Les éditions Salvator viennent de publier « le Royaume du silence » signé Philippe Abjean (à commander ici).
Après avoir ressuscité le Tro Breiz, le grand pèlerinage aux Sept Saints de Bretagne qui avait disparu au XVIe siècle, et créé, dans les Côtes d’Armor, la Vallée des Saints qui remet en mémoire l’épopée des moines évangélisateurs en Armorique, Philippe Abjean pose la question de l’avenir des églises de plus en plus fermées, faute de célébrations et de vocations. Doit-on se résoudre à interdire d’accès ces sanctuaires, voire à les vendre ou les détruire ? Il propose ni plus ni moins la fondation d’un « ordre laïc du Silence » qui réinvestirait ces sanctuaires délaissés, avec pour mission d’y pratiquer un accueil fraternel, d’y assurer la transmission de la culture chrétienne, et de renouer avec la tradition oubliée par l’Église de la prière contemplative. Et si le silence était la grande prédication du XXIe siècle ?
Pour en discuter, nous avons interviewé Philippe Abjean.
Breizh-info.com : Qu’est-ce qui vous a amené à écrire Le Royaume du Silence ?
Philippe Abjean : Nous sommes au moment d’une rupture de civilisation. Des églises ferment faute de célébrations et de vocations, sont vendues, détruites… Dans d’autres pays comme le Canada et la Belgique, le mouvement prend l’allure d’une véritable éradication de la présence chrétienne et si l’on ne réagit pas, la France à son tour court le risque d’être dépossédée de son identité.. Derrière les pierres, il y a un enjeu de culture, de valeurs. Je ne crois pas à la fin du christianisme. Tout au contraire, au moment où s’annonce le transhumanisme sur fond de « cancel culture », où la montée de l’Islam se fait inquiétante, la religion chrétienne est la seule à même de défendre la valeur absolue de la vie et la dignité de l’homme. A chaque fois que l’on ferme une église, on ferme une porte du ciel… Ce livre n’est que le début d’un long combat. Comme Maurice Barrès le fit dans un contexte assez ressemblant voici un peu plus d’un siècle ».
Breizh-info.com : Dans votre livre, vous évoquez notamment ce patrimoine religieux breton, d’une richesse inestimable, mais qui devient de plus en plus inaccessible à ceux qui voudraient visiter, se recueillir. Des églises fermées à la fois par manque de vocations, mais aussi souvent pour éviter des dégradations de plus en plus fréquentes. Vous y appelez à un sursaut, à la création d’un ordre du silence. Pouvez vous nous en parler ?
Philippe Abjean : Le renouveau des vocations religieuses prendra une ou deux générations. En attendant, il nous faut tenir les murs, préserver ces territoires d’Eglise que sont les sanctuaires, petits ou grands. Et il nous faut surtout défendre l’intériorité, dernier refuge de la liberté, dévastée par la puissance des Gafam. Faute de prêtres, c’est aux laïcs de mener ce combat en défendant ce droit de l’âme à la vie intérieure. En se réunissant régulièrement dans les églises pour prier en silence, nous ôtons aussi aux élus, voire aux responsables religieux, tentés de vendre l’église ou de la détruire, l’argument trop facile selon lequel elle n’aurait plus d’utilité. Je précise que restaurer une église ou une chapelle coûte souvent moins cher que d’aménager un rond-point… Il faut redécouvrir le sens de l’accueil chrétien, faire connaître à nouveau, à travers les oeuvres d’art, l’incroyable richesse de la culture chrétienne ».
Breizh-info.com : Concrètement, est-on, dans cette réflexion, au stade de la réflexion uniquement, ou avez vous déjà des pistes, vous le bâtisseur, fondateur du Tro Breizh et de la Vallée des Saints. N’est-il pas possible, dans chaque commune de Bretagne, de trouver le membre de cet ordre que vous appelez de vos vœux ?
Philippe Abjean : Dans les mois à venir, je vais rédiger une règle précisant les modalités pratiques de cet Ordre du Silence. Beaucoup sont prêts à se mobiliser. Reste à préciser une feuille de route. Et je prendrai alors mon bâton de pèlerin pour faire rouvrir, non seulement en Bretagne mais dans toute la France, les églises fermées. La foi est devenue souterraine. Mais je suis sûr que des sources jailliront ».
Sous quelles formes pourraient agir ceux qui trouveraient votre projet salutaire ? N’est-ce pas finalement également la possibilité, localement, de refaire communauté, dans une société qui se disloque à vitesse grand V ?
« Pour faire communauté, nous ne devons pas nous situer uniquement dans un mouvement de défense du patrimoine. Il faut retrouver le sens de la fête et sans doute faudra t-il, comme autrefois, donner une vigueur nouvelle à nos vieux pardons bretons. Et plus encore lancer un appel aux vocations en invitant à découvrir les dizaines de congrégations qui ont tant oeuvré dans l’enseignement, le social, la mission… L’Eglise doit se faire à nouveau appelante ».
Breizh-info.com : Comment, vous le fervent catholique, vivez vous l’effondrement spirituel progressif du catholicisme en Bretagne, et plus globalement en Europe. Les institutions ont-elles fauté ? Il semblerait que beaucoup de jeunes, qui ne trouvent plus la foi dans les églises dites modernes, se tournent pour ceux qui épousent la religion catholique, vers la tradition…
Philippe Abjean : Les causes de l’effondrement du christianisme sont multiples. Et leurs analyses remplissent des bibliothèques. Mais la principale est pour moi la perte du surnaturel. L’Eglise depuis les commencements s’appuyait sur une conception tripartite de l’homme, corps, âme et esprit. Elle a rompu avec son fondement anthropologique en ne conservant plus qu’une conception dualiste, corps et âme. Tout est là. Bernanos l’a bien compris dans son oeuvre romanesque. C’est pourquoi l’Eglise revivra si elle revient à la lecture qu’en faisait Saint Paul. Et il est triste de voir tant de jeunes se tourner vers des pratiques méditatives d’Orient quand la tradition de méditation chrétienne est si riche. Mais qui l’enseigne ? »
Breizh-info.com : La Vallée des saints, parlons-en justement. La dernière fois que nous avons eu l’occasion d’y aller, nous avons retrouver un parking payant, des lieux de plus en plus aseptisés, et finalement de moins en moins spirituels. Votre projet initial a-t-il été trahi ?
Philippe Abjean : Dans un livre « Main basse sur la Vallée des Saints » (Le Temps éditeur), j’ai levé le voile sur ces moments douloureux. Réaffirmer la primauté du spirituel n’est pas simple dans un monde de convoitise et de cupidité. Le projet a été trahi. J’ai été trahi. C’est assez banal dans l’histoire du christianisme ».
Propos recueillis par YV
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Une réponse à “Bretagne. Après le Tro Breizh et la Vallée des Saints, Philippe Abjean veut redonner vie à nos églises fermées [Interview]”
En Bretagne il y a des prêtres qui célèbrent la Sainte Messe_ pour laquelle nos églises et chapelles ont été construites _ dans des granges, garages voire appartements aménagés et les fidèles s’y pressent de plus en plus nombreux et jeunes : c’est la Foi qui sauve ,son enseignement ses sacrements le vrai culte du à Dieu bimillénaire ; mais « Quand Je reviendrai , retrouverai_Je la Foi sur terre » a dit Jésus Christ . Cependant puisque le Maître a promis l’assistance du Saint Esprit à l’Eglise qu’Il fondait jusqu’à la fin des temps : vive ces prêtres combattant de la Foi, petit reste fils et frères de ceux de 1792 dont presque chaque foyer possède encore un vaisselier « à Tabernacle ».