En 1943, dans Ravage, René Barjavel dénonce les dangers d’une science que l’être humain ne maîtrise plus. Ce roman vient d’être adapté en bande dessinée, mais avec un message sensiblement différent…
Au milieu du XXII ème siècle, dans le sud de la France. Des hommes se livrent une guerre impitoyable. Agé de 129 ans, appelé Le Patriarche, François Deschamps se lance lui-même à l’assaut, tuant ses adversaires à coup de hachette. Son objectif : détruire la machine agricole construite par le clan voisin. Il sait que ce sont les machines qui ont entraîné, au siècle précédent, l’humanité à sa perte.
Retour en arrière. En 2052, François Deschamps, brillant étudiant en chimie agricole, part à Paris retrouver sa petite amie, Blanche Rouget. Le trajet en train Marseille-Paris ne dure que vingt minutes. Blanche est censée réviser ses cours de l’ENA, mais ses qualités vocales et physiques ont été repérées par un producteur, lequel fait tout pour garder la belle pour lui… C’est alors qu’un cataclysme survient : l’électricité s’arrête définitivement, plongeant la France dans le chaos. Avions et voitures volantes s’écrasent. A Paris, des incendies se déclarent. Dans l’obscurité, la panique s’empare des habitants.
Aux ordres de François, un groupe de survivants se lance en motos vers le Sud de la France, recherchant un havre paisible pour édifier une nouvelle civilisation. Pour survivre, ils vont céder à l’extrême violence. Afin d’échapper à un immense incendie, le groupe construit un radeau et fuit les flammes sur une rivière. Le radeau accoste sur une île sur laquelle est édifié l’Institut de transhumanisme, lequel introduit des nanomachines dans un corps humain, dans l’espoir de vaincre la vieillesse. François utilise pour lui cette nouvelle technologie…
René Barjavel (1911-1985) reste connu pour ses romans de science-fiction dans lesquels il dénonce une chute de la civilisation causée par une science que l’être humain ne maîtrise plus. Il publie en 1943 Ravage, son premier roman d’anticipation, dans l’hebdomadaire Je suis partout soutenant la Collaboration, dont le rédacteur en chef est alors Robert Brasillach. Dénoncé comme collaborateur par le Comité national des écrivains à la Libération, Barjavel est blanchi de ces accusations. Certes, certains ont décelé dans Ravage (1943) un soutien au gouvernement de Vichy, prônant un retour à la terre et le culte du chef. François, le héros du roman qui se méfie du progrès, appelé le « Patriarche », fonde en effet une nouvelle civilisation agricole sur laquelle il règne avec autorité. Mais la critique du progrès scientifique est un thème récurrent de la science-fiction.
Pour adapter Ravage, Jean-David Morvan n’opte pas seulement pour une approche modernisée, bien compréhensible pour un roman de science-fiction écrit il y a près de 80 ans. Il trahit son message. S’il prend le parti audacieux de commencer par la fin du roman, c’est pour que le lecteur se demande comment François, jeune étudiant sympathique, a pu devenir un autoritaire et violent chef de clan, fermé à toute idée de progrès. Il tente d’expliquer qu’il est devenu un dictateur assoiffé de violence guerrière parce qu’il était dans l’incapacité de vivre dans le monde moderne. Il imagine que pour se maintenir en vie, François utilise les dernières découvertes de l’Institut de transhumanisme, mais refuse d’en livrer le secret aux autres. A la fin de la bande dessinée, le scénariste imagine même un discours de Blanche qui, à la mort de François, dénonce l’autoritarisme de son défunt époux!
S’intégrant fréquemment dans de spectaculaires cases panoramiques, le dessin dynamique de Rey Macutay donne de l’énergie au récit. Son trait fin, mis en valeur par la colorisation très variée de Walter, intensifie les émotions des personnages.
Kristol Séhec
Ravage, Trois tomes. 13,90 euros chacun. Editions Glénat.
Illustrations : DR
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