de Bretagne
L’annonce des vice-présidents était très attendue par le monde breton notamment pour ce qui concerne la vice-présidence aux langues de Bretagne. Or, celle-ci revient à… Christian Troadec. L’équilibre avec le gallo est respecté, car Kaourintine Hulaud est reconduite à la délégation à la langue gallèse.
Sans que l’on comprenne bien pourquoi, la question de la représentation dans la société portuaire du port de Brest aura été l’occasion de la première passe d’armes entre Bernard Marboeuf de la liste Le Callennec, Loïg Chesnais-Girard et Christian Guyonvarc’h de l’UDB.
Bernard Marboeuf se montrera en effet très exigeant sur la délégation à la commission permanente. L’édile soulignant que cette commission importante reste non publique. Il faut donc un surcroît de transparence. L’élu de Droite fera encore entendre sa voix en demandant un respect des groupes politiques dans les représentations. Le président élu lui rétorquant qu’il y a 647 représentations donc chacun aura sa part du gâteau.
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