La logique veut que François Bayrou recadre Luc Geismar

Le Conseil constitutionnel a donc censuré les articles de la loi Molac se rapportant à l’enseignement immersif – ce qui vise Diwan – et l’usage des signes diacritiques comme le tilde dans les actes de l’état-civil. De son côté, Emmanuel Macron appelle le gouvernement et le Parlement à « trouver les moyens de garantir la transmission de cette diversité linguistique dans le respect des cadres pédagogiques largement reconnus depuis un demi-siècle » (Facebook). Une solution efficace s’impose : une révision de la Constitution ; c’est ce que préconise François Bayrou avec force, désavouant ainsi son boy Luc Geismar.

Même leurs électeurs ignorent leur existence ; c’est le triste sort des suppléants des députés condamnés à l’anonymat pendant la durée du mandat. Ainsi Luc Geismar faisait équipe avec Sarah El Haïry (MoDem) qui fut élue député de la circonscription Nantes – Nort-sur-Erdre, en battant le sortant Michel Ménard (PS) – lequel est tout simplement pulvérisé au second tour (61,02% contre 38,98%). Le suppléant Geismar hérite tout naturellement du job lorsqu’en juillet 2020, Mme El Haïri devient secrétaire d’État à la Jeunesse et à l’Engagement. Il serait excessif d’écrire qu’une carrière de grand parlementaire s’ouvrait devant le suppléant ; pourtant il voyait les choses en grand en affirmant qu’« être député, c’est beaucoup de responsabilités envers la France, avec l’envie de bien faire également pour les citoyens » (Presse Océan, jeudi 18 février 2021).

Geismar vivotait donc dans l’obscurité lorsque survient la loi Molac relative à la « protection patrimoniale des langues régionales et à leur promotion ». Lors du votre à l’Assemblée nationale (jeudi 8 avril), il joue la prudence en ne participant pas au scrutin, alors que les autres députés MoDem de Bretagne votent en faveur de la proposition de loi (Bruno Joncour, Erwan Balanant, Sandrine Josso, Jimmy Pahun). Mais il se réveille en signant la saisine du Conseil constitutionnel avec soixante autres députés de la majorité (article 61 de la Constitution). D’après eux, l’article 6 du texte est inconstitutionnel. En réalité, l’opération a été diligentée par le cabinet de Jean-Michel Blanquer, ministre de l’Éducation nationale ; c’est la conseillère parlementaire de ce dernier, Constance Jacquin, qui rédige le recours (Le Canard enchaîné, 28 avril 2021).

Geismar fait donc figure de bon petit soldat, aux ordres, prêt à obéir à n’importe quelle magouille. On aurait plutôt vu cet Alsacien possédé par « l’envie de bien faire (…) pour les citoyens » (sic) éviter de s’engager dans une affaire qui ne correspond pas à l’attente d’une partie de ses électeurs. Lesquels sont souvent rancuniers et pourraient s’en souvenir lors des prochaines élections législatives.

Ne doutant de rien, Luc Geismar s’autorise à raconter n’importe quoi. En effet il se dit attaché à « l’identité régionale » et convaincu qu’« il faut favoriser l’apprentissage des langues régionales », mais « pas à n’importe quel prix » (Ouest-France, Bretagne, mercredi 5 mai 2021). Tout et son contraire !

On a le droit de poser la question suivante : si le sieur Geismar était député en Alsace, chez lui, se serait-il permis cet acte contraire à la défense  « l’identité régionale » ? Parachuté en Bretagne, il se croit tout permis…

Avant de faire des bêtises, Luc Geismar aurait gagné à demander des instructions à son patron François Bayrou. Lequel est très remonté contre le Conseil constitutionnel : « On est devant une aspiration sectaire au monolinguisme ». Pour briser l’hostilité de cette institution et sa jurisprudence qui s’appuie sur l’article 2 de la Constitution –  « La langue de la République est de français »),  il propose d’utiliser l’artillerie lourde : « Et si la Constitution doit être modifiée, les parlementaires ont le moyen de le faire ». Bayrou en est persuadé : « On peut trouver une majorité sur ce point dans les deux assemblées et atteindre la majorité des tris cinquièmes au Congrès » (L’Express, 27 mai 2021).

En attendant, le patron du MoDem peut rappeler le second couteau Geismar à ses « responsabilités » : « Rayer d’un trait de plume les décennies d’efforts pour transmettre ces langues qui appartiennent au patrimoine linguistique français est inconséquent, sans précédent et dangereux. » (L’express, 27 mai 2021).

Bernard Morvan

Photo : Maxime Castric/Wikimedia (cc)
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Une réponse à “La logique veut que François Bayrou recadre Luc Geismar”

  1. patphil dit :

    bayrou vitupère contre le conseil constitutionnel …. seulement quand ça l’arrange ;
    ce genre de politicard est une malédiction

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