Écrivain et essayiste, Richard Millet est l’auteur d’une œuvre majeure dans la littérature contemporaine, à mi-chemin du Liban et de la France. Il publie ce mois-ci Paris bas-ventre, le RER comme principe évacuateur du peuple français, suivi d’une éloge du coronavirus, titre et récit provocateur dont il a le secret (en 2012, il publia Eloge littéraire d’Anders Breivik…)
Le postulat de son ouvrage ? La disparition du peuple de Paris, étudiée sous le prisme d’un voyage dans l’enfer du RER B. « Paris elle-même est devenue un musée, et un égout à ciel ouvert. Oubliés Balzac, Hugo, Zola : au lieu du « ventre de Paris », en voici le bas-ventre : le RER et son quotidien million d’usagers. La plus grande gare souterraine d’Europe est aussi une projection de l’Enfer humain, civilisationnel ; une figure de l’effondrement de la France dans le multiculturalisme mondialisé où la langue française elle-même est évacuée, où la guerre civile a commencé. Un voyage au bout de ce système où l’humain rencontre sa propre négation » nous explique son éditeur, La Nouvelle Librairie.
Le livre est à la fois très bien écrit, comme d’habitude avec Richard Millet, mais terriblement fataliste. Terriblement réaliste aussi sur l’effondrement, plus rapide que la vitesse d’un RER, de notre civilisation. On vous conseille de l’acheter (à commander ici).
Nous avons interviewé Richard Millet pour discuter de son ouvrage.
Breizh-info.com : « J’ai naguère fait partie d’un peuple qu’on appelait français et qui est à présent le contraire d’une nation » écrivez-vous pour débuter votre livre. Mais la nation française, dans les structures géographiques actuelles de la France, a-t-elle réellement déjà existé ? L’histoire de France n’est-elle pas faite finalement d’affrontements et de rapprochements entre et au sein de communautés autochtones ?
Richard Millet : Né dans un village Limousin, j’ai entendu d’emblée deux langues : le français républicain et un patois occitan. Elles coexistaient merveilleusement, même si la première ne s’écrivait pas. Elevé au Liban, j’ai perçu la France comme un pays homogène, et encore prestigieux. Je n’idéalise guère. Je sais qu’il y a eu les guerres de religion, l’opposition entre pays d’oc et pays d’oïl, les saignées de 1789, de 14-18, les débâcles de 1870 et de 40, la mainmise du gauchisme sur le secteur culturel, etc. Les tensions communautaires se passaient entre Français. Rien à voir avec la guerre larvée qui a lieu aujourd’hui entre Français authentiques et Français de papiers, sur fond de terrorisme islamiste et de conquête « légale » du territoire par des communautés allogènes de plus en plus envahissantes.
Breizh-info.com : Peut-on réellement dresser un panorama du « peuple français » en prenant la ligne du RER B ? Dit autrement, une photo du Paris actuel est-elle le reflet de la France, et notamment de cette France périphérique pas (encore) au parfum de ce qui l’attend demain ?
Richard Millet : Ceux qui parlent ainsi n’ont jamais pris régulièrement le RER aux heures de pointe, ni regardé les composantes de la population qui s’y concentrent. On ne voit rien parce qu’on ne veut rien voir, écouter, sentir – encore moins nommer, notamment dire qu’il y a une bonne immigration, et une autre délétère, la plus nombreuse… Les médias font régner la peur, et aussi la 17° chambre correctionnelle… La « France périphérique » est une expression séduisante, mais elle a le défaut de faire oublier que les immigrés inassimilables sont partout, même dans les petites villes du Limousin, jusque dans les villages…
Breizh-info.com : Vous écrivez, en substance, que Paris serait aujourd’hui une forme de négation de l’humanité. Un « cloaque » comme l’écrit souvent Julien Dir dans notre journal. N’y allez-vous pas un peu fort ?
Richard Millet : Ce cloaque, j’en parle surtout à propos du RER. Paris est devenu sale, tout le monde le voit. Les Roms quadrillent la capitale avec leur mafia mendiante, parallèlement aux mafias venues, elles aussi, de l’Est, et d’Albanie, du Maghreb, du Nigéria. Les rats sortent des égouts. Les plaques nommant les rues ont couvertes de flyers, les murs de tags, d’affiches illicites. L’affichage en globish ne cesse de croître. Pour le reste, c’est une ville muséifiée, prostituée au tourisme…
Breizh-info.com : « La blancheur est la nouvelle couleur du péché » écrivez vous. Mais l’homme blanc n’est-il pas lui même responsable de ce retournement de l’histoire, coupable de n’avoir pas (et de ne toujours pas l’être) renversé les élites qui le poussent au bord du précipice, précisément parce qu’il est blanc ? N’est-il pas grand temps d’affirmer haut et fort sa fierté d’appartenir à une civilisation, qui, n’en déplaise aux adeptes de la religion républicaniste, est une civilisation blanche ?
Richard Millet : L’homme blanc est, oui, grandement responsable de ce qui a lieu et qui a commencé sous Giscard d’Estaing : destruction du système éducatif public avec la réforme Haby (on l’oublie trop souvent) et regroupement familial pour les travailleurs immigrés, comme on les appelait alors, quand on pensait qu’ils retourneraient chez eux. N’oubliez pas que la plupart des gens sont satisfaits d’être des esclaves : la servitude volontaire qu’entretient le consumérisme, l’amnésie, la vie dans un présent « cool », etc. Renverser les élites ?
Il suffirait de pas grand-chose : 300 personnes détiennent le pouvoir politico-médiatique à Paris. Mais on préfère râler au sein de corporatismes archaïques qu’on prend encore pour du progrès « social ». Affirmer son appartenance à la civilisation européenne, la plus haute qui ait jamais existé, avec autrefois la chinoise, n’intéresse plus grand-monde dans le cloaque mondialisé. Tentez d’en parler avec de jeunes bourgeois : ces questions-là ne les intéressent pas. Ils sont soumis à l’ordre mondial.
Breizh-info.com : Finalement, votre provocatrice éloge du coronavirus, n’est-elle pas une forme de réaction face aux maux que vous décrivez dans votre périple souterrain parisien ?
Richard Millet : Cet éloge est surtout ironique, quoique raisonnablement malthusien. Prétendre que la terre nourrira avec des larves 9 ou 10 milliards d’individus déjà eux-mêmes à l’état de larves intellectuelles est une imposture. Je suis en outre frappé qu’on ne montre jamais les victimes du covid. Pas un mot pour elles…
Breizh-info.com : Dernière question : la période n’est-elle pas suffisamment anxiogène, noire, sombre, pour ne pas en rajouter avec un pamphlet, qui, lu par des personnes déjà fragilisées, pourrait les conduire non pas à relever la tête et à se battre, mais finalement, à sauter dans le vide avant que le système ne les y pousse ?
Richard Millet : Période sombre, en effet : désespérante même. Mieux vaut la regarder en face, non ? Et puis mon livre est avant tout un texte d’écrivain, donc un témoignage sur la langue française, pour ceux qui s’en soucient encore.
Propos recueillis par YV
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