C’est en tout cas le point de vue de Christine Le Bozec dans son dernier essai ( Révolution et religion, Passés/composés, 2021).
Son analyse est décapante, très juste, elle remet les pendules à l’heure, voyons pourquoi. De la Pragmatique Sanction (1458) à la loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat (1905), il y a comme un fil continu. C’est la volonté de la monarchie française de contrôler son clergé (ce qu’on appelle, doctrinalement, le gallicanisme) qui a préparé la mise au pas sanctionnée par la Constitution civile du clergé, votée le 12 juillet 1790.
Au départ, le catholicisme est religion d’Etat, il ne cohabite avec aucune autre. Affaire réglée dans le sang par huit guerres dites de religion (1562-1598), l’édit de Nantes (1685) parachevant l’éviction des protestants.
Mais, au siècle des Lumières, l’évolution est double. D’une part le gallicanisme se renforce en obtenant l’expulsion des jésuites, l’armée noire du pape, en 1763 (ce que réitéra la république en 1880), d’autre part l’esprit de tolérance grignote le statut de religion d’Etat du catholicisme. Louis XVI signe l’édit de tolérance qui réintroduit les protestants dans la vie publique.
Comme l’avait montré Tocqueville (L’Ancien régime et la Révolution, 1856) il n’y a pas de rupture radicale à partir de 1789, pas de solution de continuité mais au contraire un « continuum » qui fait de la révolution jacobine la suite naturelle, obligée, de la construction capétienne. Si d’aventure les girondins l’avaient emporté sur les montagnards (expression parlementaire du jacobinisme), il en aurait été autrement. Nous aurions eu alors un dérivé ou même un fac-similé des institutions américaines adoptées après 1776.
Ainsi, le sort fait aux religions (catholique, protestantes, juive) a été le même, à quelques temps d’arrêt près, sous la dictature terroriste de 1793-1794, sous le Directoire, le Consulat, l’Empire, la monarchie restaurée, orléaniste, le second Empire et, bien entendu les quatre républiques successives.
Et c’est bien en 1795 que tout s’est décidé. Rapporté par Boissy d’Anglas devant la Convention thermidorienne, le décret de ventôse (21 février 1795) dit tout :
1 – Que conformément à la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen « l’exercice d’aucun culte ne peut être troublé. »
2 – Que l’Etat n’en salarie, n’en subventionne aucun ; que les cultes ne peuvent déborder des lieux qui leur sont affectés.
3 – Les croyances étant d’ordre PRIVẾ , tout prosélytisme dans l’espace public, tout port d’objets, de symboles ostentatoires d’une religion sont interdits.
4 – En contrepartie, l’Etat se porte garant du bon déroulement des cérémonies religieuses ; quiconque les troublant tombe sous le coup de la loi.
Madame Le Bozec commente : « Entre raison, pragmatisme, tolérance et respect de l’autre, la liberté de conscience allait bien au-delà de la simple tolérance. »
En fait, aux origines, ne faut-il pas se référer à cette requête de Jésus le Nazôréen :
« Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu » (Marc 12.17, Matthieu 22.21, Luc 20.05)
Jean HEURTIN.
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