Tête de liste du Rassemblement national dans la région Pays de la Loire, Hervé Juvin est né le 29 janvier 1956 à Malestroit dans le Morbihan. Homme d’affaires – ancien associé d’Eurogroup Consulting, puis du cabinet Natpol DRS qu’il a fondé en 2017 – et essayiste depuis 1992, il a été proche de Raymond Barre et de Corinne Lepage. En 2017 il se rapproche du Rassemblement national et fait partie des Horaces – un collectif d’intellectuels qui conseille Marine le Pen. Il est aussi chroniqueur pour la revue Éléments. En 2019 il devient député européen du RN. Il lance début 2021 le Parti localiste, un mouvement satellite du RN.
Breizh Info : Pour commencer, qu’est-ce qui a pu pousser quelqu’un qui a fait une carrière complète loin de la politique, et qui pouvait exister en-dehors de la politique – par ses entreprises, ses écrits ou son capital, de s’y lancer ?
Hervé Juvin : C’est une bonne question ; j’ai toujours été chef d’entreprise, et arrivé à un certain âge, soit je continuais à publier des livres (9 chez Gallimard dont deux un peu plus marqués) et donner des conférences, soit je traduisais une partie du travail réalisé dans l’action politique. Quand Marine Le Pen m’a proposé d’être éligible aux européennes, j’ai tourné la page de l’entreprise, car la politique est incompatible avec la vie privée et j’ai arrêté l’activité d’intelligence économique que j’étais en train de lancer. J’y suis plutôt heureux.
Breizh Info : Que vous apporte votre activité de député européen ?
Hervé Juvin : Une vision sur un certain nombre de sujets. L’Union européenne est une machine à produire de la norme, et il y a par ailleurs des relations très intéressantes à découvrir entre Bruxelles et Strasbourg.
Breizh Info : Que sont pour vous les régionales ?
Hervé Juvin : L’élection de ma vie. Jusque là, je n’avais pas mené de campagne avec tous les aspects administratifs. Peut-être la seule de ma vie, car je ne suis pas sûr de refaire l’exercice.
Breizh Info : la liste aux régionales des Pays de Loire présente un taux de renouvellement très conséquent, puisque 90% des sortants n’ont pas été reconduits, et ceux qui l’ont été ne sont plus généralement en place éligible. Pourquoi sortir les sortants ?
Hervé Juvin : Pour l’élaboration, je me suis reporté sur les délégués départementaux. J’aurais pu faire le choix de garder tous ceux qui étaient compatibles [avec la ligne du Parti], j’ai fait au contraire le choix du renouvellement.
Breizh Info : Autre choix qui suscite l’incompréhension, voire le sarcasme, la présence de la fille d’un ministre d’Omar Bongo, en 4e place en Loire-Atlantique – potentiellement élue régionale RN donc ?
Hervé Juvin : Elle est chef d’entreprise, implantée dans la région [en Vendée] Elle est aussi éminemment porteuse de la culture française, elle a fait des écoles parisiennes prestigieuses. C’est aussi une entrepreneuse indépendante – nous on essaye de sauver les PME et les indépendants. C’est aussi un point de contact avec l’Afrique. Je me revois enfant à Nantes, rêvant sur le quai de la Fosse où les bateaux amenaient du bois précieux et des bananes.
Breizh Info : Parmi les politiques régionales majeures, les transports et notamment le chemin de fer. Quelle sera votre politique ferroviaire ?
Hervé Juvin : C’est un moyen très écologique de circuler, et puis un vecteur majeur de décloisonnement du territoire, ce qui avait été le cas lors de la construction du réseau ferroviaire actuel sous la IIIe République. C’est dingue de voir tant de villes dans l’Ouest de la France où les gares sont vendues et abandonnées, tandis qu’il n’y a plus que de rares bus en guise de transports publics pour y venir. La SNCF a été mise au service de la métropolisation et du désaménagement du territoire.
Breizh Info : SNCF qui fera face sur cette mandature à l’ouverture à la concurrence des trains express régionaux ?
Hervé Juvin : J’ai une très grande défiance devant la mise en concurrence de la SNCF. Il vaut mieux un grand opérateur national intégré ou un opérateur régional de lignes secondaires.
Breizh Info : La ligne Nantes – Châteaubriant a rouvert, d’autres revendications existent pour rouvrir la ligne des Herbiers, dans un bassin de vie très dynamique et faire revenir le train jusqu’au Puy du Fou. Qu’en pensez-vous ?
Hervé Juvin : Il faut bien sûr rouvrir des lignes, on peut penser aussi à la liaison Nantes – Rennes qui n’a pas beaucoup de maillage et qui ne va pas très vite, ni par Savenay et Redon, ni par Châteaubriant. Cela dit, il y a une vraie question de la complémentarité des transports : il faut arrêter la persécution anti-automobile. Objectivement, il y a des départements ruraux où les gens vont continuer à utiliser leur voiture au quotidien. La persécution anti-voitures génère un grand sentiment d’exclusion chez ceux qui « roulent en diesel et fument des roulées » – en Pays de Loire 46% des voitures ne pourront plus entrer en ville à partir de 2023. C’est intenable.
Breizh Info : Que pensez-vous de la réunification bretonne ?
Hervé Juvin : Les identités régionales ont été clairement malmenées par la loi NOTRE qui a mis en place des découpages administratifs arbitraires qui n’ont rien à voir avec les identités régionales. Il faudrait un vote dans toute la région sur ce sujet.
Breizh Info : c’est un sujet qui concerne les Bretons et eux seuls, qu’est-ce qu’on irait donner aux sarthois ou aux vendéens droit de vie et de mort sur la réunification bretonne ?
Hervé Juvin : L’actuelle région des Pays de Loire est un ensemble qui marche, ils ont aussi leur mot à dire. Par ailleurs, dans les années 1960 Nantes faisait jeu égal avec Rennes, aujourd’hui Nantes a creusé l’écart avec Rennes, c’est sans commune mesure. Si Nantes rejoint la Bretagne, il y aura un énorme problème de rééquilibrage, Nantes et Saint-Nazaire phagocyteront tout.
Breizh Info : Nantes et Saint-Nazaire amèneront aussi les moyens financiers qui manquent actuellement à la région administrative bretonne tronquée de financer le rééquilibrage vers l’ouest et la ruralité.
Hervé Juvin : Tout se fait à Nantes en Pays de Loire, quand on fait quelque chose dans les autres villes, c’est un modèle réduit de ce qui se fait à Nantes. Je ne suis pas opposé à la réunification mais il faut bien en peser les conséquences.
Breizh Info : Avec l’ex-Insoumis Andrea Kotarac, qui mène la liste en Auvergne – Rhône Alpes, vous avez lancé le mouvement localiste. Pourquoi et qu’apportez vous au RN ?
Hervé Juvin : Je suis parti d’un constat mué en conviction politique – tout ce qui est important va repartir du local. Il y a un rapport de la Fabrique de l’Industrie sur les relocalisations qui illustre mon propos – tout ce qui tombe d’en haut ne marche jamais, quand ça vient du terrain, ça fonctionne. Il y a le miracle mayennais – moins de 5% de chômage, une qualité de vie exceptionnelle, de nombreuses petites entreprises et des formes coopératives ou communautaires de travail. Cela va de pair avec une certaine unité de la population. En politique aussi, il faut que les décisions soient prises au plus près du terrain – et de la même façon, il faut consommer, manger en circuit court. Le localisme sera la base où se prendront les décisions.
Breizh Info : Lors de la crise sanitaire, les seuls échelons qui semblent avoir bien marché sont les communes et les régions, qui sont allées jusqu’à suppléer les défaillances de l’État, comme la Provence en France ou la Catalogne en Europe…
Hervé Juvin : C’est une catastrophe européenne. Dès qu’on s’est éloigné de la base, ça a été catastrophique. Finalement les pays qui ont fait face au mieux – la Serbie, le Royaume-Uni etc. se sont débrouillés tous seuls.
Breizh Info : En Bretagne, on a tout de même une franche réussite face à la crise sanitaire, le vaccin nantais de Valneva, que Macron a laissé filer à l’anglaise – les Anglais ont financé les essais cliniques et en récupèrent toute la production. Qu’en pensez vous ?
Hervé Juvin : La semaine dernière, je traitais des labels de création numérique, c’est exactement le même souci, ils commencent en France puis s’en vont aux Etats-Unis, à Singapour, etc. Il faut accepter un modèle fiscal différent avec des entreprises qui seront rentables au bout de trois ou cinq ans – ou pas du tout.
Breizh Info : Les régions distribuent pourtant des aides ?
Hervé Juvin : Il y a eu mieux. Il y avait des bourses régionales, à Nantes, Lyon, Marseille etc. et des agents de change, comme Portzamparc, qui reliaient le capital de la bourgeoisie nantaise à des dizaines de PME qui cherchaient des fonds propres. Il y a un lien entre l’épargne, l’économie locale et le maintien du cadre de vie – cela s’appelle le double dividende. Quand vous investissez dans une start-up aux Etats-Unis, ça rapporte des dividendes, mais ça ne maintient pas les emplois, les classes dans votre école et les commerces de votre quartier. Il y a aussi d’autres façons d’investir – son savoir-faire, son carnet d’adresses.
Breizh Info : Le localisme c’est bien, mais face aux blocages locaux, il faut une impulsion de l’État dans l’économie, pour les mines par exemple, l’énergie, les grands projets d’infrastructures ?
Hervé Juvin : Cet Etat justement, face aux blocages, il n’existe plus. Il est miné par la corruption, son appareil est soumis aux intérêts étrangers, il laisse nos fleurons vendus à l’étranger, démantelés – comme Alcatel par exemple.
Breizh Info : N’est-ce pas non plus grâce aux « écoles parisiennes » dont vous tissez les louanges au sujet de votre colistière franco-gabonaise ?
Hervé Juvin : C’est valable certainement pour l’ENA qui est l’expression de la tutelle de l’Inspection des Finances sur l’économie réelle, ou les écoles de commerce qui implantent une idéologie d’Outre-Atlantique, mais pas nos écoles d’ingénieur qui restent respectées dans le monde car elles dispensent une formation à la fois généraliste mais sans savoir-faire technique cloisonné.
Breizh Info : Et Sciences Po ?
Hervé Juvin : C’est l’école la plus anti-française que l’on puisse imaginer.
Breizh Info : lors des dernières régionales, en 2015, ont été élus sur la liste de la majorité de droite des candidats Sens Commun qui s’étaient engagés pendant la campagne à défendre les combats de la Manif pour Tous, notamment contre le lobby LGBT, et qui une fois élus ont voté avec le reste de la « droite » les crédits du Planning Familial, les subventions au lobby gay et le reste, ce qu’ils avouaient toute honte bue dans nos colonnes. Sens Commun est devenu depuis le Mouvement Conservateur. Allez-vous avaliser le soutien régional au lobby LGBT ?
Hervé Juvin : Je respecte la liberté individuelle, mais je suis assez inquiet des idéologies qui sont imposées à la majorité par les minorités. Nous allons lutter notamment contre l’écriture inclusive qui est imposée dans les documents et signalétiques officiels.
Breizh Info : Les subventions au Planning familial engagent aussi un choix démographique – une thématique rappelée avec un certain courage par François Bayrou, qui dresse le constat que les choix faits sous François Hollande ont finalement été des choix de mort, mettant en péril la natalité française et donc l’avenir de notre système social.
Hervé Juvin : La démographie c’est le destin. Il y a cependant une suite de rideaux qui opacifient le traitement de la question. Par ailleurs il est intéressant d’observer les politiques de soutien à la natalité qui sont pratiquées ailleurs, en Europe centrale notamment, les gens ne font pas des enfants parce qu’ils ont des subventions.
Breizh Info : Quels résultats électoraux espérez-vous ?
Hervé Juvin : Il n’y a pas de sondages récents. Nous espérons être au second tour, et constatons que les gens commencent à s’intéresser aux régionales. Nous espérons qu’il y aura une confrontation des projets pour la région.
Breizh Info : Les Pays de Loire sont un ensemble artificiel, une illusion construite en niant la Bretagne, la Vendée, l’Anjou, le Maine, à quoi bon vouloir la prolonger par un projet ?
Hervé Juvin : Je regrette le cadre absurde de la loi NOTRE mais j’espère rassembler dans notre projet le plus possible de ceux que je ne veux pas appeler « ligériens » [nom officiel des habitants des Pays de Loire] car cette appellation n’a pas de sens.
Breizh Info : Les projets éoliens se multiplient et cristallisent les oppositions partout dans la région, notamment dans le centre-nord de la Loire-Atlantique (Nozay, Issé, Derval) entre saturation visuelle et dégâts réels mais difficilement quantifiables aux exploitations agricoles. Qu’en pensez-vous ?
Hervé Juvin : Si nous sommes élus, l’éolien, ce sera un moratoire complet. C’est l’escroquerie de la conversion énergétique qui conduit à un pillage de ressources par des multinationales principalement chinoises, le saccage de nos paysages, pour un très faible rendement électrique, et des coûts majeurs suite à la réfection du réseau électrique. Il y a aussi derrière le projet géopolitique global de mettre fin à l’indépendance que le nucléaire nous donne. Les Verts l’ont fait en Allemagne, c’est une catastrophe pour leurs industries. Et il y a d’autres risques avec eux.
Breizh Info : Lesquels ?
Hervé Juvin : S’ils arrivent au pouvoir en Allemagne – il y a un risque non négligeable, même dans une coalition, ils vont forcer les entreprises allemandes à se désengager des activités duales, c’est à dire abandonner le versant militaire de leurs activités. Par exemple Volkswagen devra se désengager de l’usine MAN à Saint-Nazaire qui fabrique notamment des moteurs pour nos sous-marins, sous peine de blocage de l’accès aux crédits – c’est tout l’enjeu de la « taxonomie » que les Verts essaient de mettre en place au niveau de l’UE et qui risque d’étouffer nos entreprises en les privant d’accès aux financements. Pour l’instant MAN licencient 71 personnes, dont des compétences pointues – or si on les vire, au bout de quelques années on perd les savoir-faire.
Breizh Info : C’est un problème que connaissent les Etats-Unis de façon aigue – ils savent encore faire de belles présentations 3D, mais leurs réalisations de haute technologies sont de plus en plus souvent des échecs, que ça soit les destroyers furtifs de classe Zumwalt, les F-35 obsolètes dès leur mise en service et qui souffrent de nombreux problèmes de conception, ou les explosions à répétition des fusées Tesla. Pourquoi selon vous ?
Hervé Juvin : Les Etats-Unis vivent en effet une descente aux enfers de leur industrie. Deux raisons selon moi – avoir abandonné tout au numérique et l’affirmative action. Quand on prend à des postes de responsabilité des gens selon les quotas et non gens compétents, parce que ce sont des mâles blancs, les avions tombent.
Breizh Info : Mais ça fait beau sur les présentations média et les banques apprécient. Les avions tombent, mais les crédits aussi.
Hervé Juvin : C’est précisément l’enfer dans lequel l’Europe veut plonger nos entreprises françaises.
Propos recueillis par Louis-Benoît Greffe
Crédit photo : DR
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3 réponses à “Régionales. Hervé Juvin : « Tout ce qui est important va repartir du local »”
Le « gars de Carentoir » que je suis salue amicalement le « gars de Malestrois » que vous êtes ! Je vous souhaite le plus massif succès. Je souhaite en premier lieu que le Breton que vous êtes redonnera à la capitale de la Bretagne, Nantes, chère au coeur de tous les vrais Bretons, la sécurité et l’ordre qui lui valaient, il n’y a pas si longtemps, la réputation d’une ville rayonnante où il fait bon vivre.
La Réunification de la Bretagne est une impérieuse nécessité. C’est, pour tout authentique Breton, la condition « sine qua non » de l’allégeance française. Il faut, bien sûr, trouver les moyens, avec nos amis mayennais et autres habitants de la pseudo-région, les voies et moyens de concilier les intérêts légitimes des uns et des autres. Il n’en reste pas moins que le crime historique qui a séparé la Loire-Atlantique du reste de la Bretagne doit être réparé en vertu du principe « Ex injuria non oritur jus » (d’une injustice ne naît pas un droit).
Crime il y a bien eu en effet : un texte découvert par un de mes anciens étudiants aux Arts et Métiers démontre que les autorités de Vichy, au moment de la création des « régions de programme », ont pris soin pour complaire aux Occupants, – complaisance inavouable ! – de faire coïncider les limites de ces régions avec celles de la Gestapo pour l’ouest de la France. L’Obersturmbannfûḧrer Werner Best, consulté à ce sujet, a donné évidemment son accord. Nantes, jugée turbulente a été ainsi rattachée à une région jugée plus calme. Werner Best, très proche du Führer, a dans la suite été chargé de la « question juive » au Danemark. Les Danois, à la Libération, l’ont condamné à mort. Mais , redoutable juriste, il a finalement réussi à sauver sa peau. Voilà la « faute originelle » de l’improbable région (sic !) dont, je l’espère malgré tout, vous allez hériter, à charge pour vous de l’en purifier grâce à d’ingénieuses transitions qui ramèneront à terme Nantes et le reste de la Loire -Atlantique dans le giron de la Bretagne historique. Et tant pis pour les mânes de Werner Best !
Marcel Texier
quoi ? local ? mais le monde entier attend que nos zélites s’occupent de leurs ressortissants!
la démographie galopante implique que les européens aient des devoirs ; eux d’abord, nous s’il reste quelques sous
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